« Ce qu’on recherche, c’est le lien au terroir. Chaque vin est un accord entre des saveurs et des textures, qui viennent des spécificités du sol où les raisins ont poussé. » Dans le village de Wolxheim, six équilibres de faune et flore distincts permettent au vigneron de mettre en bouteille environ 25 vins différents par an. Riesling, pinot gris, gewurztraminer, sylvaner, crémant ou pinot noir, Bruno Schloegel jongle entre les cépages. En bon Alsacien, il produit principalement du vin blanc, les deux tiers de ses bouteilles.
Sa façon de cultiver lui permet aussi de limiter ses passages en tracteur à trois ou quatre par an, contre une trentaine pour les viticulteurs traditionnels. Une économie de temps et de carburant. Alors pourquoi tous les vignerons n’adoptent pas la méthode de Bruno Schloegel ? « Parce qu’on a un rendement trois à quatre fois inférieur », répond t-il, un sourire au coin des lèvres. Et parce qu’il faut aussi du courage pour se lancer dans cette culture innovante. Il est le seul dans le village à travailler de cette façon. Et si avec le temps les gens du village « ont pigé », il doit se battre pour garder ses appellations. « On me reproche de faire du vin différent, qui ne respecte pas le cahier des charges établi par les vignerons. Mes vignes poussent ici, je ne rajoute rien dans mes vins, alors je ne vois pas pourquoi je n’aurais pas le droit de dire que c’est un vin d’Alsace ! », s’emporte le sexagénaire.
Singularités vigneronnes
C’est qu’il applique le « laisser faire » jusque dans ses caves, ce qui ne correspond pas aux méthodes traditionnelles. Son vin n’est ni filtré ni sulfité et fermente naturellement dans les cuves et tonneaux. « Ca donne des vins très particuliers, souvent peu sucrés et avec des arômes poivrés et épicés. Mais dès qu’on a des pratiques différentes, ça brusque les gens », regrette Bruno Schloegel. Il faut dire que la fabrication de vin Alsacien est très surveillée. Si le produit fini ne correspond pas aux critères de goûts et de couleurs censés définir tel ou tel type de vin, celui-ci ne pourra pas être catalogué comme « vin d’Alsace » mais deviendra un « vin de France ». Une étiquette qui sonne comme un échec pour la plupart des vignerons, et particulièrement pour Bruno Schloegel qui a choisi de cultiver toutes ses vignes à Wolxheim par amour pour son village natal.
D’un autre côté, les singularités du vin Bruno Schloegel lui valent également une reconnaissance internationale. Il travaille régulièrement avec des clients japonais et chinois. De quoi faire grimper son empreinte carbone, après toute une vie à tenter de la réduire au minimum.