« Une pause pour se respecter et ne pas être considéré comme une terre de conquête. » Petite surprise, mercredi 9 février, lors de la conférence de presse quotidienne du président Andrés Manuel López Obrador (gauche nationaliste). Celui-ci suggère « une pause » dans les relations diplomatiques avec l'Espagne, taclant par la même occasion plusieurs entreprises espagnoles. « Nous voulons avoir de bonnes relations avec tous les gouvernements du monde, mais nous ne voulons pas être volés, tout comme les Espagnols ne veulent être volés d'aucun pays. »
Au centre des critiques de López Obrador : les politiques énergétiques de ses prédécesseurs. Pour lui, il s’agissait « d'une conspiration d'en haut » et d’une « promiscuité économique et politique au sommet des gouvernements du Mexique et de l'Espagne », le tout pendant « trois sixtennats ». D'où un parallèle entre le pillage du temps de la domination espagnole et celui qu’exercent, selon le président, des entreprises espagnoles du secteur de l’énergie. « Et le Mexique en a fait les frais, ils nous ont pillés. » Il continue en faisant un lien entre deux ex-présidents, Felipe Calderon et Vicente Fox, et deux entreprises espagnoles, respectivement Repsol et Iberdrola.
Reconnaître les horreurs de la colonisation du Mexique
Le président mexicain n’en est pas à sa première charge contre l’Espagne. En effet, l’histoire coloniale entre les deux pays -le Mexique a été une colonie espagnole pendant trois siècles- est un thème de discorde et plus particulièrement depuis l’arrivée d’Andrés Manuel López Obrador (AMLO) au pouvoir en 2018. Dès l’année suivante, il envoyait une carte au Pape François et au roi d’Espagne, Felipe VI, leur demandant de s’excuser pour la conquête du Mexique. L’Espagne avait fermement refusé la demande, tout en rappelant sa volonté « d'intensifier les relations d'amitié et de coopération existantes ».
L’année 2021 a été marquée par des commémorations mémorielles exceptionnelles. Le Mexique a célèbré les 700 ans de la fondation de Tenochtitlan, les 500 ans du début de la conquête du Mexique par Hernan Cortés et les 200 ans de l’indépendance du pays. L’occasion de continuer sa politique mémorielle. Ainsi, AMLO a présenté, en août, « ses excuses aux peuples indigènes » au nom de l’État mexicain. Le 27 septembre, jour de l'indépendance mexicaine, aucun haut-dignitaire espagnol ne s’est déplacé pour l’occasion, signe des crispations entre les deux pays. Quelques jours plus tôt, la maire de Mexico, Claudia Sheinbaum, proche alliée du président, avait annoncé le remplacement d’une statue de Christophe Colomb par celle d’une femme indigène.
Des paroles en l’air ?
Pourtant la politique mémorielle du président ne semble pas très populaire. En juillet 2018, le journal espagnol El País -qui possède aussi une édition mexicaine-, publie un sondage sur la question. 62 % des interrogés considèrent que López Obrador fait un « usage politique » de ce chapitre de l'histoire mexicaine et plus de la moitié d’entre eux (55 %) ne juge pas nécessaire les excuses de l’Espagne.
L’annonce de López Obrador reste tout de même à prendre avec des pincettes. Le gouvernement mexicain n'a publié aucun communiqué officiel et, de son côté, l’Espagne assure n’avoir reçu aucune information. Les critiques envers l'Espagne sont monnaie courante. Mais le président n'avait jamais suggéré « un possible coup d'arrêt des relation entre les deux pays », rappelle le pure-player espagnol El Confidencial. La déclaration surprend d’autant plus la diplomatie espagnole que, le 27 janvier, les deux ministres des affaires étrangères se sont rencontrés au Honduras. Le ministre espagnol avait profité de l'occasion pour valider la nomination du nouvel ambassadeur du Mexique en Espagne, après cinq mois d’attente.
Nils Sabin
Édité par Séverine Floch
Depuis 2019, Andrés Manuel López Obrador multiplie les demandes d'excuses à son ex-colonisateur. Cette fois-ci, les entreprises espagnoles du secteur de l'énergie sont la cible de ses critiques.
La Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) française s’attaque au mastodonte américain Google. C’est plus particulièrement sa branche « Analytics », service gratuit d’analyse d’audience pour des sites web, qui est visée. Un service très pratique pour les gestionnaires de site web, mais « illégal », juge la Cnil : les données transférées par l’entreprise vers ses serveurs américains ne sont pas suffisamment protégées. « En effet, si Google a adopté des mesures (…) celles-ci ne suffisent pas à exclure la possibilité d’accès des services de renseignements américains à ces données », écrit le régulateur.
Ce mercredi, des gestionnaires de site web ont reçu une mise en demeure : la Cnil les contraint à abandonner le service, sous peine de sanctions – sans préciser encore lesquelles. Ils ont un mois pour se mettre en règle. La décision de l’autorité française arrive quelques jours seulement après celle de son homologue autrichien, la DSB. Le début d’une vague européenne contre Google ?
L’Indonésie vient d’acheter 42 Rafale à la France, ce jeudi 10 février. Un nouveau succès pour les avions de combat de Dassault Aviation, qui a pourtant tardé à séduire pour les exportations.
Un démarrage poussif
L’avion de chasse Rafale, progéniture du groupe Dassault, a volé pour la première fois en 1986. Pendant plusieurs décennies, l’engin n’a pas séduit à l’export. Entre 2004 et 2015, aucune vente n’a été conclue avec un pays étranger. Si bien que la France le croyait voué à être utilisé uniquement par l’armée française. D’aucuns évoquent le Rafale comme victime d’un « effet ketchup ». Autrement dit, en économie, la sauce peut rester longtemps dans la bouteille malgré des secousses. L’aéronef français a désormais fait ses preuves sur le terrain, en Afghanistan, en Libye et au Sahel. Il marque des points face au concurrent américain F-35.
Sept pays clients en sept ans
En février 2015, Dassault Aviation a vendu ses premiers avions à l’Egypte. Le gouvernement de Sissi a acheté 24 Rafale cette année-là. Une décision suivie par le Qatar en avril 2015 qui achète 24 chasseurs et l’Inde en septembre 2016 (36 appareils). Ce dernier contrat a d’ailleurs fait parler pour des soupçons de corruption, comme l’a révélé Mediapart avec les « Rafale Papers ».
42 Rafale ! L’Indonésie fait le choix de l’excellence industrielle française ! Le savoir-faire des plus de 400 entreprises françaises et des milliers de travailleurs qui conçoivent le Rafale est reconnu. En Indo-Pacifique, cette nouvelle étape renforce nos partenariats.
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) February 10, 2022
2021 a été une année faste pour l’aviateur français. Trois pays ont à leur tour acheté des aéronefs à la France. Le 25 janvier 2021, la Grèce a signé un contrat pour 18 Rafale, dont douze d’occasion, pour un montant de 2,5 milliards d’euros. La commande grecque a été gonflée par six appareils supplémentaires en septembre. La Croatie et les Emirats arabes unis complète la liste des clients en 2021. Le septième client est l’Indonésie avec une commande de 42 avions de chasse, dont le contrat est déjà signé pour les six premiers.
Un « contrat record en 2021 »
Il a été conclu avec les Emirats arabes unis en décembre 2021. Le pays du Golfe commande alors 80 appareils à la France. Un achat pour un montant total de 16 milliards d’euros, l’équivalent de 40% du budget de l’armée française en 2021. Nouveauté : les ventes à la Grèce sont les premières à destination d’un partenaire de l’Otan. La Finlande a, quant à elle, préféré le F-35 américain, le 10 décembre 2021. Une décision déplorée par Dassault Aviation : « Une fois encore, nous constatons et regrettons une préférence américaine en Europe. »
Un atout stratégique et économique
Après la vente de Rafale à l’Indonésie, la ministre des Armées, Florence Parly, s’est félicitée sur Twitter : « Ce nouveau succès à l’export représente une excellente nouvelle pour les milliers d’ingénieurs et ouvriers qui travaillent à la production du Rafale. Plus de 400 PME participent à chaque construction d’appareil. » L’exportation d’appareils a évidemment une plus-value économique. Dassault supervise 60% de la valeur de l’avion, Thales 22% et Safran 18%.
Mais l’exportation des avions de chasse, c’est aussi stratégique. Un moyen de créer des liens avec des (nouveaux) partenaires. Ainsi, vendre des chasseurs à la Grèce a permis de montrer une désapprobation de la politique turque en Méditerranée.
Des exportations importantes mais critiquées
L’année 2021 a été faste pour les ventes de Rafale mais pas seulement. La France a exporté pour 28 milliards d’euros d’armements. Un montant jamais atteint auparavant. Le précédent record datant de 2015 de 16,9 milliards d’euros a largement été battu. En 2020, la France était le troisième exportateur d’équipements militaires. Selon le Stockholm International Peace Research Institute, les ventes d’armements ont augmenté de 1,3% en 2020 pour atteindre 531 milliards de dollars (470 milliards d’euros) de chiffre d’affaires pour les cent plus grandes entreprises du secteur.
Mais la vente d’armes françaises est loin de faire l’unanimité. L’utilisation d’équipements français par l’Arabie Saoudite dans la guerre au Yémen a notamment été très critiquée. Plusieurs organisations non gouvernementales, dont Amnesty International, dénoncent le manque de transparence des ventes d’armes à l’export.
Séverine Floch
Édité par Juliette Lacroix