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Deuxième épreuve : le “Combat des sumos”

Le premier qui touche le sol est déshonoré à jamais. D’un côté du ring : Nicolas 34 ans, 90 kilos, gonflé à bloc comme son costume de sumo. De l’autre : Rafaël, 11 ans de moins pour un petit 58 kilos, nageant dans sa combinaison. Duel déséquilibré... Surtout : ne pas se démonter, jouer de sa vitesse, être vif comme l’éclair. Ding ding ding, le combat commence : nous enchaînons les bonds pour prendre de l’élan. Les deux carcasses de plastique gonflées se fracassent dans un couinement ridicule. Nous sommes tous les deux projetés en arrière, il faut absolument garder son équilibre. Maintenant, on doit à nouveau se lancer, pour profiter de la fatigue adverse. Dans les contes, les faibles remportent toujours le combat contre les forts par la ruse : j’esquive son assaut plein d’élan. Entraîné par sa puissance, il se retrouve au sol, et, en guise d’humiliation finale, je lui saute dessus. Victoire ! Je bondis de joie, saluant la foule imaginaire. Finalement, le plus difficile dans cette épreuve est de s’extirper de la combinaison pesante de plastique gonflé, dans laquelle le sumo sue trop.

Troisième épreuve : les Joutes de gladiateurs. 

Nicolas veut sa revanche. O.K. Réglons ça dans l’arène. Au milieu des boudins d’air se trouvent deux plots et deux joutes. Chacun prend la sienne, se met en équilibre sur les plots et l’affrontement commence. Quelques chocs de joutes et me voilà au sol. Je n’aime pas perdre, je demande une revanche… Puis la belle. Cette fois, le match est plus serré, je me sers du coton-tige géant tel le double sabre laser de Dark Maul dans Star Wars : La Menace fantôme. Mais rien ne menace l’équilibre de Nicolas. Il parvient à parer mes attaques et porte le coup fatal. En pleine chute, je tente un dernier assaut, en vain… J’ai perdu 3-0...

Le monde des adultes me paraît toujours trop sérieux, ennuyant. The Square Indoor, repéré durant ma dernière crise de nostalgie de l’enfance en fouinant sur internet, me faisait de l'œil. Le site internet pose les questions qui taraudent :  “Pourquoi diantre les grands devraient toujours regarder les plus jeunes s’éclater et souffrir en silence ? Vous rêvez secrètement de barboter dans des milliers de boules avec une licorne ?” Je clique illico sur le bouton “Mais grave, je réserve”.

“Nagez dans le bonheur, comme si les impôts n’existaient pas”

Le lieu est caché dans la zone commerciale de Geispolsheim. Derrière un magasin, un panneau discret “The Square Indoor” glisse un “Pssst, c’est juste là !”. L’entrée : une toute petite porte. L’affiche y rappelle que “ce n’est QUE pour les adultes”. À l’intérieur, un paradis pour grands enfants de 960 m2. Avec, dès l’accueil, un sas de passage entre le monde de l’adulte et celui de l’enfance : la piscine à boule, dont les bords arborent “Nagez dans le bonheur, comme si les impôts n’existaient pas”. J’y plonge directement. Ce bain de sphères de couleur ? Une sensation unique que l’on ne connait que dans l’enfance. Une sorte de madeleine de Proust qui métamorphose quiconque en petit garçon. Un état d’esprit que je conserverai pour tout le reste de l’aventure. 

Je m’incruste dans un groupe de six trentenaires. L’un d’eux, Pharel Green, “influenceur” strasbourgeois, a rameuté quelques abonnés. Jeux gonflables, escape games, Puissance 4 géant, morpion-basket et foot-billard défilent devant nos yeux ébahis. Toute la salle est rien que pour nous. Ensemble, nous traverserons “Les cinq épreuves gonflables” 

Première épreuve : l’Attrape-mouche. 

Frustrant. L’objectif est de se jeter contre un mur scratché, avec une combinaison elle aussi en scratch, et d’aller le plus haut possible. Résultat : je n’accroche pas au mur, ni à l’activité. Elle ne renvoie pas vraiment à l’enfance, aucun bambin ne rêve de se jeter sur un mur, du moins j’espère. Au contraire, on pourrait la concevoir comme l’allégorie, très adulte, des objectifs que l’on se fixe et que l’on n’atteint jamais, si le sol était l’échec. Passons vite à une autre épreuve... 

A la Maison Claude on retrouve des bleus de travail, vêtement ouvrier devenu à la mode ces dernières années. © Laura Remoué

Luna tient la boutique Le Grenier où elle réunit des vêtements des années 1960-1970. © Laura Remoué

Contrairement à la vente de vêtements neufs, la tendance à la seconde main ne faiblit pas. Les boutiques strasbourgeoises poursuivent leur quête de la pièce idéale dans un marché qui risque la saturation.

Le vintage, une espèce en voie de disparition

« C'est un secret bien gardé », répond elle aussi Luna Tavernier, qui a ouvert Le Grenier en 2019. Arrivée sur ce marché strasbourgeois après d'autres boutiques, elle s'est démarquée avec son propre style, axé sur les années 1960-1970, et a décidé d'étendre son approvisionnement à l'ensemble de la France. Sans surprise, les personnes qui lui déposent le plus de vêtements à revendre sont des personnes âgées. Quelques jeunes prennent aussi le pli, mais ils sont principalement dans la consommation.

La seconde main est « un stock de niche qui s'amenuit et qu'on fait attention à préserver », insiste Luna. « Il faut que l'on soit imaginatifs car on est en plein boum et c'est un secteur qui va encore saturer et la qualité baisser. Dans quelques années, c'est du Zara que l'on retrouvera. » Et les grandes marques de l'industrie textile se saisissent aussi de l'attrait pour la seconde main. Luna voit l'arrivée des Galeries Lafayette sur ce marché d'un regard inquiet. Pour elle, « c'est un autre risque pour nos boutiques indépendantes. »

Laura Remoué

Parmi les autres activités disponibles, un puissance 4 géant et un morpion-basket. © Rafaël Andraud

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