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Sylvain Barrette : « Si la BCE n'agit pas, l'Italie s'effondre. »
Sylvain Barrette est directeur du département « contrôle du crédit » à DWS, le gestionnaire des fonds mutuels de la Deutsche Bank à Francfort. Acteur des marchés, il considère que l'action de la BCE ne doit pas se substituer aux mécanismes de la croissance.
« Les marchés souhaitent que la BCE s'investisse beaucoup plus dans le rachat de dette souveraine des pays en difficulté. Mais en même temps, ces derniers ne lui accorderaient plus aucune crédibilité si elle renonçait à son indépendance en cédant. On n'est pas à une contradiction près... ». Pour ce Canadien expatrié depuis une dizaine d'années en Europe, qui a vécu le déficit abyssal de son pays dans les années 1990, la solution est politique. « Il faut des coupes budgétaires sévères, des mesures d'austérité, mais elles doivent être couplées à des mesures de croissance. Et, pour l'instant, les marchés n'en perçoivent que très peu. »
Son modèle européen, c'est Angela Merkel, la chancelière allemande : « Les Anglo Saxons recherchent tous des mesures faciles (euro-bonds, quantitative easing) ; mais ces choses là ne sont pas une solution à long terme et la chancelière ose le dire. Si on ne s'attelle pas concrètement au problème de l'endettement dès maintenant, la crise va durer au moins jusqu'en 2020. »
Le message est clair : les gouvernements doivent faire preuve de courage politique. « La BCE doit veiller à ne pas repousser le problème pour des pays qui ne le méritent pas. Si elle continue longtemps à les assister, ils ne feront jamais d'efforts pour se restructurer. »
Pourtant, alors que l'ombre d'une dette colossale se profile sur la péninsule italienne, la BCE est encore considérée comme l'ultime rempart à l'explosion : « A court terme, celle-ci n'a pas le choix. Si elle n'agit pas, l'Italie s'effondre. Actuellement, elle a acquis un peu plus de 200 milliards d'euros de dette souveraine. Grâce aux importants dépôts des banques, qui n'osent plus se prêter entre elles par manque de confiance, la BCE pourrait acheter jusqu'à 500 milliards de dette sans trop faire marcher la planche à billets et sans créer trop de risque d'inflation. »
Le 20 novembre 2011, les socialistes espagnols perdent les élections législatives. Retour sur les événements qui ont mené le gouvernement de José Luis Zapatero à sa perte.
Les acteurs du marché de la dette souveraine européenne s’accordent encore à considérer la dette française et allemande comme des produits extrêmement sûrs. « Mais si la crise s'aggrave, il n’existera plus aucune garantie fiable pour se refinancer en liquidités », estime Pierre Cailleteau, managing director chez la banque d’affaire Lazard International.
Une inquiétude relayée par l’ancien président de la BCE, Jean-Claude Trichet en octobre : « Il faut restaurer la crédibilité de la signature souveraine. Le temps nous est compté et il est important de prendre des décisions claires. Cette crise est devenue systémique ». Trois mois plus tard, cette crédibilité est plus que jamais en danger.
Guillaume Clere
Le siège de la rédaction financière du Handelsblatt se dresse fièrement sur Eschersheimer Landstrasse. Le quotidien économique allemand, basé à Francfort, se porte bien et la crise n'y est pas pour rien. Véritable voix des marchés, ce quotidien, propriété de Holtzbrinck, troisième groupe de presse allemand, a vu son tirage augmenter de près de 10% en un an. Le journal doit désormais composer avec un nouveau lectorat. Oliver Stock, rédacteur en chef online d'une plateforme en plein essor, détaille cette évolution.
Finalement, pour vous la crise est une aubaine ?
Oui, on peut dire ça, nous avons gagné en lecteurs depuis 2008. La crise est dans toutes les bouches, les gens sont avides d'information et surtout d'explications. L'usage de la presse financière a évolué avec la crise, elle est devenue plus qu'un outil de travail pour le monde économique. Nous avons gagné un nouveau lectorat et particulièrement sur le web. Cette année nous avons enregistré 60millions de pages vues sur le site internet du journal, soit le double par rapport à l'année dernière.
Cet élargissement du public a-t-il modifié votre manière de travailler ?
Cela nous pousse effectivement à adapter notre écriture, à expliquer les termes de la finance avec des mots simples. Il est vrai qu'avant la crise nous nous posions moins de questions, nous avions un lectorat bien identifié d'initiés. Maintenant, nous devons nous renouveler, par exemple, expliquer tous les jours ce qu'est un eurobond. Dernièrement, nous avons titré «My name is Bond, eurobond!»
Quelle relation entretenez-vous avec les acteurs de la place financière de Francfort ?
C'est très simple, nous avons besoin les uns des autres, donc nous nous parlons d'égal à égal. Nous sommes en liaison permanente avec les acteurs des marchés. Nous avons besoin d'informations exclusives et solides, et eux ont besoin de nous pour s'exprimer. Et puis, nous sommes liés aussi par la publicité financière qui constitue 35% de nos annonces. Quand les marchés vont mal, nous aussi! Sur un autre plan, si nous publions un papier critique sur un annonceur, nous nous exposons au risque de perdre le contrat publicitaire. Heureusement, notre groupe de presse (Holtzbrinck Verlagsgruppe) est assez important pour que l'on reste indépendant de l'industrie financière.
Marion Kremp et Laure Siegel à Francfort
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Les banques continuent à avoir besoin des garanties des Etats. Il leur faut rassurer les marchés financiers sur leur solvabilité pour emprunter à moindre coût. En 2008 et 2009, la Commission européenne a établi les règles du jeu qui permettent aux gouvernements d'aider le secteur bancaire. Face à une situation financière toujours critique, elle a décidé le 1° décembre de prolonger ces règles du jeu, arrivées aujourd'hui à échéance.
La Commission européenne, l'Autorité bancaire européenne (ABE) ainsi que la Banque centrale européenne (BCE) ont conseillé aux ministres des finances européens d'opter pour une garantie conjointe et solidaire. L'idée a été rejetée fin novembre en conseil Ecofin, notamment par les pays en relative bonne santé financière, comme la France ou l'Allemagne, qui refusent de prendre des risques pour les autres. Les ministres des finances ont décidé que chaque Etat pourra seul continuer à garantir les dettes à long terme de ses propres banques. Un montant minimal de rémunération des Etats par les banques a également été fixé. Il sera proportionnel à la qualité du crédit des pays.
Concrètement, les banques allemandes devront payer le soutien de leur Etat plus cher à leur Trésor que les banques italiennes au leur. La logique des gouvernements européens n'a pas changé depuis le début de la crise. Face au danger, pas d'entraide, chacun pour soi.
Fanny Bleichner et Magali Fichter
Un financement des dettes publiques par la planche à billets est et reste interdit par les traités européens, a martelé Mario Draghi, lors de la conférence de presse du Conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne, le 8 décembre dernier. Pour le président de la BCE, les achats d'obligations publiques doivent rester « limités » et « temporaires ». La BCE n'a pas à endosser le rôle de « prêteur en dernier ressort » que marchés, analystes et certains gouvernements voudraient lui voir jouer.
Il a ainsi balayé le fantasme selon lequel les dettes publiques peuvent disparaître par simple création de monnaie. Au-delà de sa mission principale d'assurer la stabilité des prix, l'enjeu actuel pour la BCE est surtout de forcer les gouvernements à agir: « la responsabilité ultime (d'enrayer la crise) appartient aux responsables politiques », a finalement rappelé Mario Draghi aux dirigeants européens.
En pleine crise de l'eurozone, deux spécialistes livrent leur vision de la mission de la BCE.