Le module est validé, il peut être inséré dans un article pour être consulté par les internautes.
Président de la Banque centrale européenne depuis 2011, Mario Draghi était au cœur du débat sur les compétences et le contrôle de l’institution qui s'est tenu mercredi 17 mai au Parlement européen.
Un défouloir. Pour les souverainistes de l’ECR qui en sont à l’origine, le débat d’actualité sur la Banque Centrale Européenne (BCE) organisé le 17 mai n’a semblé être rien de plus. Les eurosceptiques s’en sont donnés à cœur joie contre l’institution économique et son emblématique président. « Le rôle du Parlement est de rappeler Draghi à ses fonctions ! », s’est emporté l’eurodéputé allemand Joachim Starbatty (ECR, souverainiste).
Défendue par la Commission, l’indépendance de la BCE vis-à-vis des États fait figure de repoussoir pour les opposants au projet européen. « Aujourd’hui la BCE fait et défait des gouvernements à loisir », a dénoncé Marco Zanni (ENF, extrême-droite). Les premiers intervenants de la gauche radicale ont utilisé des arguments similaires et évoqué le cas de la Grèce. Mais le vice-président du Parlement Dimitrios Papadimoulis (GUE, gauche radicale), pourtant issu de la coalition Syriza, a tempéré ces attaques : « J’ai beaucoup critiqué la BCE […] mais ces trois dernières années, elle a fait plus pour la Grèce que notre gouvernement n’a pu le faire pour l’emploi ».
Au milieu des attaques, quelques constats positifs ont émergé. « L’inflation se stabilise autour de 2%, et l’euro tient bon malgré les Cassandres. On ne va pas miner ce qui fonctionne ! », a lancé l’Irlandais Brian Hayes (PPE, conservateur) avant de suggérer que Mario Draghi se rende devant les parlements nationaux pour défendre son action. Peut-être la seule proposition constructive de ce débat à charge.
Kévin Brancaleoni
Le Parlement européen a adopté jeudi 18 mai une résolution qui prône la coexistence de deux Etats au Proche-Orient.
Les eurodéputés réaffirment leur attachement à la solution à deux Etats, Israël et Palestine, cohabitant pacifiquement côte à côte. Ils ont adopté à une large majorité une résolution en ce sens jeudi 18 mai à Strasbourg.
Dans un contexte de montée des tensions au Proche-Orient, les eurodéputés condamnent la poursuite de la politique de colonisation par le gouvernement israélien, la destruction de bâtiments palestiniens financés par l’Union Européenne et l’inégalité des droits dont souffre la « communauté arabe palestinienne » en Israël. Le texte a aussi invité à la réconciliation des mouvements politiques palestiniens, divisés sur l’attitude à adopter face à Israël, et à un renforcement de la lutte contre les groupes militants radicaux.
« Un progrès timide »
Peser dans le concert diplomatique international est toutefois difficile en l’absence d’une position européenne unie, peut-on lire dans cette résolution portée par les principaux groupes politiques du Parlement (PPE, S&D, Verts, ALDE, ECR). Seulement huit Etats membres de l’UE reconnaissent officiellement la Palestine. L’eurodéputé chypriote Neoklis Sylikiotis (GUE/NGL, gauche radicale) souligne : « En tant que principal partenaire économique d’Israël, l'Union européenne a la capacité de revendiquer la solution à deux Etats ». Tous ne sont pas du même avis. « La solution peut être la coexistence de deux Etats mais il peut aussi s’agir d’une autre option non imposée par une tierce partie », explique Petr Mach (EFDD, eurosceptique). Les Verts concluent quant à eux à « un progrès timide mais notable. On aurait aimé un texte plus ambitieux. »
David Henry
La Commission européenne a présenté aux eurodéputés mardi 16 mai ses premières réflexions sur la maîtrise de la mondialisation. Ce document définit les bases de législations visant à renforcer l’Europe, qui seront proposées au Parlement dans les mois à venir.
La Commission européenne a présenté, mardi 16 mai, aux eurodéputés un document de réflexion sur la maîtrise de la mondialisation qui devrait se traduire dans les prochains mois par une série de propositions législatives.
La publication de ce document intervient dans le contexte difficile du Brexit et de la montée des partis populistes dans différents pays d’Europe. Et la Commission se rend compte que la mondialisation est l’une des causes de cette division de l’Europe. 53 % des Européens la voient comme une menace pour leur identité, d’après une étude réalisée pour la Commission européenne. Selon le dernier rapport de l’INSEE, au moins 20 000 emplois sont détruits chaque année en France, en raison de la délocalisation d’entreprises en quête de salaires plus bas et de coûts de production plus faibles.
La déclaration de la Commission souligne la "concurrence déloyale" à laquelle les entreprises européennes font face. Soumises à des normes sociales et environnementales élevées, elles ne sont pas en mesure de rivaliser avec les pays à la législation moins exigeante. La commission rappelle aussi qu’en Europe, 1 % de la population détient 27 % des richesses. Les classes moyennes et populaires ne profitent pas des embellies qu’a pu connaître globalement l’économie durant ces dix dernières années.
La Commission Européenne propose donc deux larges séries de solutions : les premières concernent les rapports de l'Union européenne avec les Etats tiers, et les secondes visent à renforcer la solidarité entre les Etats membres.
Politique extérieure de l’Union Européenne : vers davantage d’ouverture
La proposition clé de la Commission européenne consiste à renforcer la coopération avec des pays non-membres de l’UE et à favoriser les investissements extérieurs, tout en donnant plus de pouvoir aux institutions européennes. « Il y a une incohérence cruciale, dénonce la députée belge Maria Arena (S&D, socio-démocrate). Dans cette déclaration vague, la Commission admet qu’il existe des problèmes avec les accords commerciaux actuels, alors qu’elle continue à promouvoir une dizaine d’accords de libre échange du même modèle. » L’élue réclame la révision des accords actuellement en vigueur.
L’Europe veut aussi être plus exigeante dans le domaine du respect des droits de l’Homme. L’eurodéputé allemand Hans-Olaf Henkel (ECR, souverainiste) juge que cette question est cruciale pour les responsables européens. « Il n’existe aucun autre parlement au monde qui soit autant attaché à la promotion des droits de l’Homme, estime-t-il. On peut promouvoir la démocratie par les accords commerciaux, y compris dans des pays non-démocratiques, comme la Chine et la Russie. Les pays où le marché libre fonctionne bien peuvent devenir des démocraties. »
Renforcer la solidarité entre les Etats européens
Mais pour les députés, face à une Europe plus divisée que jamais, la solidarité entre les pays membres reste une question primordiale. La Commission appelle les pays européens à coopérer davantage dans le domaine des investissements pour atténuer les effets négatifs de la mondialisation. Les propositions de la Commission citent notamment le Fonds européen d’ajustement à la mondialisation. Créé en 2006, il apporte une aide aux travailleurs dont les sociétés doivent suspendre leurs activités à cause de l’ouverture du marché vers l’international. « C’est un fonds qui répare les dégâts de la mondialisation. Mais l’idéal serait d’éviter ces dégâts en amont », estime le député français Jean-Paul Denanot (S&D, social-démocrate).
Autre solution proposée par l’exécutif européen: la simplification de la fiscalité pour attirer les entrepreneurs. Dans ce domaine, la Commission veut suivre l’exemple récent du président américain Donald Trump, qui a fait payer aux entreprises leurs impôts dans le pays où ils génèrent leur chiffre d’affaires. Cette proposition a recueilli l’assentiment d’un grand nombre d’eurodéputés. « Quand la fraude fiscale devient tellement énorme, explique le Danois Jeppe Kofod (S&D, social-démocrate), la mondialisation n’est plus un challenge, mais devient un problème », souligne-t-il. Il propose que l’Europe s’engage davantage sur le terrain fiscal.
Les priorités de la Commission européenne sont bien définies, comme l’a fait comprendre Jyrki Katainen, commissaire européen aux Affaires économiques et monétaires. « Nous ne devons pas subir les règles, mais nous devons les créer, a-t-il indiqué aux députés. Nous devons nous-même façonner la mondialisation. »
Maxime Bazile et Denis Strelkov
La fraude économique fait perdre chaque année plusieurs milliards d’euros à l’Union européenne. Le Parlement européen a adopté mardi 16 mai deux rapports d’initiative proposant des solutions pour lutter contre cette fraude.
3,21 milliards d’euros. C’est ce qu’a coûté à l’Union européenne la fraude économique en 2015. Le commerce de produits contrefaits, comme le tabac, les machines et appareils électriques, les chaussures ou encore l’acier pèse lourd sur le budget des Vingt-Huit. Et ce montant représente seulement la partie émergée de l’iceberg : « on sait bien que, pour un cas qu’on va découvrir, il y en a des milliers qui sont cachés », déplore Tiziana Beghin, eurodéputée (EFDD, eurosceptique) auteure d’un des deux rapports.
Le Parlement européen a donc examiné lundi 15 mai deux rapports sur la lutte contre la fraude économique, rédigés par l'eurodéputé polonaise Julia Pitera (PPE, conservateur) et son homologue italienne Tiziana Beghin. Il s’agit d’inviter la Commission européenne et les États membres à améliorer leur arsenal législatif, pour détecter et sanctionner plus efficacement les infractions.
Une législation commune, mais des pratiques divergentes
À l’heure actuelle, chaque pays européen a sa propre définition de la fraude et ses propres sanctions. Car s’il existe une législation douanière commune, les contrôles et les poursuites judiciaires dépendent des États membres, et les pratiques diffèrent sensiblement d’un cas à l’autre. « Prenons un exemple : il y a des marchandises qui arrivent dans l’Union Européenne par le port de Gênes. Après contrôle, il arrive qu’on leur refuse l’entrée dans l’UE. Mais si les bateaux essaient de débarquer ces mêmes marchandises par le port de Marseille, ça peut marcher », constate Tiziana Beghin. Pour lutter contre ce phénomène, l’Union a déjà entrepris de modifier sa législation. Le Code des douanes de l’Union, entré en vigueur le 1er mai 2016, a permis la centralisation des déclarations d’importation et d’exportation dans un seul bureau de douane. Il a également contraint les administrations à avoir systématiquement recours à des formulaires électroniques afin de faciliter les échanges d’informations entre États.
Mais peu de pays appliquent rigoureusement ce Code. C’est pourquoi les rapports Pitera et Beghin insistent sur le besoin d'harmoniser les contrôles et les sanctions. Ils proposent en outre la création d’une agence douanière unique qui aurait la responsabilité de tous les services douaniers européens, aujourd’hui gérés par les États.
Donner plus de moyens à l’Union
Les outils législatifs ne suffisent pas à empêcher une fraude souvent difficile à détecter. Les enquêtes de l’Office européen de lutte
contre les fraudes (Olaf) sont nombreuses, mais si cet outil de contrôle existe depuis 1999, aucun organe contraignant n’a été mis en place au niveau européen. « L’Olaf est une agence destinée à effectuer des enquêtes administratives, pas à poursuivre judiciairement, explique un de ses porte-paroles. Lorsqu’elles sont pertinentes, les informations recueillies sont transmises aux autorités nationales ». Les pays concernés n’ont toutefois aucune obligation de poursuivre les contrevenants, d’autant que dans certains pays, les éléments recueillis par l’Olaf n’ont pas valeur de preuve. La justice doit donc reprendre l’enquête de zéro.
Le Parlement européen, conscient de son manque de moyens, a également reconnu le rôle des lanceurs d’alertes dans la détection et le signalement des fraudes. Les rapports soutiennent la résolution adoptée par le Parlement lors de la plénière de février 2017. Celle-ci demande la création d’un organe européen indépendant implanté dans tous les États membres, afin de faciliter la transmission des informations. Elle demande également la suppression des sanctions pénales qu’encourent les lanceurs d’alerte lorsqu’ils révèlent des activités illicites qui nuisent aux intérêts de l’Union.
Afin d’avancer sur la question, 16 pays ont annoncé le 4 avril leur volonté de créer un Parquet européen. Celui-ci aurait pour mission de lutter contre les infractions contrevenant aux intérêts financiers de l’Union européenne, ainsi que contre les fraudes transfrontalières à la TVA. Ce Parquet serait compétent en Allemagne, en Belgique, en Bulgarie, en Croatie, à Chypre, en Grèce, en Espagne, en Finlande, en France, en Lituanie, au Luxembourg, au Portugal, en République tchèque, en Roumanie, en Slovénie et en Slovaquie. S'il est approuvé par le Parlement européen, il devrait voir le jour dans les prochaines années.
Texte et photos : Victor Guillaud-Lucet et Pablo Guimbretière
La Commission européenne et le Parlement européen se sont penchés mardi 16 mai sur le plan de relocalisation de 160 000 demandeurs d’asile engagé en 2015. Les deux institutions envisagent de sanctionner les nombreux Etats membres qui ne le respectent toujours pas.
L'Union européenne a décidément bien du mal à gérer la crise migratoire. Il ne reste plus que quatre mois avant que le plan de relocalisation des migrants n'arrive à échéance. Celui-ci avait été proposé par la Commission européenne et adopté par les Etats en pleine crise migratoire en 2015. Au moment où l’Allemagne rétablissait les contrôles à ses frontières pour juguler l’afflux de demandeurs d'asile, il avait pour objectif de mieux répartir les nouveaux arrivants entre les différents Etats membres.
Deux ans plus tard, son application demeure très limitée. Sur les 28 Etats membres, cinq seulement respectent leurs engagements. 89% des 160 000 demandeurs d’asile éligibles au plan n'ont toujours pas pu être relocalisés. A l'occasion d'un débat au Parlement européen, mardi 16 mai, la Commission européenne, soutenue par une majorité de députés, a une nouvelle fois essayé de mettre les Etats réfractaires sous pression.
Il faut dire que sur le terrain, il y a urgence. En Italie, 43 255 migrants sont arrivés par la mer depuis le début de l'année 2017, soit 30% de plus que l’année dernière sur la même période. Avec l’été qui approche, le nombre d'arrivées devrait encore augmenter. Pour bon nombre de parlementaires européens, la situation est alarmante. « L'Italie est devenue le camp de réfugiés de l’Europe », a ainsi déploré Ignazio Corrao (EFDD, eurosceptique) lors du débat au Parlement.
La Commission met les Etats membres en garde
Dimitris Avramopoulos, commissaire chargé des migrations, a pour la première fois évoqué mardi 16 mai la possibilité d'ouvrir une procédure en infraction contre les Etats qui n’auront pas rempli leurs engagements d'ici un mois. Cette procédure peut aboutir à la saisie de la Cour de Justice européenne (CJUE) voire à l'adoption de sanctions.
La plupart des pays sont concernés. Un manque de volonté politique, des critères trop élevés comme le refus d’accueillir les hommes seuls ou certaines nationalités, sont autant de raisons qui expliquent les blocages et retards dans l'application du plan.
La Hongrie et la Slovaquie devant la Cour de Justice européenne
La Hongrie, la Slovaquie et la Pologne sont particulièrement visées par la mise en garde de la Commission. Ces pays refusent jusqu’à maintenant le principe même du plan de relocalisation. La Slovaquie et la Hongrie ont même déposé une plainte devant la CJUE contre les quotas de réfugiés. Le jugement de la Cour est attendu pour septembre 2017.
« Je serais surpris que la Commission ouvre une procédure en infraction avant que la CJUE n'aie rendu sa décision », souligne le député hongrois Benedek Javor (Verts), très critique à l’égard de son gouvernement. « Si la Cour refuse de condamner la Commission, la Hongrie n’aura plus de prétexte pour échapper au plan de relocalisation. Dans ce cas, la Commission ressortirait beaucoup plus forte et pourrait imposer une procédure en infraction ».
Dans le cas inverse, la Commission n'aurait plus de légitimité à imposer les quotas aux pays récalcitrants. Certains doutent pourtant de l’efficacité de la procédure en infraction envisagée par le commissaire Avramopoulos. C'est le cas de Minos Mouzourakis, responsable juridique de l’ONG Conseil européen pour les réfugiés et les exilés : « Cette méthode est une moyen d’action inefficace. Je ne pense pas qu’elle aura un impact sur la position de la Hongrie. Une procédure en infraction a déjà été entamée contre le pays en 2015 et rien n’a évolué depuis ».
Les mineurs non-accompagnés, une priorité
Au Parlement européen, la majorité des critiques s’est concentrée sur les modalités d’accueil des mineurs non accompagnés. 5 000 mineurs isolés se trouvent actuellement en Italie. En Grèce, ils sont 1 230.
Jusqu’à maintenant, seule la Finlande accepte les mineurs sans distinction. De nombreux Etats, dont la France, appliquent encore d'importantes restrictions, en refusant par exemple d’accueillir des mineurs mariés. Des pratiques « honteuses » selon la députée allemande Ska Keller (Verts) qui espère cependant que « la procédure en infraction envisagée par la Commission servira justement à lutter contre ces abus ».
La résolution adoptée par le Parlement jeudi 18 mai insiste sur la nécessité de relocaliser en priorité les mineurs isolés et les personnes vulnérables. Il est cependant peu probable que ceux-ci puissent tous être pris en charge d’ici septembre 2017, la date butoir pour l’application du plan de la Commission. Cécile Kashetu Kyenge, eurodéputée italienne (S&D, socio-démocrate) s’insurge de cette situation : « Qu’adviendra-t-il après septembre 2017 ? Que fait-on de ceux qui restent ? Il faut voir plus loin et envisager une politique migratoire durable et pas seulement gérer l’urgence humanitaire ».
Augustin Campos et Margaux Tertre
Donald Tusk a présenté devant le Parlement européen, mercredi 17 mai, les grandes orientations de la négociation à venir sur le Brexit. Le président du Conseil européen a défendu une sortie par étapes et a fait de la protection des citoyens la priorité des discussions avec le Royaume-Uni.
« Il est de notre responsabilité de protéger les droits des citoyens de l’Union et de leurs familles. Leur avenir dépend des négociations », a rappelé Donald Tusk, mercredi 17 mai, lors de sa présentation devant le Parlement européen des conditions de sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne.
« Nous ne pourrons pas, sur ce sujet très grave qui touche la vie quotidienne et personnelle de beaucoup de familles, nous contenter d’une simple déclaration d’intention », abonde Michel Barnier, négociateur pour la Commission européenne.
L’inquiétude des expatriés
Actuellement, 3,16 millions de ressortissants européens vivent au Royaume-Uni et 1,22 millions de Britanniques sont installés dans l’un des 27 autres Etats membres. Autant « d’expats » laissés dans l’expectative et inquiets à l’idée de devoir renoncer à certains de leurs droits suite au Brexit.
Premier sujet de préoccupation, les libertés de circulation et d’installation des travailleurs. Au Royaume-Uni, près de 10% des médecins sont originaires d'un autre pays européen. Devront-ils quitter le pays après mars 2019 ? Le Brexit pourrait également remettre en cause la reconnaissance mutuelle des diplômes entre Etats membres, aujourd’hui protégée par « l’attestation de comparabilité ». Enfin, beaucoup d'expatriés craignent de devoir renoncer aux prestations sociales, comme l’aide au logement ou la sécurité sociale.
Les 69 000 retraités britanniques installés en France redoutent particulièrement la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne. « Nous nous sentons isolés, frustrés, mais nous continuons de nous battre, s’encourage Roger Broaden, fondateur du groupe de pression ECREU (Expat citizen rights in European Union), qui compte 8 600 membres. Si ma pension n’augmente plus, ma vie sera de plus en plus difficile. Nous aurons le même statut qu’un Australien (...) Ma femme est Irlandaise, pourrons-nous toujours aller librement en Italie, en Espagne ou en Irlande ? » Ce retraité britannique a posé ses valises au sud de Limoges il y a 15 ans. « L’Union européenne me reconnaîtra-t-elle comme une victime en me laissant ma nationalité européenne ? »
"Si les principes ne sont pas respectés, nous rejetterons l’accord"
A l’instar de la Commission et du Conseil, le Parlement européen entend les inquiétudes des expatriés.
« Il faut trouver des solutions humainement acceptables. Quand je pense aux familles touchées, je suis inquiète », confie l’eurodéputée luxembourgeoise Mady Delvaux (S&D, socio-démocrate). De nombreux élus conditionnent leur vote sur l’accord final de sortie aux garanties obtenues à destination des ressortissants européens installés au Royaume-Uni. Le Parlement européen joue un rôle clé dans ces négociations. Il doit approuver l’accord par un vote à la majorité. « Si les principes ne sont pas respectés, nous le rejetterons », prévient l’eurodéputé britannique Richard Corbett (S&D, socio-démocrate). Gabriele Zimmer (Présidente de la GUE, gauche radicale) refuse d’attendre 2019. Soucieuse du maintien de leurs acquis sociaux et économiques, l’eurodéputée allemande, brandit la menace d’une résolution : « Des commissions parlementaires en charge des droits des citoyens préparent un document d’orientation qui pourrait donner lieu à une résolution si les négociations du Brexit s’avèrent insuffisantes en la matière. »
Pour l’heure, les négociations sont suspendues au calendrier électoral britannique. Les élections générales du 8 juin devraient assurer à Theresa May une large majorité. La Première ministre souhaite avoir les mains libres pour poursuivre les négociations jusqu’en mars 2019. Mais certains parlementaires n’arrivent toujours pas à se résoudre au Brexit. « C’était un simple référendum consultatif remporté d'une courte majorité et fondé sur des mensonges, regrette le travailliste Richard Corbett. Les gens ont encore le droit de dire qu’ils n’ont pas voté pour ça. »
Corentin Lesueur et Auberie Perreaut
Photos : Victor Guillaud-Lucet
Le Parlement européen s’est prononcé mercredi 17 mai en faveur de sanctions contre la Hongrie. Les eurodéputés reprochent à ce pays le non-respect de certaines valeurs fondamentales de l’Union européenne.
Les eurodéputés ont examiné deux résolutions sur la Hongrie mercredi 17 mai. La première, déposée par le groupe PPE (conservateurs) dont le parti du Premier ministre Viktor Orban est membre, prônait la poursuite du dialogue avec le gouvernement hongrois. La seconde, élaborée conjointement par les quatre groupes de gauche et du centre, réclamait l'application immédiate de sanctions à l’encontre de ce pays. C’est cette dernière qui a été adoptée, avec 393 voix pour et 221 contre, les élus s’y opposant étant majoritairement issus du PPE.
Dans le viseur des eurodéputés figurent trois mesures prises par le gouvernement hongrois en avril 2017. Selon Viktor Orban, ces lois visent à renforcer la souveraineté de la Hongrie. Mais ses opposants n’y voient qu’une stratégie pour réduire l’espace de liberté. Première mesure problématique : la loi sur l’éducation qui interdit la présence en Hongrie d’universités étrangères n'ayant pas de campus dans leur pays d’origine. Le Parlement européen y voit une attaque claire contre l’Université d’Europe centrale, fondée il y a vingt-cinq ans par le milliardaire américain d'origine hongroise George Soros. Les élus européens s’inquiètent également de la réforme des règles sur les ONG, désormais obligées de révéler le nom de leurs donateurs. Enfin, les parlementaires dénoncent le lancement d’une consultation nationale « Arrêtons Bruxelles ! » qui questionne la légitimité des politiques européennes.
L'appel du Parlement européen à l'adoption de sanctions est importante dans la démarche européenne de faire respecter les principes de l’État de droit en Hongrie. Sa force reste cependant limitée car, d’une part, c’est aux États eux-mêmes qu'il revient de déclencher, ou non, les sanctions, et d'autre part, cette décision devra être prise à l’unanimité des dirigeants des Vingt-huit. Or, la Pologne a d’ores et déjà annoncé qu’elle s’opposera à toute mesure de retorsion contre son allié hongrois.
Maxime Bazile
Les eurodéputés ont suivi avec attention la nomination du premier gouvernement d'Emmanuel Macron. Si les libéraux se réjouissent, les sociaux-démocrates et les conservateurs sont nettement plus réservés.
Dans un salon du Parlement européen, Isabelle Thomas, eurodéputée (S&D, socio-démocrate), s'amuse de la naïveté de ses pairs. « Mes collègues scandinaves m'ont dit : mais je n'y crois pas ! Macron a nommé un conservateur comme Premier ministre ? Tout à coup, ils réagissent ». La nomination, le 15 mai, de l'ex-Républicain Edouard Philippe a surpris certains eurodéputés de gauche. « On leur a fait croire à la belle au bois dormant », poursuit Isabelle Thomas, évoquant l'engouement que la victoire de l'europhile Emmanuel Macron avait suscité dans les rangs du groupe S&D.
Chez les libéraux de l'ALDE, dont certains furent très impliqués dans la campagne du candidat pro-européen, on ne cache pas sa joie. Deux des leurs, Marielle de Sarnez et Sylvie Goulard, ont été nommées, le 17 mai, au gouvernement français. « L'arrivée de notre estimée collègue Sylvie Goulard au ministère des Armées est une source de fierté », s'est félicité Guy Verhofstadt, le président du groupe ALDE. Sylvie Goulard était la première eurodéputée française (et jusqu'ici la seule) à avoir revendiqué son affiliation à la République en Marche sur le site du Parlement européen. « Si une reconfiguration politique est possible au niveau national, évidemment, le groupe ALDE va grandir de façon importante à l'avenir », veut croire Jean-Marie Cavada (ALDE, libéral), « macroniste » depuis janvier. Selon lui, il est toutefois « trop tôt » pour envisager l'adhésion de nouveaux élus français au groupe ALDE.
Renaud Muselier, député (PPE, conservateur), lui, ne croit pas à l'hypothèse des ralliements : « Quand on a été élu sous une étiquette, on appartient à une formation politique ». Le 15 mai, deux des vingt eurodéputés français du groupe PPE, Alain Lamassoure et Tokia Saïfi, ont néanmoins signé un appel de soutien à Emmanuel Macron et à son nouveau gouvernement. Du côté des Républicains, on espère qu'ils resteront des cas isolés.
Romain Colas
Le Parlement européen a adopté à une large majorité, mercredi 17 mai, un rapport visant à renforcer la place des parlements nationaux dans l’élaboration des politiques européennes.
Comment associer plus étroitement les parlements nationaux au processus décisionnel européen ? Les eurodéputés se sont penchés sur la question mardi 16 mai.
L’appréciation annuelle pour 2014 des principes de subsidiarité et proportionnalité a été adoptée à une large majorité, encourageant une collaboration étroite entre le Parlement européen et les parlements nationaux.
Ces derniers disposent actuellement d’une capacité d’action limitée sur le travail des institutions européennes. Les élus nationaux peuvent s’opposer à une proposition législative s’ils la jugent non conforme à la subsidiarité. Ce principe implique que l’Union européenne ne peut agir que si elle est plus efficace qu’un Etat membre dans ce domaine.
L’introduction d’une nouvelle procédure, dite du ‘‘carton vert’’, permettrait aux parlements nationaux de soumettre directement une initiative législative à l’examen de la Commission. « On donne le droit aux parlements nationaux de dire autre chose que non », se réjouit l’eurodéputée luxembourgeoise Mady Delvaux (S&D, socio-démocrate).
« Une mesure symbolique »
Le rapporteur du texte, l’eurodéputé britannique Karim Sajjad (ECR, souverainiste), est parvenu à obtenir un large consensus transpartisan sur ses propositions. Ce consensus dissimule cependant des conceptions différentes des relations entre les institutions européennes et nationales.
L’eurodéputée belge Helga Stevens, (ECR, souverainiste) milite pour un véritable « retour du pouvoir aux parlements nationaux ».
À l’inverse, Mady Delvaux voit dans une contribution plus active des parlements nationaux aux décisions européennes un moyen de renforcer la légitimité du processus d'intégration européen.
Le mécanisme du ‘‘carton vert’’ laisse toutefois perplexe les plus fédéralistes. « Ca ne va rien changer, c’est une mesure purement symbolique », regrette ainsi l’eurodéputé Antonio Marinho e Pinto (ALDE, libéral).
Texte et photo : Auberie Perreaut
Pour la septième fois en moins de deux ans, le Parlement européen s'est opposé, mercredi 17 mai, à la mise sur le marché de nouveaux organismes génétiquement modifiés (OGM). Entretien avec l'eurodéputé belge Bart Staes (Les Verts), le rapporteur de la résolution d'objection adoptée à une large majorité.
En quoi consiste la procédure européenne d'autorisation des OGM ?
Le pétitionnaire – le plus souvent un industriel – transmet une demande d'autorisation à l'Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA). En cas d'avis positif de cette instance, la Commission européenne soumet la décision aux Etats membres, dont les représentants sont réunis au Comité permanent de la chaîne alimentaire et de la santé animale (CP-CASA). Cet organe vote à la majorité qualifiée (55% des Etats rassemblant 65% de la population), l'autorisation ou le refus de mise sur le marché de l'OGM (organisme génétiquement modifié). Depuis 2001, seuls deux OGM ont fait l'objet d'un refus. Lors des derniers votes au CP-CASA, une majorité d'Etats s'est opposée à la commercialisation des produits, mais sans obtenir le quorum nécessaire. Le dernier mot revient alors à la Commission, qui doit décider seule de la mise sur le marché.
Le Parlement peut-il s'opposer à une mise sur le marché d'un OGM ?
Non, nous ne pouvons pas nous opposer à une autorisation respectant la procédure. Chaque fois qu'un produit OGM est mis sur le marché, le Parlement européen peut seulement voter une objection non contraignante. Depuis deux ans, nous en avons adopté sept à une large majorité. Nous y alertons la Commission sur les risques environnementaux et les besoins d'études supplémentaires. Sans effet. La Commission écoute les lobbies et vote en faveur de la technologie OGM. Le Parlement, lui, n'en veut pas.
Comment rendre la procédure applicable aux OGM plus transparente ?
Je suis favorable à une repolitisation de la décision. La demande d'autorisation au sein du CP-CASA ne devrait plus être traitée par des fonctionnaires, mais directement par les ministres des Etats membres. La Commission, quant à elle, se défend en arguant de l'avis positif de l'AESA. Elle a pourtant les moyens de demander des études et analyses complémentaires sur les conséquences sanitaires et environnementales des OGM. C'est ce que nous demandons.
Propos recueillis par Corentin Lesueur