Ce mercredi, à l'appel de la CGT et du Comité vérité et justice pour Charonne, 700 personnes ont commémoré le 50e anniversaire de événements du 8 février 1962. Neuf manifestants pour la décolonisation de l'Algérie avaient trouvé la mort dans la bouche du métro Charonne sous les coups de la police française.
"Ils sont pas lourds en février à se souvenir de Charonne, des massacreurs assermentés qui fignolèrent leur besogne", chantait Renaud dans sa chanson Hexagone en 1975. Aujourd'hui, combien de Français se souviennent du 8 février 1962 ? Pour que cet événement ne tombe pas dans les oubliettes de l'histoire, la CGT, le Comité vérité et justice pour Charonne, le Parti Communiste et la mairie de Paris, entre autre, ont organisé ce mercredi une cérémonie pour le 50è anniversaire du massacre de Charonne. 700 personnes sont venues rendre hommage aux neuf personnes mortes sous les coups de la police française.
9 morts et plus de 200 blessés sous les coups des policiers français le 8 février 1962. (Image AFP vidéo)
Le plus jeune avait 15 ans
Le 8 février 1962, en pleine guerre d'Algérie, la CGT, le PCF, l'Unef (syndicat étudiant), les Jeunes socialistes et d'autres mouvements de gauche, organisent une manifestation contre les attentats commis par l'Organisation Armée Secrète (OAS) depuis plusieurs mois à Paris. L'OAS défend "l’Algérie française". Comme tous les mouvements en faveur de la décolonisation de l'Algérie, la manifestation du 8 février est interdite. Malgré tout, plusieurs cortèges se forment dans Paris.
Entre 20 000 et 30 000 personnes descendent dans la rue pour réclamer la paix en Algérie. Boulevard Voltaire dans le 11e arrondissement, les policiers, sous les ordres du préfet Maurice Papon, chargent la foule. Paniqués, les manifestants se réfugient dans la bouche du métro Charonne. Les policiers frappent et jettent des grilles d'aération sur la foule. Bilan : neuf morts, tous membres de la CGT. Le plus jeune avait 15 ans. Près de 200 personnes sont blessées.
"Nous voulons rendre hommage aux neuf travailleurs morts sous les coups de la police française", explique Laurent Pagnier, secrétaire général de l'Union régionale CGT d'Ile-de-France. La commémoration est aussi un moyen de "lutter contre l'extrême droite" dans un contexte où les crimes commis lors de la guerre d'Algérie par des militaires français tendent à être "oubliés" : "Dernièrement [ndlr le 28 novembre 2011], Hélie de Saint-Marc, un des officier qui a participé au Putsch des généraux a été décoré par le Président Grand'Croix de la légion d'honneur. La proposition de Gérard Longuet de transférer les cendres de Maurice Bigeard [tortionnaire durant la bataille d'Alger] aux Invalides fait aussi polémique."
"La France a tué ses enfants"
Les organisateurs attendent de l'Etat français reconnaisse son implication dans ce massacre. "On a du mal à en parler mais les choses avancent", complète Laurent Pagnier. Sur une des banderoles du cortège tenu entre autres par Pierre Laurent, secrétaire national du PCF, et Bernard Thibault, secrétaire général de la CGT, ce mercredi est inscrit : "1962, la police tue à Charonne. 2012 : l'Etat doit reconnaître son crime."
Ce mercredi, un défilé a quitté le métro Charonne en direction du cimetière du Père Lachaise où reposent les neuf victimes. (Image vidéo AFP)
A l'heure actuelle, seule la mairie de Paris a reconnu l'implication de l'Etat. En 2007, Bertrand Delanoë, le maire de Paris, a inauguré la place du 8 février 1962, près de la station de métro Charonne, en souvenir de ces événements.
Pour Laredj Soufi, président de l'Association Multiculturel de Strasbourg, le gouvernement français ne reconnaît pas les exactions de Charonne pour soigner son image "de marque": "La France n'a aucun intérêt à parler. Elle doit étouffer ces événements. Elle ne pourrait plus donner de leçon aux Etats qui tuent leurs peuples, alors qu'elle aussi a tué ses enfants."
Marion Michel