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En attendant un effort collectif, le dirigeant assure avoir mis 4 millions d’euros sur la table au lendemain de l’invasion de l’Ukraine. L’objectif ? Monter de nouvelles installations pour décharger toujours plus, toujours plus vite, les marchandises de son voisin en guerre. Ainsi, 200 000 tonnes supplémentaires de céréales pourront transiter par les infrastructures de Comvex, déjà à pleine capacité avant le conflit. Le groupe accuse d’ores et déjà une augmentation de plus de 20 % de ses flux. Une lourde responsabilité, que le PDG se refuse à porter seul. « Mon enthousiasme, celui de mon entreprise, du port de Constanța ne suffiront pas pour remplir notre devoir de solidarité envers les Ukrainiens. » 

Dans les bureaux de Comvex, les employés surveillent scrupuleusement les nombreuses caméras et écrans de contrôle. Ils s’assurent que le ballet incessant des machines qui chargent et déchargent maïs, blé et graines de tournesol se passe sans encombre. Chaque cargaison est pesée à son arrivée au port, lors de son stockage dans les silos, et lors de sa mise en expédition. Certes, la logistique tient le coup mais elle reste « difficile ». Entre autres, la communication avec les routiers ukrainiens, au volant des nombreux camions qui stationnent dans le port, se révèle compliquée. Coordination, infrastructures, tout est à réorganiser et implique un temps d’adaptation inévitable. Fier, Viorel Panait avance tout de même que Comvex a chargé cinq navires de céréales depuis le printemps, à destination de l’Afrique du Nord, en route pour l’Égypte et la Tunisie, des pays ultra-dépendants des denrées ukrainiennes en proie à la pénurie. 

Des bâtiments désaffectés, des silos d’acier et des grues jaunes éparpillées, le port de Constanța impressionne par sa démesure. Sur près de 4 000 hectares, le plus grand port de la mer Noire est un imbroglio de routes qui longent des terrains vagues et serpentent jusqu’aux docks. C’est dans ce dédale de ferraille où cohabitent installations flambant neuves et chiens errants que s’opère la relève des exportations ukrainiennes. Ici, sont redirigées les marchandises destinées au port d’Odessa, sous la menace des bombes russes depuis plusieurs semaines, à seulement 300 kilomètres de là. Loin d’amortir le choc des flux croissants, les infrastructures roumaines tiennent difficilement la cadence et la désorganisation guette. 

Un constat établi d’emblée par Viorel Panait, PDG de Comvex, la plus grande entreprise de manutention de matières premières – céréales et minerais – de la région. Pragmatique, l’homme d’affaires plaide pour un effort économique conjoint pour rénover les installations roumaines. « Il faut un montage financier de la part du gouvernement et de l’Union européenne pour de nouveaux équipements, pour augmenter la vitesse sur les chemins de fer, sur les autoroutes…» 

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Le village de Ciumârna est articulé autour de la route 17A qui traverse la Bucovine. © Juliette Lacroix

Le gouvernement roumain promet 260 millions d'euros pour la rénovations des rails. © Enora Seguillon

À Isaccea, des centaines de camions ukrainiens patientent pour traverser la frontière. Du jamais-vu. © Enora Seguillon 

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Les rails de la mine de Petrila, fermée en 2015, servent désormais de vélorail pour les touristes. © Séverine Floch

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C'est par le port de Constanța, le plus large de la mer Noire, que transitent les céréales ukrainiennes. © Enora Seguillon

Pour la première fois, un club de culture magyare a remporté la Coupe de football de Roumanie. Une victoire permise par les subventions massives du leader hongrois Viktor Orbán, qui étend son soft power et excite les passions nationalistes au-delà des frontières de son pays. 

D’autres font le pari, plus osé, de valoriser le patrimoine industriel. Catalin Cenusa a fait partie des derniers ouvriers de la mine de Petrila, fermée en 2015. Mais lorsqu’il fait visiter le site, c’est avec une casquette Planeta Petrila sur la tête, du nom de l’ONG qu’il a fondée et surtout du combat que lui et d’autres ont mené pour préserver les bâtiments après leur fermeture. Les sept bâtiments de la mine sont maintenant inscrits au patrimoine industriel roumain, mais l’ONG voudrait un soutien des pouvoirs publics pour mener à bien ses projets de réhabilitation. « Si on n’a pas d'argent, le bateau va couler », confie Ina Berar, vice-présidente de l’organisation. Elle se montre sceptique : « Le tourisme va sûrement se développer, mais je ne suis pas sûre que ce soit suffisant pour les gens ici. »

Redynamiser la vallée

La part du secteur dans les revenus des communes n’excéderait pas 15 ou 20 %, d’après les estimations de Vasile Jurca, maire de Petrila. Et le travail disponible pour les riverains serait forcément limité. Il y a bien eu des baisses d’impôts locaux pour attirer les entreprises, mais celles qui sont venues ont surtout implanté leurs quartiers généraux ici et non des lignes de production créatrices d’emplois. Croisé à l’université de Petroșani, Alexandru Chiuda est étudiant en systèmes informatiques. À 23 ans, il a envie de rester là où il a grandi : « Nous pourrions installer de nouvelles industries, mais il faudrait d’abord attirer des investissements. » Il sait qu’en l’état, il aura peu d’opportunités ici. La plupart de ses camarades désirent s’en aller et ses propres parents lui conseillent de faire de même

Les habitants comme les élus placent leurs espoirs sur d’hypothétiques investissements européens. L’eldorado du tourisme, dans toutes les têtes, est déjà plus concret, mais il reste encore beaucoup à faire. Et même si tous les projets touristiques se réalisent, ils ne sont pas sans risque. La probabilité semble réelle de créer de nouvelles inégalités, entre les touristes et ceux qui en profitent en haut de la vallée et les populations les plus défavorisées, restées en bas.

Geraud Bouvrot et Lorela Prifti

 

 

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Marius Vişovan (à droite) perpétue la mémoire de son père, Aurel Vişovan (à gauche), qui a été enfermé 17 ans dans les geôles communistes pour sa résistance anticommuniste. © Grégoire Cherubini

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