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L’effet référendum
“Depuis l’échec du référendum du 29 mai 2005, il y a une volonté de mieux associer le Parlement aux affaires européennes, explique David Mahé, administrateur adjoint à la délégation du Sénat. On auditionne maintenant des ministres, en commun avec l’Assemblée nationale. Les derniers en date étaient Dominique Perben et Thierry Breton. Depuis un an, un débat est organisé avant chaque Conseil de l’UE, et l’on auditionne Mme Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes, à l’issue de chaque Conseil européen.” Les deux délégations ont organisé environ cinq réunions communes depuis un an.
Créées en 1979
Délégation de l'Assemblée nationale : 33 rue Saint-Dominique, Paris 7e
Délégation du Sénat : 15 ter, rue Vaugirard, Paris 6e
Effectif : 36 membres et une dizaine de fonctionnaires chacune
Depuis le traité de Rome, le rôle des parlements nationaux dans la construction européenne a été délibérement minoré. Leur pouvoir de décision dans un nombre croissant de matières relevant du domaine de la loi a été progressivement transféré à Bruxelles, d’abord au Conseil, puis de plus au Parlement européen.
Pourtant la faible marge de manoeuvre du Parlement français n’est pas intrinséquement liée aux traités européens. La Constitution française de 1958, soucieuse de mettre un terme au régime des partis, a elle aussi choisi, notamment par ses articles 34 et 37, de marginaliser le pouvoir législatif. En France, la voie réglementaire prédomine : des pans entiers de la formulation du droit, comme toutes ses modalités d’application, relèvent directement du privilège de l’exécutif. L’administration y règne sans partage.
En 1979 l’élection des eurodéputés au suffrage universel direct est, pour les parlementaires français, la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Pour défendre le reliquat de leurs prérogatives, une loi crée les délégations pour la Communauté européenne : une à l’Assemblée nationale, l’autre au Sénat. Elles ont d’abord pour mission d’alerter les élus sur les menaces d’amoindrissement venues de Bruxelles. Pour autant que le gouvernement choisisse de les en informer....
Donner son avis
L’Acte Unique européen de 1986 marque un premier tournant. Le marché unique oblige à accélerer la cadence et à étendre les domaines des transpositions. Si la rédaction des projets de loi à cet effet restent le monopole de l’exécutif, de meilleures relations avec les élus nationaux s’imposent. Certains, parmi eux, prennent conscience que des changements majeurs se profilent. En 1990, les membres de chacune des délégations passent de 18 à 36. Elles obtiennent le droit d’auditionner - parfois - les ministres et de ...publier leurs rapports d’information. Mais, de fait, jusqu’au traité de Maastricht, le parlement national a représenté une contrainte marginale pour l’administration française. En 1992, à l'occasion de la révision constitutionnelle préalable à la ratification du traité, la délégation voit enfin son rôle renforcé par l’ajout d’un article 88.4 dans la constitution. Désormais, le gouvernement est tenu de soumettre au Parlement tous les projets communautaires qui relèvent, en France, du domaine de la loi. Les délégations peuvent y réagir par des résolutions. Elles disposent d'un mois pour manifester leur volonté de suggérer des amendements. Leur prise en considération par le gouvernement est encouragée par un protocole annexé au traité. En 1999, avec l’entrée en vigueur de la révision constitutionnelle requise par le traité d’Amsterdam, le système d’information et de contrôle parlementaire gagne un peu de tonus. Le Parlement peut désormais se prononcer sur les projets d’acte de l’Union européenne et non plus seulement sur ceux des Communautés.
24 résolutions adoptées
Les deux délégations, investies par les assemblées respectives de traiter ces matières, font souvent un remarquable travail d’examen. Mais, pour intervenir en amont de la prise de décision européenne, seul moment où leur intervention est susceptible de peser, elles disposent de ressources humaines limitées. Aujourd’hui, les délégations du Sénat et de l’Assemblée nationale reçoivent et trient chaque année 3000 documents européens. L’immense majorité de ces documents ne donne lieu qu’à une note de synthèse de la dizaine de fonctionnaires que compte chaque délégation. Leur attention se concentre sur les quelques 250 projets transmis en vertu de l’article 88-4. Les parlementaires se saisisssent de 10% d’entre eux. Dans le meilleur des cas, ils donneront lieu à un projet de résolution. Car les délégations n’ont aucun aucun pouvoir législatif, et pas même le droit d’enquête. Elles se contentent d’adopter parfois des projets, que les Commissions permanentes peuvent choisir d’endosser. Ou non. En 2005, l’Assemblée nationale en a finalement adopté 15, et le Sénat 9. Au terme de ce parcours d’obstacles, le gouvernement n’a aucune obligation d’en tenir compte. Mais il s’en sert parfois, lorsqu’il est en difficulté au Conseil, pour conforter sa position.
Adelise Foucault
Pour aller plus loin : l'article 88.4 de la Constitution
"Le Gouvernement soumet à l'Assemblée nationale et au Sénat, dès leur transmission au Conseil de l'Union européenne, les projets d’actes législatifs européens et les autres projets ou propositions d’actes de l’Union européenne. Selon des modalités fixées par le règlement de chaque assemblée, des résolutions européennes peuvent être adoptées, le cas échéant en dehors des sessions, sur les projets ou propositions mentionnés au premier alinéa, ainsi que sur tout document émanant d'une institution de l'Union européenne. Au sein de chaque assemblée parlementaire est instituée une commission chargée des affaires européennes."
Les points sur les i
Dans sa lettre interprétative du 11 octobre 2006, le ministre américain de la Sécurité intérieure dit clairement le peu de cas qu’il entend faire des garanties de protection demandées par l’Europe. Les Etats-Unis appliqueront l’accord PNR (Personal name record, accord sur les données passager) selon leurs besoins, transmettront les données à qui ils veulent, et ne s’interdisent pas d’en demander plus.
Emilie Defay
L’accord, signé en octobre dernier entre l’Union et les Etats-Unis, dans le cadre de la lutte antiterroriste, autorise les compagnies aériennes européennes à transmettre aux autorités américaines une liste de 34 données sur les passagers stockées dans leur système de réservation. Parmi ces informations : le nom, l’adresse mais aussi des informations comme les préférences alimentaires ou l’état de santé. Le gouvernement français est, avec son homologue grec, le seul à ne pas l’avoir fait ratifier par son Parlement.
En France, ce procédé a soulevé le mécontentement des parlementaires, privés de leur droit d’approbation. « Est-il normal et acceptable que des accords d'une telle importance, qui concernent des matières qui figurent au premier rang des compétences législatives et qui touchent directement aux droits des individus, ne fassent l'objet d'aucune approbation parlementaire, ni au niveau national, ni au niveau européen? Et comment justifier le fait que le Parlement français soit quasiment le seul, sur l'ensemble des parlements nationaux des vingt-cinq Etats membres de l'Union, à ne pas pouvoir se prononcer par un vote conditionnant l'approbation de tels accords ? », s’est insurgé Hubert Haenel, le président de la délégation pour l’Union européenne au Sénat.
Sacrifié pour plus d'efficacité
A l’origine de cette exception française : l’interprétation par le gouvernement d’un avis du Conseil d’Etat, saisi en 2003 à l’occasion de la signature d’un accord d’extradition et d’entraide entre l'Union et les Etats-Unis. A l’époque, la plus haute juridiction administrative française devait répondre à la question suivante, posée par le gouvernement : comment le Conseil de l’Union européenne peut-il conclure des engagements internationaux avec des Etats tiers? Objet de cet interrogation : les articles 24 et 38 du Traité sur l’Union européenne (TUE). Ils permettent au Conseil de l’Union d'engager, puis de conclure, des accords avec des Etats tiers dans les matières relevant de la coopération policière et judiciaire en matière pénale, sans demander l'approbation du Parlement européen.
L'interrogation liminaire était alors de savoir si ces accords étaient conclus au nom de l’Union en tant que telle ou au nom des Etats membres. Le Conseil d’Etat avait tranché en faveur de la première solution. Son interprétation est désormais admise par tous : elle confère à l’Union une personnalité juridique dont les traités ne font pas mention. Restait à évaluer jusqu’à quel point les Etats membres avaient leur mot à dire, notamment sur les modalités d’association de leur parlement national. Le paragraphe 5 de l’article 24 du TUE les autorise à faire ratifier de tels accords si leurs règles constitutionnelles le préconisent.
Le Conseil d’Etat a estimé que pour rendre l’Union plus efficace, mieux valait considérer que ce n'était pas le cas. Le gouvernement a choisi de le suivre. C’est la troisième fois que cette interprétation de l’avis du Conseil d’Etat est utilisée. A chaque fois, le Parlement français a fait part au gouvernement de son désaccord. En vain pour l’instant. Une lettre envoyée en septembre dernier par Hubert Haenel au Premier ministre, lui demandant de s’expliquer sur cette lecture de l’article 24, est restée sans réponse.
Emilie Defay
Avis du Conseil d'Etat du 7 mai 2003
Dans son avis n° 368.976 du 7 mai 2003, le Conseil d'Etat estime que le Conseil de l’Union peut conclure des engagements internationaux avec des États tiers au nom de l'Union européenne. Il juge préférable en outre que le gouvernement ne donne pas à ratifier ce type d'accord au Parlement.
Créé le 13 décembre 1799
Place du Palais Royal, Paris 1er arrondissement
Effectif : 322
A la fois conseil et juridiction, le Conseil d’Etat reçoit du Secrétariat général des affaires européennes tous les projets d’actes européens adressés au gouvernement français par la Commission européenne. Depuis 1993, il a sept jours pour identifier les textes ou parties de textes qui relèvent de la loi au sens de l’article 34 de la Constitution (environ 300 textes par an), et en expédier la liste au secrétariat général du gouvernement. Celui-ci les transmet immédiatement aux présidents du Sénat et de l’Assemblée nationale. Par ce geste, les deux chambres sont automatiquement saisies.
Josselin Huchet
La représentation britannique défend les intérêts de Londres auprès des eurodéputés. Sa mission : fournir des stratégies de lobbying aux ministères.
La Représentation permanente britannique (UKrep) auprès du Parlement européen se définit comme un « prestataire de services »: elle fournit un mode d'emploi du Parlement et de ses acteurs aux experts britanniques chargés de défendre la position nationale. « Nous élaborons des stratégies de lobbying auprès du Parlement pour nos fonctionnaires de Bruxelles et de Londres », explique un de ses membres. Cinq personnes travaillent à plein temps dans ce service qui dépend du Foreign Office, le ministère des affaires étrangères. Leur charge de travail s’est accrue avec la montée en puissance du Parlement européen ces dernières années. Quand Londres voit émerger un sujet important pour les intérêts britanniques dans le débat européen, la UKrep identifie les dix à vingt personnes qui comptent au sein du Parlement européen.Ce sont eux que la Représentation va cibler et tenter de sensibiliser au point de vue britannique. Rapporteurs, chefs de groupe, ou membres importants des commissions vont être approchés directement par les ministères. Peu importe leur nationalité. Les nouveaux membres de l'Union comme les Polonais sont des alliés de choix. « Nous travaillons autant avec les Britanniques qu’avec les autres », note un membre de la UKrep.
Les politiques parlent aux politiques
Dans la mesure du possible, les ministres eux-même se déplacent au Parlement pour faire valoir leur point de vue. Une habitude qui les distingue de leurs homologues français. « Les politiques aiment parler aux politiques, c'est pourquoi nous fournissons seulement des clés d'accès aux ministères. Depuis début 2006, les parlementaires ont reçu la visite d'une trentaine de ministres britanniques », se félicite la Représentation permanente. Le rapporteur fictif, membre d’une commission, est un gibier de choix. Issu de la tradition parlementaire britannnique il est chargé, lorsque le parti adverse est désigné pour rapporter au nom de sa commission, de rédiger des amendements alternatifs pour son parti. A Stasbourg, il est la cheville ouvrière du compromis entre les grands groupes politiques. Après la première lecture de la directive services, le député conservateur Malcom Harbour, investi rapporteur fictif par le PPE-DE, face à la rapporteure officielle Evelyne Gebhardt (PSE) a ainsi été particulièrement courtisé par son ministre du Travail. « La révision de la directive, soutenue par les travaillistes, était très critiquée par la presse conservatrice », explique son attachée parlementaire. Mais si les uns voulaient modifier la proposition Bolkestein, personne ne souhaitait la détruire totalement. Il fallait un compromis entre le PPE et les PSE. Et donc s’entendre au final sur des amendements qui, tout en permettant de libéraliser les services, « ne nuiraient pas aux intérêts britannniques ». Après accord sur une formulation de compromis, Malcom Harbour a donc été chargé de convaincre les eurodéputés britannniques de son groupe de s’y rallier. « Nous ne défendions pas le gouvernement de Tony Blair, souligne l’attachée parlementaire, nous plaidions seulement pour le consensus ».
Main dans la main avec les lobbies
L’influence britannique s’exerce également au jour le jour par les « briefings », équivalents des notes françaises présentant les intérêts nationaux en jeu dans les textes examinés. « Ce sont les fonctionnaires ministériels qui sont chargés de les rédiger, explique-t-on à la représentation permanente britannique. Quand un fonctionnaire est chargé d’un dossier, il doit le suivre tout au long du processus de décision européen. » La Représentation permanente britannique est aussi réputée pour travailler main dans la main avec les lobbys sectoriels. Un membre du SGAE décrit les fonctionnaires britanniques accompagnant les lobbyistes jusque dans les bureaux des eurodéputés. Inimaginable pour des Français ! « Ce n'est pas dans nos habitudes, commente-t-on à la UKrep. Mais il nous arrive de faire se rencontrer eurodéputés, fonctionnaires et lobbyistes, par exemple, avec des ONG en ce qui concerne le changement climatique ».
Josselin Huchet / Guillaume Guichard
Ekaterine Kipshidze
Des problèmes de communication
Si elles partagent un objectif commun, les trois composantes de la délégation française ne sont pas toujours parfaitement coordonnées. « Nous ne formons pas une entité, déplore un diplomate appartenant la délégation. Il peut y avoir des problèmes de communication entre la RP, le SGAE et les chargés ministériels. Parfois, nous nous marchons sur les pieds. Sur certains dossiers, nous n'allons pas voir tous les députés, sur d’autres, chaque composante va voir tout le monde. » De même, il n’est pas rare que des chargés de mission court-circuitent le SGAE en transmettant directement une proposition d’amendement à un député.
La délégation réalise un travail qui s’apparente à du « lobbying gouvernemental », selon l'un de ses membres. Lobbying noble, car il s'agit de défendre l'intérêt général, à mille mille -officiellement- de tout intérêt privé. Tradition républicaine oblige.
Les fonctionnaires de la RP sont en première ligne. Ils évoluent en contact constant avec les eurodéputés, tant à Bruxelles pour le travail des 20 commissions, qu'à Strasbourg où ils suivent les votes dans les commissions puis en plénière. Deux diplomates chargés des relations avec le Parlement européen, sont systématiquement présents à chaque plénière. Ils sont secondés par un volontaire international et épaulés par les conseillers de secteur, qui effectuent le déplacement à Strasbourg en fonction de l'ordre du jour.
Deuxième composante de la délégation française : les chargés de mission ministériels. Ils viennent de Paris pour suivre les débats en plénière et les travaux de la commission parlementaire qui concernent leur ministère. Ils recueillent des informations auprès des eurodéputés et des lobbyistes qui serviront à établir ou faire évoluer la position du ministère au sein des réunions interministérielles du SGAE. Auprès des eurodéputés, ils soutiennent la position officielle de la France, en coopération avec les autres membres de la délégation.
Le SGAE supervise. Il coordonne les informations glanées par la RP et les ministères pour asseoir une position commune. Il rappelle aussi aux députés français la position nationale sur les enjeux communautaires. Pour cela, le SGAE recourt à l’artillerie lourde en leur transmettant des notes à chaque moment-clé : la nomination du rapporteur, le passage du texte en commission et le vote en plénière. Pour approcher les députés de toutes nationalités, il se contente de la cavalerie légère : des entretiens informels. Enfin, les fonctionnaires du SGAE suivent en direct les votes dont ils s’empressent de faxer les résultats à Paris.
Cibler les plus influents
Les représentants permanents dialoguent avec les parlementaires, mais également avec leurs assistants comme les administrateurs du Parlement et des groupes politiques. « L'important, c'est d'identifier les acteurs les plus influents sur les différents sujets et de constituer des réseaux », confirme un membre de la RP. Les rapporteurs, les contre-rapporteurs, les présidents de commission, les coordinateurs de groupe politique constituent des cibles privilégiés. La RP vise aussi en priorité les eurodéputés français, sans pour autant négliger les parlementaires étrangers les plus importants ou les plus enclins à appuyer les intérêts de la France.
De manière générale, la délégation française n'hésite pas offrir son expertise, voire un soutien logistique à un eurodéputé qui souhaiterait déposer un amendement conforme à la ligne soutenue par le gouvernement. Un échange gagnant-gagnant. « Le dépôt d'amendement, c'est de l'or en barre pour la notoriété d'un parlementaire, explique un fonctionnaire du SGAE. Les députés sont demandeurs d'informations pour briller dans leurs commissions. Et nous, nous devons œuvrer pour que la norme communautaire soit favorable aux intérêts français. »
Session, mode d'emploi
« Les 732 députés, ou presque, sont à Strasbourg pendant la session. C’est un moment privilégié pour mener des activités d’influence », explique Stéphane Paillé, chargé des relations avec le Parlement européen pour la Représentation permanente (RP). Principale mission de la délégation française au Parlement : consolider la position nationale au Conseil en influant sur les députés européens. La semaine qui précède la plénière, une réunion en visioconférence permet de définir les rôles de chacun à l’avance. Histoire d'optimiser les forces.