Vendredi 18 septembre, un cinquantenaire comparaissait pour des faits de violence à l'arme blanche au Tribunal de Strasbourg. Après une audience où on peinait à démêler le vrai du faux, le prévenu a finalement été relaxé.
Accusé de faits de violence à l'arme blanche, Adem a finalement été relaxé. © Marion Henriet
Comment Mahir s'est-il retrouvé avec un couteau dans la cuisse, et cinq jours d'incapacité temporaire de travail ? C'est la question à laquelle était confronté le Tribunal judiciaire de Strasbourg ce vendredi 18 septembre.
Adem, le prévenu, réfute toute mauvaise intention à l'égard de Mahir, pour qui il a réalisé des travaux au black. Son client ne l'a pas encore rémunéré, avançant des malfaçons. Adem veut comprendre pourquoi il n'a pas été payé. Le 17 septembre, vers 22 heures, il passe devant le domicile de Mahir en rentrant du chantier où il travaille. Il y aperçoit ses enfants mais renonce à s'arrêter. Il toque finalement à sa porte le lendemain, à 7 heures, pour voir les malfaçons signalées, dit-il. Mahir l'aurait alors entraîné dans la salle de bain, avant de sortir un "petit couteau" en lui disant qu'il ne le paierait pas. Adem saisit alors le bras de son client, qui, en se dégageant s'entaille la cuisse. Le prévenu quitte les lieux, avant de se présenter aux services d'enquête plus tard dans la journée.
Selon Mahir, c'est Adem qui sort un "couteau de chasse cranté de 25 centimètres", en lui demandant de payer les travaux réalisés. Il le blesse à la jambe pendant l'altercation qui suit, avant de prendre la fuite en le menaçant de le tuer, lui et sa famille. Petit ou grand, le couteau reste en tout cas introuvable.
Un récit incohérent
Pas facile d'y voir clair dans une affaire où chacune des deux parties rejette la faute sur l'autre. Aux yeux de la procureure cependant, tout semble accuser Adem. "Pourquoi avez-vous pris la fuite, interroge-t-elle ? Vous ne vous préoccupiez pas de savoir ce qu'il avait ? De vous expliquer avec la police ?" "Je devais partir au travail", répond le prévenu. Malgré le calme du petit homme en chemise et chaussures brillantes impeccables, les justifications sont laborieuses. Et il peine à tenir sa ligne de défense. Un peu plus tard, lorsque la présidente lui demande s'il devait impérativement arriver sur son lieu de travail pour 7 heures 30, il nie. Cette incohérence agace la procureure. "C'est lui qui vous reçoit avec un couteau ? Alors qu'il ne savait pas que vous viendriez, à 7 heures ?" "Il a mis du temps à descendre...", tente le prévenu. Ca ne prend pas. Pas plus que ses explications concernant sa décision de se présenter en début de matinée plutôt que la veille au soir. Une question de convenance, selon Adem. 22 heures, c'était trop tard. "Je pense surtout que c'était trop tard parce qu'il y avait trop de témoins", rétorque la procureure.
"Il a la réaction du parfait coupable."
L'avocat de Mahir ne peut que renchérir : "Il part en courant, ce n'est pas l'attitude de quelqu'un qui a été piégé. Il a la réaction du parfait coupable." Il s'appuie finalement sur les antécédents judiciaires d'Adem, qui avait déjà commis un délit de fuite en 2016, pour conclure que le prévenu est quelqu'un qui fuit ses responsabilités.
L'avocat du prévenu mise principalement sur les caractères des deux parties. Alors qu'Adem est décrit comme quelqu'un de "calme et serviable", qui "a toujours travaillé", par les habitants de Reichshoffen, Mahir est qualifié de "grande gueule". "C'est la parole de l'un contre l'autre car il n'y a pas de témoin, conclut Maître Petitfour. Avec le caractère de Mahir, je suis sûr qu'il s'est dit 'Adem ne va pas m'embêter longtemps'". Ça ne convainc pas la procureure, bien qu'elle ait conscience des zones d'ombre de l'affaire. "La vérité judiciaire ne pourra pas retrouver la vérité des faits, c'est regrettable", admet-t-elle. "On n'est pas sur un grand délinquant, toujours est-il que là on est sur des méthodes de bandit. En venir à ça quand on est bien inséré dans la société, c'est inquiétant." Elle requière deux ans de prison, dont 18 mois par sursis simple.
Le prévenu a finalement été relaxé.
Marion Henriet