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"Ça vide la tête"
Sultane Purseigle, formatrice en couture à Haguenau, acquiesce. Plusieurs de ses clientes exercent des métiers stressants et pratiquent pour se détendre. “J’ai beaucoup d’infirmières qui viennent après leur travail. Pour elles, c’est une activité comme le yoga ou la méditation, ça vide la tête.” Alors, elle espère que des novices, qui ont fait des masques pendant le confinement, vont continuer et se lancer dans d’autres créations. Et elle a bon espoir. Selon elle, les activités manuelles ont le vent en poupe depuis quelques années. Et la tendance prend aussi chez les plus jeunes. Après quelques rafistolages sur “des jeans décousus et un coussin”, Ariane et Cécile, deux soeurs Strasbourgeoises de 18 ans, se sont tournées vers la broderie avec l’aide de tutos vidéo. Après des essais sur des serviettes en papier, elles ont créé “des motifs simples tels que des fleurs, des rosaces et des lapins sur des chutes de tissus”. De quoi les occuper deux à trois heures par jour.
Un phénomène ancien
Cette envie de vert pour les citadins n’est pas née avec la crise sanitaire. “L’épidémie parachève un phénomène diffus de retour à la campagne qu’on observe depuis vingt ans”, analyse Frédéric Cagnato. Selon l’Insee, en France, entre 1999 et 2014, la population des campagnes a augmenté plus vite que la population urbaine (+19% contre +11%).
Pour Jean-Yves Pineau, ce retour à la campagne est à recontextualiser dans une tendance bien plus ancienne : “Les premiers mouvements de retour à la campagne apparaissent dans les années 70, influencés par les hippies." Ils voulaient eux aussi s’évader des villes pour fuir la société de consommation qu’elles incarnent.
Eiman Cazé
Enzo Dubesset
*Eco-lieu : lieu qui est le fruit d’une initiative portée par des individus ou des collectivités qui souhaitent repenser leur rapport à l’habitat, à l’urbanisme et expérimente d’autres projets de société plus durables.
La coalition strasbourgeoise anti fast fashion, dont fait partie Zéro Déchet et Éthique sur l’étiquette, a profité du confinement pour lancer son défi mode durable. Une campagne d’une semaine sur les réseaux sociaux pour s’informer sur les conséquences dramatiques de la confection mondialisée, faire un tri dans son placard et proposer des alternatives locales et écolos. “On a remarqué que les gens aimaient bien faire beaucoup de rangement pendant le confinement: avec cette campagne, on a essayé de surfer sur cette vague”, glisse Léa. Un défi qui a bien fonctionné selon les organisateurs, avec 2000 à 6000 personnes touchées par jour.
Marie-Noëlle Reboul n’avait jamais vraiment préparé de sauce jusque là. Elle mangeait ses carottes cuites à l’eau, avec une pincée de sel. Depuis le début du confinement, elle s’est lancé un défi : jamais le même plat deux fois. Au menu, cake salé aux lentilles, fondue de poireaux aux Saint-Jacques, gratin de chou rouge, gelée de betteraves… “Certains ont été très réussis, d’autres beaucoup moins parce que trop secs, trop cuits, trop mijotés… Mais c’est pas grave.” Non seulement a-t-elle relevé le challenge, mais elle a surtout pris goût à la cuisine, son véritable grand exploit. Gestionnaire des achats dans l’automobile à Strasbourg, en chômage partiel depuis la mi-mars, Marie-Noëlle ne trouvait jamais le temps avec son métier pour cuisiner. La trentenaire pensait d’ailleurs que “passer des heures sur un plat alors qu’il y avait un risque de le rater, ça ne valait pas le coup”. “J’ai suivi des recettes sur un livre que mes parents m’avaient offert il y a longtemps et qui ne m’avait jamais vraiment servi. Je me suis aussi renseignée sur internet pour trouver des conseils. Mais au bout du compte j’en n'ai fait qu’à ma tête. J’ai fait les choses à ma sauce”, sourit-elle.
“J’ai fait un bandana pour moi et des vêtements de poupée pour ma petite sœur”, explique la Strasbourgeoise Carine Meunier, 20 ans, qui a repris la couture après une pause de dix ans. “Ça apporte une certaine fierté de se dire ‘j’ai fait ça moi-même’. Si j’ai assez de temps libre et de matériel, je vais continuer. D’ailleurs, j’ai déjà prévu d’aller acheter du tissu et je compte apprendre à me servir de la machine à coudre de ma mère”, se réjouit-elle.
"Je n'avais jamais appris"
Le retour massif vers la couture s’est d’abord amorcé avec le besoin urgent de masques. Quand l’épidémie de coronavirus a pris de l’ampleur dans le Bas-Rhin, des soignants se sont retrouvés à cours de protections. Ils ont alors fait appel aux couturières pour qu’elles leur fournissent des masques en tissu.
“J’ai une machine à coudre, mais je n’avais jamais appris à m’en servir”, raconte Aline, de Sélestat, qui a réalisé plus de 150 masques. “Au début, je le faisais pour mes amis et ma famille. Mais après, j’ai été prise dans le flot des demandes”, indique cette comptable de 38 ans. À Strasbourg, Kahina, 45 ans, a également commencé par faire des masques avant de s’atteler à la confection de surblouses. “J’ai acheté une machine à coudre au début de l’année et j’ai pris deux cours en février”, raconte l’aide-soignante. En arrêt maladie pour une fracture au poignet depuis début mars, elle se rend compte qu’elle peut tout de même se servir de ses doigts pour coudre. Elle passe désormais presque dix heures par jour derrière sa machine. “C’est une bonne occupation, continue Kahina, et c’est super satisfaisant de faire quelque chose soi-même.”
Willy Hahn utilise aussi les lives Facebook pour faire le point et donner le programme de la semaine.