Plus qu’une pratique associée aux zones périurbaines, le jardinage urbain est devenu un véritable phénomène de mode : des ventes de plantes éphémères en centre-ville à l’influence des réseaux sociaux, tout est bon (ou presque) pour végétaliser son intérieur.
La vente Plantes Pour Tous à Strasbourg, du 9 au 11 septembre. © CAMILLE LOWAGIE
Monstera, alocasia, calathea et pilea… Une rapide recherche #urbanjungle sur Instagram donne la mesure du phénomène de végétalisation de l’habitat citadin. Les réseaux sociaux fourmillent d'images d’appartements aux ambiances tropicales, passion terre cuite et plantes graphiques.
Instagram et Pinterest ont joué un rôle important dans l’avènement de cette tendance verte, et le Covid n’a rien arrangé. Des communautés de passionnés de plantes d’intérieur s’y sont constituées et le terme « d’urban jungle » naît en 2016. Sur Facebook, on trouve à la fois des groupes d’échange de boutures et des réseaux d’entraide, où des plant addicts prodiguent leurs conseils pour sauver un ficus tout rabougri ou choisir la plante qui convient le mieux à une pièce faiblement éclairée.
Un effet de mode
Ce sont principalement les 20-35 ans, les « millenials de centre-ville », qui ont lancé le phénomène. « C’est un moyen pour les citadins, qui n’ont pas de jardin et qui vivent au rythme frénétique de la ville, de retrouver un environnement apaisé, en harmonie avec la nature », explique Abdel, responsable de l’événement Plante Pour Tous qui se tient à Strasbourg du 9 au 11 septembre.
Des événements organisés par Plant Pour Tous, Le Goût des Plantes, ou Le marché végétal d'Antoine et Julien, des grandes ventes de plantes éphémères, qui surfent sur cette tendance, attirent des centaines de personnes chaque jour : les queues de plant addicts n’en finissent pas. Organisées uniquement à Paris il y a cinq ans, elles couvrent désormais une trentaine de villes de France et d’Europe. Trois, quatres plantes sous le bras, Chloé attendait cet événement de la rentrée pour décorer son nouveau chez elle : « aujourd’hui, les plantes sont un incontournable de la décoration d'intérieur ! Ces variétés sont accessibles aux débutants et elles sont surtout moins chères qu’en jardinerie ».
L'impact de la crise sanitaire
Un engoument croissant, dans lequel la crise sanitaire a eu son rôle à jouer. Depuis l’arrivée du Covid-19, les ventes de plantes d’intérieur ont augmenté d’environ 20%. « Les urbains confinés dans 30m2 ont ressenti un important besoin de verdure pour être bien chez eux », affirme Jennifer, co-fondatrice de la jardinerie urbaine Tchungle à Strasbourg.
Cultiver des plantes chez soi, une pratique si bonne pour le moral mais si néfaste pour la planète. Avec l’explosion de la demande, les jardineries sont perpétuellement en flux tendu sur la marchandise. Les fournisseurs peinent à suivre la cadence : depuis plusieurs mois, les producteurs de pots en terre cuite sont en rupture de stock.
Une tendance peu écologique
Pour répondre aux besoins des grandes enseignes de jardinerie, des grossistes belges et néerlandais produisent des plantes de façon industrielle, souvent peu écologique. Engrais chimiques, immenses serres chauffées en plein hiver et transport de fret en avion, l’impact écologique de la green fever n’est pas forcément meilleur que celui des fleurs coupées.
Ce n’est pas la première fois qu’un grand bouleversement social ramène les plantes vertes sur le devant de la scène. Lors de la révolution industrielle, on observait déjà une végétalisation de l’intérieur de la classe moyenne, pour « atténuer les effets psychologiques négatifs du passage de la campagne à des paysages urbains pollués », rappelle l’association PromoJardin sur son site.
Loin de l’image du potager à la campagne, le jardinage s’est emparé de nos intérieurs urbains et la verdure déborde, si bien qu’elle s’attaque aussi à nos balcons.
Camille Lowagie
Les plantes sont produites de façon idustrielle en Belgique et au Pays-Bas. © CAMILLE LOWAGIE