Pour l’avant-dernière étape de son édition 2020, le Tour de France empruntera samedi les routes d’entrainement du coureur de l’équipe Groupama-FDJ. De Lure à la terrible montée de La Planche des Belles Filles, en passant par Mélisey, le parcours aura une allure de pèlerinage. Un territoire à la recherche d’un tourisme régulier, que pourrait initier l’idole locale. Reportage.
Des décorations à l’effigie de Thibaut Pinot, l’enfant du pays, bordent les 36 kilomètres de l’étape. © David Darloy
Il suffit de lever les yeux. De regarder au loin le massif des Vosges, présence imposante et rassurante. À Lure, la plaine n’est qu’une courte respiration entre les monts escarpés des alentours. Une terre de grimpeurs, enfin d’un grimpeur : Thibaut Pinot. Il y a 30 ans, le coureur de l’équipe Groupama-FDJ y est né. Aujourd’hui, l’enfant du pays est au coeur des espoirs touristiques du territoire. Sa popularité doit permettre le retour d’un dynamisme perdu, avec l’accueil de vacanciers.
L’ombre du coureur n’est jamais loin, à l’instar de la fresque à son effigie, qui orne l’entrée du cinéma municipal. A l’affiche cette semaine ? Avec Thibaut, le documentaire réalisé lors du Tour de France 2019. Un moyen-métrage (43 min.) crève-coeur : le coureur avait dû abandonner à deux jours de l’arrivée alors qu’il se rapprochait de la victoire.
La commune de Lure accueille pour la première fois le départ d’une étape du Tour de France. © David Darloy
En 2020, Thibaut Pinot n’est plus dans le coup pour la victoire (30e à presque 2 h du leader, Primoz Roglic). Il n’a jamais récupéré de sa chute lors de la première étape, et du vélo qui a heurté le bas de son dos, à 50 km/h. Il a tenu à rester en course et sera bien au départ de la 20e étape, samedi 19 septembre : un contre-la-montre de 36 km entre Lure et La Planche des Belles Filles.
Lure, lieu de naissance du champion, à la recherche d’un office de tourisme
A l’avant-veille de l’étape, la ville est déjà parée aux couleurs du Tour de France. Daniel ressort de la maison de la presse, le quotidien régional sous le bras. À la une, Thibaut Pinot est déjà là. Dans les mots de l’acheteur aussi. “C’est avec Thibaut que la Haute-Saône est devenue une terre de vélo”, évalue Daniel, Luron de naissance, désormais Lavallois, qui a fait “700 bornes” pour venir voir l’étape.
La commune de Lure déjà aux couleurs du Tour, à l'avant-veille de l'étape. © David Darloy
Le territoire tente de capitaliser sur la dynamique lancée par le grimpeur, pour devenir une terre de cyclotourisme. En hauteur, le plateau des Mille étangs a été créé spécialement à cet effet. Mais pour le moment, l’initiative reste balbutiante. “Il n’y a pas d’office de tourisme à Lure ; elle est à 7-8 km”, regrette une buraliste.
L’arrivée du Tour de France “attirera 10 000 personnes, de quoi doubler la population”, chiffre Gauthier, lycéen en semaine, sapeur-pompier le week-end. Il sera mobilisé le jour de l’étape, en renfort. Mais cette vague ne devrait être qu’éphémère, au grand dam des commerçants. “Ceux qui viennent auront leurs propres boissons ; il ne viendront pas consommer”, craint Yves, patron du Café du Nord. Surtout, tous seront partis le soir venu.
Dans le doute d’une bonne surprise, tout est fait pour que la fête soit belle. Les décorations aux couleurs du Tour se succèdent sur les façades des maisons, sur les vitrines des commerces. Pas avare de la moindre communication, le département a multiplié les dispositifs publicitaires, pour rappeler son nom aux téléspectateurs.
Pinot et la mairie, une histoire de famille : le père Régis est l'édile de Mélisey. © David Darloy
Mélisey, lieu de résidence de l’idole, s’habitue aux cyclotouristes
Une dizaine de kilomètres séparent Lure du lieu de résidence actuel de Thibaut Pinot. Au fil de la route, le territoire devient de plus en plus dynamique, comme si la seule présence du coureur revivifiait une commune et permettait d’envisager le retour d’un dynamisme perdu. Pour s’y rendre, cap au nord-est. Le bitume s’élève légèrement, il fallait s’y attendre. Suffisamment pour calmer les ardeurs d’un cycliste du dimanche, bien trop peu pour titiller les jambes d’un habitué du Tour de France. Les monts environnants se rapprochent à mesure que les lignes droites s’enchaînent. Au bout d’une d’entre elles surgit Mélisey, 1 700 habitants.
Durant le confinement, c’est ici que le sportif a passé un confinement paisible, entouré de ses chèvres Kim et Quentine. En temps normal, c’est aussi là que le triple vainqueur d’étape sur le Tour aime se ressourcer. Malgré son emploi du temps, il est intégré à la commune, d’autant plus qu’il est le fils du maire, Régis. Et aucun doute à voir les banderoles : la commune est fière de son coureur. Laurent, gérant du café-restaurant de la mairie confirme que "tout le monde le connaît ! Il ne se passe pas une semaine sans qu’on nous demande où il habite."
À ses heures perdues, Laurent enfourche le vélo et fait défiler les kilomètres. © David Darloy
Conséquence ou non de sa résidence, les cyclistes amateurs se font plus nombreux. “On en a vu tout l’été, ça n’a pas désempli”, affirme Laurent. Tiens, justement, Joël et Claude descendent de leur monture. Venus du Luxembourg, ils dorment dans leur camping-car, comme la majorité des voyageurs. Les infrastructures hôtelière et de restauration manquent et font pâle figure face à celles des Alpes. Pour la Grande Boucle, la scène est presque caricaturale, avec les rangées de camping-car déjà alignées, et leurs propriétaires déjà prêts à apercevoir les coureurs.
Joël et Claude passent plusieurs jours dans le pays de Lure, juchés sur leur selle. © David Darloy
Plancher-les-Mines, le vide au bas de La Planche
A Plancher-les-Mines (1 000 habitants), dernière commune avant l’arrivée, l’oasis que représentait Mélisey s’éloigne à mesure que les bosses casse-pattes s’enchainent. Retour dans un village typique d’une région désindustrialisée, où l’usine désaffectée continue de rappeler l’ancien temps toujours plus lointain. Les volets du café-restaurant sont baissés ; on parle de ce lieu au passé. “Nous avons des gîtes qui sont bien sollicités”, tente de rassurer Sylvie Hosette, 2e adjointe au maire. Difficile pourtant de parler de réelle dynamique, quand les quelques commerces encore debout dénotent au milieu des vitrines défraîchies et des panneaux « à vendre ». Danielle, la boulangère, déplore le temps que prend le tourisme à se mettre en place. “Nous sommes un peu déçus mais peu, c’est toujours mieux que rien, rappelle-t-elle comme une évidence, avant de détailler son propos. Le souci, c’est que tout a été lancé rapidement en 2012 (première arrivée du Tour à La Planche des Belles Filles), sans que nous ayions forcément la capacité d’accueil nécessaire. Maintenant, on commence à pouvoir mieux gérer.”
David Darloy et Arthur Massot
La Planche des Belles Filles : décryptage d'une montée déjà mythique