Entre sélection à l’entrée et diversification des offres, les candidats aux municipales multiplient les idées pour l’avenir du tourisme à Colmar.
Au mois de décembre 2018, le marché de Noël a attiré 1,5 million de visiteurs. Photo Aurélien Gerbeault
Ça ne se bouscule pas place des Unterlinden, à Colmar. Face au musée du même nom, et juste à côté de l’office de tourisme, personne ne se précipite dans les rues ou pour entrer dans les bâtiments. Depuis janvier, et le début de la basse saison touristique, les visiteurs se font rares.
En pleine crise du coronavirus, la fréquentation se porte même encore plus mal que d’habitude. Difficile alors de comprendre ce constat dressé par tous les candidats à la mairie : il y a trop de touristes à Colmar. Il faut se pencher sur les chiffres des années passées pour en comprendre l’origine.
En 2018, 3,5 millions de visiteurs ont été recensés, et le mois de décembre a drainé à lui seul 1,5 million de personnes. Un nombre conséquent pour la préfecture du Haut-Rhin et ses 70 000 habitants.
Un tourisme « haut de gamme » pour la droite
Si ce mois de mars n’est pas révélateur du problème, le malaise des Colmariens reste présent. « J’évite de me rendre au centre-ville en décembre, pendant le marché de Noël », regrette Geneviève, 60 ans. Le visage crispé, elle reconnaît, cependant, que le tourisme fait vivre la ville. Car il s’agit d’un secteur clé pour l’économie locale : plus de 3 000 emplois en dépendent directement.
Alors les candidats ont tous décidé de s’emparer du sujet. À droite, le maire sortant Gilbert Meyer (LR), défend son bilan et le développement du tourisme mené depuis son arrivée à la mairie. S’il promet la mise en place des assises du tourisme après les élections, il n’entend pas changer radicalement le cap fixé ces dernières années. Le tourisme restera un secteur clé pour la ville.
Une situation dont Yves Hemedinger, son premier adjoint, se félicite. « Nous devons maintenant réfléchir à l’avenir que nous voulons donner au secteur. » Un avenir que le maire sortant envisage déjà comme « haut de gamme ». En plus de vouloir développer le tourisme d’affaires, « deux projets hôteliers quatre et cinq étoiles ont été lancés », indique Yves Hemedinger.
Son principal adversaire, Eric Straumann (LR), propose lui aussi de donner la priorité au tourisme d’affaires. « Il faut également arrêter de communiquer pour attirer toujours plus de monde au marché de Noël », déclarait-t-il lors d’un débat. C’est donc une sélection au portefeuille que souhaitent opérer les candidats de la droite : moins de touristes, mais des touristes plus fortunés.
Juguler la déferlante du marché de Noël
À gauche et au centre, la mesure phare des candidats est claire : arrêter de communiquer à l’étranger pour faire venir toujours plus de visiteurs. Tous critiquent aussi l’afflux massif en décembre. Tout le monde est donc d’accord, il faut continuer de faire venir des touristes, mais pas tous en même temps.
Les mois de janvier et février représentent la période creuse pour le tourisme à Colmar. Photo Aurélien Gerbeault
Pour la liste citoyenne menée par les Gilets jaunes, il faut avant tout « réguler le tourisme, ramener le nombre de visiteurs annuels à deux millions », explique Benoît Legrand. Tristan Denéchaud (Modem), veut développer un « tourisme qualitatif, avec des touristes qui ne viendraient pas seulement voir les maisons à colombages ». Pour lui, il s’agit de mettre en avant les quartiers de Colmar situés en dehors du centre historique et d’inciter les visiteurs à rester plus longtemps. « Le centre-ville ne doit pas devenir un Disneyland alsacien. »
Un scénario également redouté par les commerçants du centre-ville. « Les touristes apportent du chiffre d’affaires. Mais la ville ne doit pas devenir seulement une attraction touristique. La municipalité doit faire en sorte qu’il y ait toujours une offre destinée aux habitants du centre-ville », explique Vincent Houlle, ancien président des Vitrines de Colmar, l’association des commerçants.
Les gilets jaunes évoquent un autre problème : les appartements du centre-ville réservés aux locations touristiques, toujours plus nombreux. « Nous voulons mettre en place un contrat avec les propriétaires pour qu’ils louent leurs logements aux Colmariens », explique Alice Bass, n°2 sur la liste. Leur objectif : lutter contre la désertification du centre. Ou plutôt, lutter contre la colonisation touristique.
Développer les loisirs nature
Du côté des Verts aussi, on souhaite mettre un coup d’arrêt à la communication intensive menée jusque-là. Frédéric Hilbert, tête de liste EELV, propose une diversification des activités touristiques dans la région : « Colmar se trouve entre deux véloroutes. On pourrait mettre en place le cyclo-tourisme. Il y a aussi le Rhin et la montagne à proximité, on pourrait s’en servir pour développer d’autres formes de tourisme. »
Pour Stéphanie Villemin (LREM), c’est tout le secteur économique de la région qui doit être développé et repensé. « Il faut diversifier l’attractivité économique du territoire », car Colmar ne peut pas compter seulement sur les touristes pour vivre.
Surtout quand les badauds font défaut, comme pour le dernier marché de Noël, où la fréquentation était en recul par rapport à 2018. Certains n'ont alors pas pu se rendre à Colmar à cause des grèves. Des touristes trop nombreux, envahissants, même un peu encombrants pour les Colmariens, mais qui font aussi trembler les acteurs du secteur quand ils ne sont plus au rendez-vous.
Aurélien Gerbeault