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Les ténors du Parti Socialiste ont tiré à boulets rouges sur la chancelière allemande et son « intransigeance égoïste ». En France, les réactions politiques ont été vives et la presse a longuement relayé l'accrochage qui entame l'image d'Epinal franco-allemande. De l'autre côté du Rhin, on en a à peine entendu parler.

Les oreilles d'Angela Merkel ont dû siffler pendant un week-end, alors que la majorité socialiste française s'est écharpée à son sujet. En cause : des critiques au vitriol proférées à l'encontre de la chancelière dans un texte sur l'Europe. La presse, elle, s'est faite le relais de cette passe d'armes.

En Allemagne, rares sont les journaux à en avoir fait de même. Le très populaire Bild n'a pas dit mot sur les critiques violentes qu'a essuyées Angela Merkel. Pourquoi cette affaire ne semble pas captiver nos voisins Outre-Rhin ?

  • L'Allemagne est en pleine préparation des législatives

La chancelière a une élection à gagner. Peu importe ce que peuvent dire quelques socialistes français, donc. Pendant que Jean-Christophe Cambadélis, un des rédacteurs du texte de la discorde, tentait d'éteindre l'incendie déclenché par son parti, l'Allemagne en pleine période électorale suivait de près le congrès des Verts. 

A Berlin, le parti écologiste en a ouvertement appelé à une coalition avec le SPD. Une coalition de gauche pourrait mettre en danger la chancelière lors des prochaines élections de septembre 2013.

Lors du rassemblement, le parti écologiste a également plaidé pour une hausse des impôts aux plus riches, une mesure très populaire. Mise en difficulté, la chancelière a été sommé de réagir avec des contre-propositions. Les états d'âme des socialistes français sont donc passés à l'arrière plan de l'actualité politique.

  • Les socialistes français sont loin d'être les seuls à critiquer la chancelière

Les critiques des socialistes français affaiblissent et importent moins à la chancelière que celles qui peuvent lui faire perdre les élections à venir. Le chef des Verts allemands, Cem Özdemir, affirmait récemment : « La devise du gouvernement Merkel « économiser, économiser, économiser » doit s'arrêter. » Quant à Sigmar Gabriel, le patron du SPD, la gauche allemande, il expliquait qu'en Europe, « le régime prescrit par Merkel aux autres pays, s'est transformé en anorexie. »

Le philosophe Jürgen Habermas a récemment critiqué la volonté (en allemand) d'une « Europe allemande ». Il a mis en garde contre « le court-termisme qui pourrait mettre l'Allemagne hors-jeu et dans le pire des cas, détruire l'Union Européenne. »

Dans le reste de l'Europe, en Grèce et au Portugal, le nom d'Angela Merkel est scandé par les manifestants anti-austérité. Ils la tiennent responsable de leur situation économique précaire, du chômage galopant. Récemment, au sommet du l'Union Européenne, le président de la Commission José Manuel Barroso a mis en doute la politique d'austérité imposée en Europe et en filigrane, la politique d'Angela Merkel.

  • François Hollande croule déjà sous le feu des critiques

Pour les conservateurs allemands, cet événement n'est qu'une preuve parmi beaucoup d'autres du peu de crédit qu'ils peuvent accorder au chef de l'Etat français. Ce n'est ni la première, ni la dernière fois que le manque de rigueur française est raillé. Au lendemain de l'élection de François Hollande, le chef de la banque centrale avait déjà donné de la voix.

Avec un texte « tacitement validé par le gouvernement », d'après le journal Le Monde, c'est la responsabilité du Premier ministre qui est attaquée et celle de son Président avec lui. Les reproches cinglants adressés à la chancelière auraient donc pu écorner l'image de François Hollande en Allemagne. Sauf que le chef de l'État a déjà une bien mauvaise image Outre-Rhin. Il y a six mois, le magazine Der Spiegel a même listé tous les problèmes (en allemand) de François Hollande.

Rien de neuf sous le soleil allemand, donc. Un des seuls à consacrer un article sur le sujet (en allemand), le quotidien conservateur Die Welt se plaît à souligner qu'en France, « le chômage augmente toujours plus, tout comme le déficit budgétaire » et d'ajouter que la popularité de François Hollande est en chute libre. La majorité donneuse de leçons est peu appréciée.

Texte : Pauline Hofmann / Photo : Flickr/Robin Hood Tax

 

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