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Femmes, premières victimes
« À chaque fois qu’il y a une guerre ou une crise, ce sont les femmes qui sont les premières victimes », assure la femme de lettres Oksana Zaboujko. Hôpitaux, écoles, crèches et zones résidentielles sont la cible des attaques russes depuis le début du conflit en Ukraine. Des endroits occupés majoritairement par des femmes. S’enfuir relève donc de l’exploit, et rester sur place est invivable. « Les femmes sont les boucliers humains que Poutine essaye de briser », s’insurge l’écrivaine slave. Dans les abris, mères et nouveau-nés risquent notamment de mourir par choc septique à cause du grand manque d’hygiène. Les familles souffrent aussi de l'absence de chauffage et de nourriture. Le danger des violences sexuelles ressort également dans les discours solennels et les témoignages des Ukrainiennes. Mais pour l’instant, il est difficile pour les ONG sur place de récolter les preuves de ces crimes.
Pour Alviina Alametsä (Verts/ALE), députée membre de la commission sécurité et défense, « l’Europe a une analyse géopolitique différente. » Pour elle, comme pour la Première ministre estonienne Kaja Kallas, l’Europe de la défense ne doit pas être un clone de l’OTAN, mais une construction coordonnée particulière à l’Union qui devra « travailler main dans la main » avec l’Organisation transatlantique. Au sortir des débats, ce sont en effet des actions au niveau national qui semblent privilégiées : « nous devons nous protéger nous mêmes en accroissant de manière significative nos budgets de défense », plaide Nathalie Loiseau (Renew, libéraux).
Un front uni, mais des divergences internes
Symbole de cette prise de conscience, l’Allemagne a annoncé le dimanche 27 février augmenter à 2% la part de son budget alloué à sa défense. Une décision emblématique qualifiée « d’inimaginable jusqu’ici » par la Première ministre estonienne Kaja Kallas, invitée d’honneur au Parlement européen.
Si les différents groupes politiques ont affiché un front uni contre la Russie, de nombreux députés appellent à une révision de l’idée de défense commune. Chaque groupe a sa vision bien spécifique de ce concept, certains allant jusqu’à le refuser complètement. Le PPE et Renew plaident pour une organisation stratégique : « Nous savons ce qui nous fait défaut », a affirmé Arnaud Danjean (PPE, centre-droit), lors du débat du mercredi 9 mars. « Ce qui a manqué, ce ne sont pas des outils, mais la volonté politique de la part de nos États membres. » Pour les Verts, l’urgence est de sortir de la dépendance face au gaz russe, à travers les énergies renouvelables. L'extrême gauche (La Gauche) plaide, à contrario, pour un désarmement, à travers l’intervention de Martin Schirdewan : « Ce n’est pas par l’armement et la violence que notre monde deviendra plus sûr ».
Pour pouvoir s’accorder sur une politique de sécurité commune, il faut d’abord que l’UE « décide quelles sont les menaces qui pèsent sur elle », explique Rasa Juknevičienė, (PPE, centre-droit), vice-présidente de la commission sécurité et défense au sein du Parlement européen. L’ancienne médecin file la métaphore médicale : « pour avoir les bons instruments afin de préserver la paix, il faut d’abord un diagnostic précis des dangers. » Aujourd’hui, il est simple : la Russie est une menace pour la famille européenne. Pour arriver à construire cette politique de défense commune et ressortir renforcés de cette crise, les États membres devront « rester unis jusqu’à la fin », résume Rasa Juknevičienė.
Emilie Autin et Isalia Stieffatre
Une défense à 27, rêve ou réalité ?
Le déclenchement de la guerre en Ukraine a soudainement poussé l’UE à prendre des décisions historiques. 450 millions d’euros ont été débloqués dans le but d’acheter et de fournir des armes à l’Ukraine, mettant fin au « tabou voulant que l’Union ne fournisse pas d’armes à des belligérants », selon les mots de Josep Borrell, le chef de la diplomatie européenne, lors de la session extraordinaire du 27 février.
Jusqu’alors, la protection militaire en Europe était assurée par les États-Unis, à travers l’OTAN. Aujourd’hui, la menace russe pèse sur des pays de l’Union non-membres de l’alliance nord-atlantique, tels que la Finlande et la Suède.
C’est avec gravité que la rapporteuse hongroise Anna Júlia Donáth a défendu son rapport lundi au Parlement européen. Dans celui-ci, elle s’inquiète de la réduction de l’espace dévolu à la société civile en Europe. Les syndicats, ONG et autres journalistes auraient selon son rapport de moins en moins de place pour exercer correctement leurs activités. Ils seraient notamment victimes de cadres législatifs oppressifs visant à réduire leur puissance d’action en les poussant à l’autocensure. Or, comme l’a souligné la députée, leur rôle est primordial dans la défense des droits fondamentaux et des démocraties européennes.
Au moment où la guerre en Ukraine laisse présager des conséquences à long terme sur sa société civile, la rapporteure Anna Júlia Donáth a souligné en ces mots la pertinence de son rapport : « Lorsque les réfugiés ukrainiens franchissent les frontières européennes, qui sont là pour les aider ? Pas des soldats, pas des politiques ou des fonctionnaires mais des gens comme vous et moi, des gens de la société civile. » Parmi les solutions envisagées, le texte souhaite garantir aux organisations la possibilité de participer à l’élaboration des lois et des politiques. Il veut aussi surveiller l’accès de ces derniers à des financements durables. Ce rapport a été voté par la majorité des députés. Didier Reynders, commissaire européen à la Justice a assuré que le « rapport alimentera les travaux de la Commission européenne ».
Avec la guerre en Ukraine, l’UE est au pied du mur. L’invasion russe a fait valser toutes les convictions européennes en matière de défense. Le sujet est revenu au cœur des débats et pour une majorité de parlementaires, il est temps de s’accorder sur une politique de sécurité commune et coordonnée, face à la menace russe.
« L’heure est venue de nous doter d’une Union de la Défense digne de ce nom ». Il y a encore quelques semaines, une telle déclaration de la part de la présidente du Parlement européen aurait été impensable. C’est pourtant ainsi que Roberta Metsola a ouvert le débat sur le nouveau rôle de l’Union européenne au cœur de la crise actuelle, ce mercredi 9 mars à Strasbourg. « Le conflit en Ukraine a fait voler en éclat le monde tel que nous le connaissons », a renchéri la présidente. Et pour cause, deux semaines après les premiers assauts russes, les débats ont été plus que jamais monopolisés par l’idée d’une politique commune de défense européenne.
Cette année, la journée internationale des droits des femmes est marquée par l’horreur de la guerre en Ukraine. Petit-déjeuner-débat, plénière, invitées d’honneur, le Parlement européen se concentre particulièrement sur l’héroïsme et les conditions de vie des Ukrainiennes.
« Quand il y a des bombardements, ma mère dit à ma petite sœur de dix ans que ce sont des feux d’artifices pour ne pas l’inquiéter », raconte avec émoi Oleksandra, la vingtaine, actuellement en stage au Parlement européen. Elle est l’une des six Ukrainiennes conviées au petit-déjeuner-débat à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes. Dans la villa Schutzenberger de style art nouveau, à deux pas du Parlement, ces invitées sont installées autour d’une grande tablée. Après quelques viennoiseries et un café nécessaire pour chasser la nuit encore marquée sur leurs visages, elles prennent la parole tour à tour. L’ambiance intimiste de la salle sombre amplifie l’émotion des appels à l’aide déchirants. « Ma grand-mère ne peut pas évacuer et ses médicaments sont indisponibles car elle est encerclée par les forces russes. Beaucoup d’amies de mon âge accouchent sous les bombes, dans des bunkers. C’est terrible… », se désole Oleksandra. L’évènement se conclut sous des applaudissements chaleureux : « Slava Ukraini ! », lance la jeune Ukrainienne. Un cri repris en cœur avant que tout le monde ne parte en séance plénière.