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Le corps de Philippine avait été retrouvé samedi 21 septembre dans le bois de Boulogne. Photo : Tsuyoshi Kaneko

Le nombre de recours à l'IVG en France est en hausse depuis 2020. En Alsace, la prévention est limitée malgré un accès aux soins assuré.

Un homme a été interpellé mardi 24 septembre au soir, à la gare de Genève en Suisse, quatre jours après la découverte du corps de Philippine au bois de Boulogne. Taha O. aurait utilisé la carte bleue de l’étudiante le soir de sa disparition, faisant de lui le principal suspect du meurtre. Le Marocain de 22 ans faisait l'objet d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF), une mesure d’éloignement du territoire, depuis juin 2024 et avait déjà été condamné pour viol. Sa remise en liberté d’un centre de rétention administrative deux semaines avant le meurtre a suscité des réactions politiques parfois confuses, que Cuej.info a passé au crible.

"L’expulsion systématique des délinquants et criminels étrangers"

"Pour la sécurité des Français, l’expulsion systématique des délinquants et criminels étrangers est un impératif", a déclaré le député macroniste Charles Rodwell sur X, suite à l’arrestation du suspect par les autorités suisses. Une telle mesure pourrait se heurter au principe constitutionnel de la justice, qui a pour but de traiter à égalité tous les individus sur le territoire français, sans discrimination de nationalité.

Sur le fond de la déclaration, l’expulsion du suspect dans le meurtre de Philippine était bien prévue par l’État francais et tout avait été mis en oeuvre pour qu’elle soit exécutée. La remise en liberté est due à l’attente d’un laissez-passer consulaire de l'État marocain. Un cas qui ne fait pas exception dans les obstacles à l’exécution des OQTF, souvent rendues inapplicables pour des raisons matérielles, administratives et diplomatiques. Ces dernières années, le Maroc et l’Algérie ont seulement accepté la moitié des demandes françaises pour un laissez-passer consulaire, et à peine un tiers de réponses étaient favorables pour la Tunisie. L'État français peut également devoir prouver la nationalité d’une personne arrivée sans papiers en partenariat avec les consulats, ce qui peut rallonger les délais.

Lenteur et laxisme judiciaire

Sur Franceinfo, François Hollande a mis en cause le rythme de la chaine pénale et administrative. "C’est le problème des OQTF, il faut que ça aille vite", a souligné l’ancien président de la République. Le président du Sénat Gérard Larcher considère le fonctionnement de la chaîne pénale comme l'"une des urgences" à traiter. Difficile d’accélérer l’expulsion d’une personne si l’on tient à rester dans le cadre prévu par la loi.

La rétention de Taha O. avait été prolongée à trois reprises, dans l’attente de la délivrance du laissez-passer consulaire du Maroc. Après 75 jours de rétention, celui-ci a cependant été remis en liberté, avec l’obligation de pointage au commissariat et une assignation à résidence dans un hôtel de l'Yonne. Dans son cas, le cadre légal ne permettait plus de prolonger sa détention : la non délivrance d’un document consulaire ne figure pas parmi les critères permettant d’aller jusqu’à la durée de rétention maximale de 90 jours. Les délais d'exécution et de jugement de l’OQTF ont donc respecté ceux prévus par le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Inutile aussi de crier au "laxisme judiciaire", comme l’ont fait les élus député et eurodéputé du Rassemblement National Julien Odoul et Jordan Bardella, puisqu’il s’agit d’une stricte application de la loi.

Gabrielle Meton

Édité par Kenza Lalouni et Yves Poulain

Le profil judiciaire du suspect de Philippine, un Marocain de 22 ans sous le coup d'une OQTF, relance le débat autour de l’exécution des expulsions et laisse la place aux imprécisions. Mise au point sur les principales déclarations politiques de la journée. 

La presse internationale parle aussi du procès des viols de Mazan. Photo : Élodie Niclass

Dans le Grand Est, 15661 femmes ont eu recours à l'IVG en 2023. Photo : Rodnae Production

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Encore aujourd'hui, des bombardements ont frappé la ville de Burj al-Shamali dans le sud du Liban. Photo : Sadik Gulec

Délai d’une semaine au plus

Le délai d’accès entre la première prise de contact et l’opération est “au plus large d’une semaine”, précise à Webex Elisa Fassel, sage-femme depuis dix ans au centre hospitalier de Haguenau. Un autre chiffre souligne ce bon fonctionnement: seulement 7,2 % des IVG sont tardives (après 12 semaines de grossesse) dans le Grand Est. C’est le deuxième taux le plus bas après la Corse, et il est bien inférieur à la moyenne nationale de 9,1 %. “Cela est lié à l’accessibilité et la rapidité de la prise en charge”, confirme la sage-femme.

Avec trois autres sages-femmes, une conseillère conjugale et un gynécologue, Elisa Fassel est membre du centre de santé sexuelle (équivalent du Planning familial) de Haguenau. A ce titre, elle fait de la prévention dans les établissements scolaires et se rend compte que, si la prise en charge est efficace, la prévention chez les jeunes sur les sujets de santé sexuelle demeure insuffisante. “Les connaissances des jeunes sont aléatoires. Dans certaines classes, il y a un gros manque d’information. Beaucoup d’élèves n’ont eu qu’une seule intervention dans leur parcours scolaire. On essaie d’y pallier, mais sur une heure de temps dans leur vie d’ado, ce n’est pas facile”, explique-t-elle. 

En France, le Conseil économique, social et environnemental a estimé le 10 septembre que seulement 15 % des élèves suivent toutes les séances d'éducation affective et sexuelle, pourtant obligatoires. Le résultat est préoccupant: l’organisation mondiale de la santé a alerté, en août, sur une baisse inquiétante de l’utilisation du préservatif chez les adolescents européens.

Hausse des IVG hors hôpital

Dans son rapport, la Drees remarque aussi que la hausse des IVG pratiquées hors établissements de santé se poursuit. Une tendance observée par Elisa Fassel, qui reste prudente sur la question. Avant de laisser une femme réaliser une IVG médicamenteuse à la maison, tous les critères sont examinés. “Les principaux risques restent l’hémorragie et l’infection, détaille Elisa Fassel. Il faut faire en sorte que la patiente soit en sécurité. Par exemple, il y a un risque de saignement trop important au-delà d’un certain terme”, explique la sage-femme. “C’est bien pour les femmes car c’est une accessibilité supplémentaire, mais il faut respecter un protocole strict. Ce n’est pas quelque chose dont on est très friand.” 

Une loi adoptée en 2022 a rallongé le délai de recours à l’IVG de 12 à 14 semaines de grossesse. En Alsace, la mesure n’a pas eu d’effet ressenti, en raison justement de la prise en charge rapide. “Au quotidien, il reste très rare d’avoir des demandes après 12 semaines… mais cela peut arriver, note Elisa Fassel. Cette mesure laisse plus de marge aux femmes qui ont un accès difficile à l’IVG, dans les déserts médicaux”.

Il reste un point noir dans ce tableau plutôt positif. Les militants anti-IVG semblent particulièrement actifs en Alsace, et le Planning familial est régulièrement attaqué. Dernier incident en date, un tag “Planning Assassin” a été inscrit sur la permanence du Bas-Rhin à Strasbourg, le 4 mars, quelques heures avant l’inscription de l’IVG dans la Constitution. “Heureusement, on n’a pas été la cible de menaces, à ma connaissance”, note Elisa Fassel. Pour elle, l’hôpital n’apparaît pas comme une cible, puisque l’IVG est une pratique exercée parmi beaucoup d’autres.

Abel Berthomier

Édité par Lilou Bourgeois

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