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Le like a-t-il remplacé l'amicale poignée de main ? Cette année plus que jamais, les candidats aux municipales s'investissent sur les réseaux sociaux pour faire campagne.

Avant même le coronavirus, les batailles électorales se jouaient déjà sur Internet. Et les candidats aux élections municipales 2020 n’échappent pas à la règle. « Ils sont plus présents sur les réseaux sociaux qu’en 2014 », souligne le politologue et chercheur à Sciences Po, Thomas Vitiello. Un phénomène que le spécialiste observe même dans les moyennes et petites villes.

À Strasbourg, les candidats se sont emparés de ces outils numériques. Facebook, Twitter, Instagram… La candidate PS Catherine Trautmann est partout. « Les réseaux sociaux renvoient une image de modernité, justifie le community manager de son équipe. S’en passer serait dommageable pour la campagne. »

Pour les petits partis ou les listes citoyennes, qui n’ont que quelques semaines pour se faire connaître, l’enjeu est encore plus fort. Chantal Cutajar, candidate de la liste « Citoyens engagés », tient à rester active sur les plateformes numériques. Yohann Rivière, son directeur de campagne, l’assure : « Les réseaux sociaux restent le levier le plus viral en termes de communication. Se priver de ces canaux revient à se priver d’une catégorie de la population, celle qui s’informe uniquement par Internet. »

Marketing politique et autopromotion

La diversité des réseaux sociaux reflète la diversité des publics touchés, et « chaque plateforme démontre un intérêt bien différent », remarque Thomas Vitiello.

Le réseau social privilégié par les candidats aux municipales est sans nul doute Facebook. « C’est un outil de marketing politique, d’autopromotion, où le candidat reste maître du contenu qu’il diffuse », observe Thomas Vitiello. Avantage indéniable en période électorale, la plateforme offre une vraie tribune aux candidats. « On peut par exemple prendre le temps de développer un point du programme sur lequel on veut insister, ou présenter ses colistiers », note le politologue.

C’est d’ailleurs la technique prisée par l’équipe de campagne de Chantal Cutajar. Chaque jour, à l’approche du scrutin, elle diffuse sur Facebook une vidéo d’un de ses colistiers, qui résume en une minute les raisons de son engagement. L’idée ? « Mettre en avant des citoyens engagés, explique Yohann Rivière. Aujourd'hui, les électeurs ont besoin de pouvoir s’identifier, donc on personnifie le message. »

 

Facebook pour rassembler, Twitter pour s'affronter

Être sur les réseaux sociaux, ce n’est pas seulement distribuer du contenu à une communauté d’électeurs, c’est aussi interagir avec elle, susciter le débat. « Twitter est un format très interactif où le partage de contenu est limité, mais qui permet davantage la critique, la réappropriation du politique, le détournement », détaille Thomas Vitiello. Les élections de 2020 suivent la tendance : Twitter est moins plébiscité que Facebook. Mais à Strasbourg, certains partis ont su s’en emparer. À coups de hashtags, les militants et candidats débattent, réagissent, partagent, polémiquent. Et se crêpent le chignon.

À chaque réseau social sa fonctionnalité, et son public. Le politologue Thomas Vitiello souligne la complémentarité des applications : « Sur Twitter, on vise les leaders d’opinions, les personnes actives dans la sphère publique, alors que sur Facebook, on touche un public beaucoup plus large et pas forcément intéressé par la politique. »

Quant à Instagram, réseau social de l’image très prisé des jeunes mais encore peu exploité par les candidats, il est le canal privilégié pour mettre en avant le travail sur le terrain. Certains candidats à la mairie de Strasbourg l’ont bien compris. Jean-Philippe Vetter (LR), Catherine Trautmann (PS) ou encore Jeanne Barseghian (Les Verts) n’hésitent pas à se mettre en scène au quotidien, sur les marchés, à la rencontre des électeurs…

 

Derrière les claviers, la critique acerbe

Si les réseaux sociaux sont devenus incontournables durant des municipales, le politologue relativise leur usage, qui reste plus faible que pour d’autres élections. « À l'élection présidentielle, les contenus sont commentés et relayés en masse, et peuvent parfois créer le buzz. Au niveau local, il est plus difficile de se constituer une communauté d’internautes », analyse Thomas Vitiello. Ce qui oblige les militants à aller à la rencontre des gens, sur le terrain, estime le chercheur : « C’est une élection de proximité. Les Français n’envisageraient pas de voter pour quelqu’un qui ne ferait pas de campagne à l’extérieur. » (lire encadré ci-dessous)

Permettre d’interagir, c’est aussi s’exposer à la critique. Une expérience vécue par Alain Fontanel (LREM), premier adjoint au maire, lorsqu’il a annoncé sur Facebook ses « mesures locales pour soutenir les entreprises face au coronavirus ». La publication, diffusée sur sa page de campagne, a entraîné une salve de commentaires négatifs.

Comment réagir face à la critique sur les réseaux sociaux ? Pour le community manager de la candidate PS, la consigne est claire : « On n’efface pas le contenu négatif, car cela pourrait signifier que l’on ne supporte pas le débat. Aux internautes de distinguer la haine gratuite de la critique informée. »

Laurie Correia

FOCUS : « La présence sur les marchés est symbolique, ça montre qu’on est là »

À l’heure des réseaux sociaux, le tractage sur les marchés a-t-il encore un sens ? Oui, si l’on en croit le nombre de militants et colistiers, tracts à la main et gilets colorés sur le dos, qui fourmillent à l’entrée des marchés de Strasbourg depuis plusieurs semaines.

« On veut que tous les gens nous connaissent », explique Ali Martin Lamri, qui tracte régulièrement pour la liste citoyenne "Égalité active". Cet exercice permet de toucher une large catégorie de la population, plus diverse que sur les réseaux sociaux, où le pouvoir de frappe est limité.

Car la politique se fait dans la rue. « On touche beaucoup plus de monde. Et ça nous permet de prendre le pouls de la population », affirme un militant de Jean-Philippe Vetter (LR). Une colistière des Verts tempère : « La plupart du temps, les gens ne font que prendre le tract. Mais parfois, ils peuvent s’arrêter et nous poser des questions. »

Candidats et militants interpellent les électeurs au marché. Photo Laurie Correia

Pour Richard Bauer, électeur strasbourgeois de 43 ans, « le contact humain est primordial. Les partis nous montrent qu’ils sont mobilisés et engagés. » Une absence peut rapidement jouer en leur défaveur. Le candidat à la mairie d’Illkirch-Graffenstaden, Thibaud Philipps, se souvient d’un jour où il ne s’était pas déplacé : « Les gens étaient étonnés de ne pas nous voir ! La présence sur les marchés est symbolique, ça montre qu’on est là. »

Le public n’est pourtant pas toujours réceptif. Pour certains électeurs, tracter sur les marchés n’a plus de sens. « Si je veux me renseigner, je vais regarder les programmes sur Internet ou sur les réseaux sociaux », estime Simon Hueber, 27 ans. Coralie, professeure des écoles de 28 ans, se dit même « dérangée » par le tractage : « Je viens au marché pour faire mes courses, pas pour parler politique ! »

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