Pierre Soriot, jeune vidéaste aux 250 000 abonnés, produisait mardi 16 février une vidéo dans le bike park de Strasbourg. Récit dans les coulisses de ce tournage.
Noé filme l'introduction de la future vidéo de Pierre à l'aide d'un smartphone dernière génération. © Valentin Béchu
Pierre Soriot a toujours du mal avec les intros. Il bégaie un peu, perd le fil, mais finit pas y arriver au bout d’une vingtaine de minutes. Pourtant, ce n’est pas sa première vidéo, loin de là. Vidéaste professionnel à seulement 21 ans, il a créé son auto-entreprise il y a un peu moins de deux ans : "J’ai eu de la chance, une de mes premières vidéos a buzzé et j’ai décidé de me lancer sur les conseils de mon pote Philippe Cantenot, lui aussi youtubeur, qui a 600 000 abonnés." Deux millions de vues pour une session de plongeon sauvage du haut d’un pont, stoppée prématurément par la maréchaussée. Un "coup de chance" qui lui a permis de faire décoller sa chaîne, près de 250 000 abonnés le suivent aujourd’hui. Pour s’y consacrer à plein temps, il a arrêté sa formation professionnelle de mécanicien cycle. Et ce mardi 16 février, avec les images de sa session au Stride park à Strasbourg, il espère encore exploser le compteur à clics.
Une mécanique bien huilée
Il a déjà le titre en tête, en lettres capitales comme toujours. Il faut dire qu’une session dans "LE PLUS GRAND BIKE PARK D’EUROPE" complètement vide, ce n’est pas commun. Noé, un ami du même âge l’assiste bénévolement dans la réalisation : "Je suis au chômage en ce moment donc j’ai du temps et c’est que du plaisir." Equipés de deux caméras d’action sur leurs casques intégrales, ils s’élancent pour un après-midi entier à rouler et multiplient les plans qu’ils ponctuent de nombreuses blagues. Le coronavirus en prend pour son grade et Pierre s’adresse directement à ses abonnés. Professionnel, il n’oublie pas de faire penser aux internautes "à mettre le petit pouce vers le haut et suivre la page". Les sponsors sont copieusement mentionnés et le Stride qui les accueille est dûment remercié.
Echange de bons procédés
Depuis le 15 janvier, même les scolaires ne peuvent plus venir rouler dans ce complexe indoor de 12 000 mètres carrés, seuls les professionnels peuvent y accéder sur demande. Alors, la venue du vidéaste Soriot est une opportunité comme l’explique Gilles Andrès, directeur général de Stride : "On récupère des images pour la promotion et Pierre roule avec la même marque que nous, il y a une cohérence à l’accueillir."
À côté de Pierre et Noé, sur un autre parcours de l’enceinte, un autre jeune homme enchaîne les figures, à un niveau bien plus élevé. Et pour cause : Florent Kastner est aussi un professionnel du BMX, mais grâce à ses performances en compétition plutôt qu’à des vidéos. Membre de l’équipe de France de BMX freestyle, il ne dédaigne pas le travail du youtubeur, au contraire : "Les compétitions et les vidéos se complètent, ça fait venir des petits dans nos bike park." Reconnaissant vis-à-vis du Stride Park qui lui permet de s’entraîner en vue d’une potentielle participation aux Jeux Olympiques, il salue l’initiative du jeune businessman : "Grâce à lui, des gens reviendront ici à la réouverture."
Rouler plus grand
Avec quatre heures de session et des centaines de plans, Pierre en aura pour une douzaine d'heures de montage avant de pouvoir publier sa vidéo. Entre deux figures dans le bac à mousse, il s’exprime sur son business model : "Je tire entre 50 centimes et trois euros pour mille vues selon les périodes et je fais des placements de produits." La perspective de revenus aléatoires pour une activité encore mal connue n’a pas effrayé son entourage au moment : "J’ai eu trop de la chance en fait, mon père l’a accepté direct même s’il m’a dit de garder les contacts avec les entreprises au cas où", sourit-il. Fort de plusieurs sponsors, son chiffre d'affaires se rapproche déjà du maximum autorisé avec ce statut, soit 72 600 euros pour une activité de prestation de services. Et il ne compte pas s’arrêter là, il prépare notamment un "gros projet" en cours avec son sponsor principal sur lequel il refuse de s’étendre par souci de confidentialité.
Enthousiaste, Pierre n’a pas la folie des grandeurs pour autant et déroule un discours prudent : "Les vues, tu ne les contrôles pas, ça peut descendre fortement du jour au lendemain." Et pour garder les pieds sur terre, quoi de mieux qu’un premier rendez-vous avec le comptable pour changer le statut administratif de son activité ? "J’ai sué ! Je suis ressorti de là, j’étais limite dépressif", se marre-t-il.
Valentin Bechu