L'institution a publié ce mercredi son rapport annuel. Elle appelle à un effort accru de l'Etat en matière de réduction du déficit public et désigne plusieurs chantiers.
Le Président de la Cour des comptes Didier Migaud a rendu mardi son rapport annuel à Nicolas Sarkozy.
Crédit photo: Philippe Grangeaud solfé communications
Peut mieux faire. Dans son rapport annuel, publié ce mercredi, la Cour des comptes salue les efforts engagés par le gouvernement pour redresser les comptes publics, mais appelle à un effort supplémentaire de diminution de la dépense publique et des niches fiscales.
La Cour doute en effet que l'Etat puisse atteindre son objectif de ramener le déficit à 3% du produit intérieur brut (PIB) en 2013 sans nouvelles mesures. La politique du gouvernement reposerait, actuellement, sur des prévisions de croissance et d'accroissement des recettes fiscales trop optimistes.
La Cour regrette par ailleurs que l'action de la majorité repose principalement sur des hausses d'impôts au détriment des réductions de dépenses. "La quasi-totalité de l’amélioration structurelle a reposé en 2011 sur les hausses de prélèvements obligatoires, qui ont apporté 11,5 milliards de mesures pérennes, soit 0,6 point de PIB, a déclaré ce matin le président de la Cour des comptes, le socialiste Didier Migaud. La mobilisation de nouvelles recettes atteignant ses limites, le volet des dépenses devrait apporter une contribution beaucoup plus importante au redressement des comptes publics." La juridiction appelle par exemple à réduire les niches fiscales de 5 milliards d'euros supplémentaires.
Voici les principales recommandations de ce rapport de 1 600 pages :
La Cour prône la suppression des dispositifs de défiscalisation pour l'Outre-mer. Dits "Girardin", ces mesures effectives depuis 2003 visent à favoriser les investissements en logements et les investissements productifs. Jugées "inefficaces", ces réductions d'impôts ont coûté 1,2 milliard d'euros en 2010 aux contribuables.
Une véritable cure. La Cour appelle la Banque de France à une maîtrise accrue de ses charges, suggérant notamment le non remplacement de deux départs sur trois à la retraite. L'institution visée a d'ores et déjà retorqué à l'AFP qu'il était "hors de question de s'engager dans une réduction arbitraire d'effectif qui mettrait en péril ses missions fondamentales ou conduirait à sacrifier ses missions d'intérêt général".
Le rapport souligne également que la Banque loue la moitié des 105 appartements qu'elle possède à des conditions inférieures aux prix moyens du marché, occasionnant un manque à gagner de 880.000 euros.
Enfin, la Cour prône une nouvelle réduction de la taille de son réseau territorial, le plus dense d'Europe. En d'autres termes : supprimer des succursales.
La Cour des comptes appelle à la création d'un système de couverture des risques pour les agriculteurs afin de remplacer des aides d'urgence "plus ou moins justifiées, souvent empilées et aux effets dilués".
102 mesures d'urgence ont été prise par l'Etat entre 2006 et 2009, afin de répondre à 38 situations qualifiées de « crise ». Montant total des dépenses : 1,67 milliard d'euros. Ces mesures sont si fréquentes, note la juridiction financière, qu' "à l'évidence elles ne répondent pas seulement aux événements exceptionnels". Au final, "les dispositifs adoptés se traduisent par une juxtaposition de mesures permettant plus d'étoffer l'annonce politique que de répondre à des besoins clairement identifiés", regrette-t-elle.
Compte tenu des déficits nationaux, "ce système ne peut plus perdurer", affirme la Cour qui plaide pour "une plus grande responsabilisation des exploitants agricoles" et un recours à "l'intervention de la solidarité nationale" uniquement en cas de crise "d’une ampleur exceptionnelle, sur la base de données chiffrées objectives".
La Cour des comptes avait publié en octobre 2009 un rapport thématique sur "la nouvelle télévision publique". Selon la Cour, "l'examen des suites données par France Télévisions [à celui-ci] aboutit à un bilan contrasté".
La réforme de la télévision publique, lancée en 2009 sous la présidence de Patrick de Carolis, prévoit notamment une fusion-absorption des différentes chaînes du groupe public et la mise en commun de certains services. Bien qu'amorcé au cours des dernières années, la Cour déplore "une mise en oeuvre laborieuse". Pour les magistrats, il faudra notamment de "mutualiser les moyens" et "unifier la gestion des ressources humaines". Une réforme à laquelle, selon la Cour, le secteur de l’information ne doit pas échapper.
Rénovation du Grand Palais, création de la Maison de l'histoire de France à Paris et du Musée des civilisations d'Europe à Marseille, ... Trente-cinq chantiers culturels en cours ou en phase de lancement attisent la crainte des magistrats de la rue Cambon qui soulignent leur caractère "difficilement soutenable" dans les prochaines années pour les finances de l'Etat. La Cour pointe du doigt une conduite opérationnelle encore hasardeuse avec à la clé, des "risques de dérapages" budgétaires.
"Dérive massive" et "persistante", selon la juridiction, l'indemnisation des intermittents du spectacle est "insoutenable". Financé par l'assurance-chômage, le dispositif à un coût annuel de 1,2 milliard d'euros. Soit un tiers du déficit de l'assurance chômage alors que les intermittents ne représentent que 3% des demandeurs d'emploi.
Guillaume Clere
Renaud Février