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Dans cette crise russo-occidentale, les Européens tentent de peser par le biais de sanctions. Clément Beaune, présent à l'hémicycle en tant que représentant du Conseil de l'Union européenne, précise que “l’UE a toujours été très claire sur le fait que nous préparions un certain nombre de mesures européennes de réplique”. En attendant de réagir à une éventuelle agression russe, les parlementaires ont accordé un prêt de 1,2 milliard d’euros à destination des Ukrainiens. 

Mais pour Mathieu Boulègue, chercheur au sein du programme Russie et Eurasie pour le Think Tank Chatham House, le conflit se joue surtout entre Washington et Moscou. “C’est une crise au sujet de l’Ukraine, sans l’Ukraine”, ajoute le chercheur. Et selon lui, “Poutine n’en a rien à faire de discuter avec l’Europe”. 

Mercredi, Moscou a envoyé des signes d’apaisement en annonçant le retour de soldats dans leur garnison. Josep Borrell s’est voulu prudent en rappelant qu’il faut toujours vérifier si ces troupes ont réellement été retirées”. Depuis, les tensions semblent être revenues à un niveau élevé, ce jeudi une école ukrainienne a été bombardée. Une attaque que Washington et Kiev attribuent à Moscou.  

 

Charlotte Thïede et Pierre Bazin

Face à cette possible invasion russe en Ukraine qui pèse sur le continent, les différents groupes politiques du Parlement européen ont adopté une déclaration commune. L’occasion de rappeler l’attachement des Européens à l’indépendance et l’intégrité territoriale des pays.  “Ce n'est pas seulement une menace pour la sécurité de l'Ukraine et la sécurité de son peuple. C'est aussi une menace [...] pour l'ordre international fondé sur des règles et pour la sécurité de l'Europe dans son ensemble”, ont-il déploré.

Ils demandent en particulier “l’arrêt immédiat du projet Nord Stream 2 si la Russie lance une attaque contre l'Ukraine”. Ce projet de gazoduc, dont la construction a été lancée en 2018, doit permettre à la Russie d’alimenter l’Allemagne en gaz, en passant directement par la mer Baltique, et non par l'Ukraine. Alors qu’une grande partie du gaz importé par les pays européens provient de la Russie, le gazoduc Nord Stream 2 est devenu une arme diplomatique dans la situation ukrainienne. 

Tous réunis au Parlement mercredi, le Haut Représentant pour les Affaires extérieures, Josep Borrell, le dirigeant du Conseil européen, Charles Michel, et la présidente de la Commission européenne, Ursula Von der Leyen, ont insisté sur le fait que l’Union Européenne était née pour mettre fin à toutes les guerres sur le continent. Le chef de la diplomatie européenne a, par ailleurs, fustigé la volonté du Kremlin de diviser les Européens. “L’UE ne compte pas aux yeux des Russes. Pour preuve, le ministre Lavrov a envoyé une lettre à chacun des États membres. Vingt-sept lettres auxquelles il n’a reçu qu’une seule réponse coordonnée, celle de l’Union Européenne”.

“Nous sommes unis face au respect de l’intégrité territoriale de l’Ukraine”. Dès l’ouverture de la session plénière du Parlement européen, à Strasbourg ce lundi 14 février, sa présidente Roberta Metsola a exprimé la solidarité des Européens avec le peuple ukrainien.

Cela faisait depuis 2014, année de l’annexion de la péninsule de Crimée et le début de la guerre dans la région du Donbass, que le Vieux Continent n’avait pas connu une telle tension militaire et diplomatique. Depuis décembre, Vladimir Poutine a décidé de masser plus de 100 000 soldats à la frontière ukrainienne, faisant craindre une invasion. Ces dernières semaines, les tensions diplomatiques se sont exacerbées, au point de bouleverser la session parlementaire à Strasbourg. Au cours de la semaine, le Parlement a montré qu’il était prêt à soutenir des actions rapides et fortes aux côtés des autres institutions européennes si la situation devait s’aggraver.

“Du Mali à la Libye, de la Syrie à l’Ukraine, on peut dire qu’il y a eu beaucoup d’occasions pour les Européens de se réveiller et de prendre conscience de leur faiblesse stratégique. Il y a eu des progrès, il faut être objectif, mais il y a encore des manques.”

De son côté, l’eurodéputé Mounir Satouri (Verts, écologiste) demande à ce que le Parlement ait davantage de rôle à l'avenir sur cette question: “L'autonomie stratégique est affichée en étendard mais le Parlement qui défend les intérêts des Européens n'est pas consulté.”

Luc Herincx et Julien Rossignol

La menace d’une nouvelle invasion russe en Ukraine a bousculé la session plénière du Parlement européen, à Strasbourg. Dans une déclaration commune, les députés affichent leur unité.

Stefania Zambelli (50 ans) est fortement opposée à la mise en place d’un nutri-score sur toutes les boissons alcoolisées ©Lorenzo Vergari Morelli

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Les différents députés prennent la parole successivement ©Lorenzo Vergari Morelli

Les deputés européens demandent aussi une meilleure coordination des États pour faire face aux pénuries de médicaments. Il faut “des médicaments disponibles et abordables et des achats conjoints entre États”, selon Véronique Trillet-Lenoir.

Plus largement, les deputés se disent favorables à “une Europe du médicament”, pour permettre à tous les citoyens des pays membres de l’Union de bénéficier des mêmes soins et ainsi, faire en sorte que la lutte contre le cancer devienne davantage un enjeu européen plutôt que national.

En 2020, au sein de l’Union européenne, 2,7 millions de personnes ont été diagnostiquées avec un cancer et 1,3 million ont perdu la vie.

Plus de transparence pour les brevets

Les parlementaires se sont en revanche accordés sur la proposition visant à améliorer la coordination entre États en matière de santé, notamment avec une meilleure transparence pour les brevets de médicaments anticancéreux. Pour Tilly Metz, “tout le système des brevets crée un marché monopolistique pour les entreprises et leur permet de maintenir le prix des médicaments. C’est un obstacle majeur pour l’accès au traitement.”

“Big Brother”, “La vie des autres”, sont quelques-unes des références entendues dans les discours des eurodéputés pour qualifier le dossier Pegasus, du nom du logiciel espion de la société israélienne NSO. La cybersurveillance dont aurait fait l’objet des dizaines de milliers de téléphones portables dans le monde, ciblant des journalistes, des magistrats et des opposants politiques, a été jugée de façon unanime "inacceptable" et “gravissime” par les députés eruopéens. “Les États-Unis ont placé la société mère de Pegasus (NSO) sur liste noire. L’ONU réclame un moratoire sur la vente et le transfert de ces technologies. Il est temps, plus que temps, que l’UE agisse”, a affirmé le coprésident des Verts européens, Philippe Lamberts (ALE, écologistes). Huit mois après les révélations de 17 médias internationaux réunis par la plateforme Forbidden Stories, les députés ont exprimé leur souhait de passer à la vitesse supérieure.

Créer une commission d'enquête 

Une commission permettrait “des auditions, de réelles enquêtes, une transparence et une publicité des résultats”, explique Fabienne Péraldi Leneuf, professeure de droit européen à l’Ecole de Droit de La Sorbonne. Mais également d' “établir quels États membres possèdent Pegasus ou des logiciels espions équivalents. Les responsabilités doivent être établies et des sanctions prises en conséquence”, a appuyé Philippe Lamberts. Dans le collimateur des parlementaires, la Pologne et la Hongrie sont ouvertement mentionnées. L’Allemagne est également sur le banc des accusés. “Dans le cadre d’une commission d’enquête européenne, on ne peut pas faire prêter serment lors des auditions ou obliger les gens à venir témoigner, c’est une tribune pour ceux qui voudraient parler, pour que le sujet reste sur la table”, ajoute l’eurodéputée Sophie in’t Veld (Renew, libéraux). Une majorité parlementaire semble en faveur du projet qui devrait être voté la prochaine fois que le Parlement se réunira à Strasbourg, le 8 mars.

La Commission et le Conseil critiqués pour leur silence

Certains députés mettent en doute la volonté d’agir de la Commission et du Conseil de l’Union européenne: “Comment se fait-il que le Conseil et la Commission aient été aussi silencieux ? Qu’ont-ils fait dans la pratique ? Rien”, a dénoncé la députée Sophie in’t Veld (Renew, libéraux) dans l’hémicycle. “Ils auraient pu interroger les gouvernements nationaux. Si les allégations sont vraies, il s’agit d’une violation des droits fondamentaux et de l'État de droit”, deux domaines qui relèvent des traités européens. Elle reproche enfin à la Commission de ne pas avoir placé sur liste noire la société israélienne au cœur du scandale: “la Commission prétend ne pas en avoir le pouvoir, j’ai de sérieux doutes à ce sujet.”

Priorité aux "enquêtes nationales"

En guise de réponse, le commissaire européen Didier Reynders a insisté sur les enquêtes nationales déjà ouvertes par le parquet en Hongrie et par le Sénat en Pologne, en précisant que la Commission européenne les “suivait de près”. Il a également indiqué que des poursuites judiciaires envers ces États seraient envisageables si le “manque d’indépendance ou d’efficacité” de ces enquêtes nationales était prouvé. Clément Beaune, présent en tant que représentant du Conseil de l’Union européenne, a indiqué “qu’il n’appartient pas au Conseil de se prononcer à ce stade sur le travail d’une autorité nationale qui est en cours, quoi qu’on en pense”. Il a en outre rappelé que des projets de directives relatifs au renforcement de la cybersécurité européenne étaient discutés en ce moment avec le Parlement et qu’ils devraient aboutir “au cours de la présidence française du Conseil de l’Union européenne” en juin 2022.

Certains parlementaires européens souhaitent aller plus loin qu’une simple commission d’enquête. Selon le député Vert Philippe Lamberts, l’enquête constitue en fait “une étape indispensable pour avancer vers un cadre régulatoire des conditions d'exportation, de vente, de transfert et surtout d'utilisation des technologies de cyber-surveillance”. 

Marine Corbel et Théo Renault

 

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