A l’occasion de la Journée mondiale du malade, trois personnes atteintes de la sclérose en plaques racontent leur quotidien et leur vécu. Ils constatent et alertent sur la méconnaissance de la maladie.
« Tu vois le câble qui relie le PC et ton écran ? Imagine qu’un chat vienne le mordiller, jusqu’à que les fils conducteurs rompent et que tout se mette à bugger. C’est un peu ça la sclérose en plaques. » Colline a conçu cette métaphore ce jour de décembre 2020 où elle a été diagnostiquée de cette maladie chronique auto-immune affectant le système nerveux central. La veille, son chat avait grignoté le câble de son ordinateur, qui ne fonctionnait plus au grand dam de cette gameuse invétérée. Désormais, elle interprète cette bêtise féline comme un signe. Et a depuis rebaptisé le minou « Sclérosette ».
Tout a commencé par un geste anodin du quotidien, que cette trentenaire fait après chaque shampoing : relever ses cheveux dans la serviette. « Tout con hein ? Oui, mais non : je ne me sens pas bien, le monde tourne dans tous les sens, plus de repères, et j’ai plus aucun équilibre ! J'attends quelques jours que ça passe, en vain. Le mal de mer continuel. » C’est le début du cauchemar, quatre poussées (des crises de symptômes sévères) se suivent en neuf mois : elle a une forme « rémittente » de la maladie. La sclérose en plaques (SEP) se manifeste notamment par une fatigue extrême, des paralysies ou faiblesses musculaires, des troubles de l’équilibre, de la sensibilité, de la vision et cognitifs. Chaque tâche de la journée, travail, ménage, toilette, habillage, chaque sortie de loisir devient une épreuve.
Un diagnostic compliqué
La cause de ces nombreux symptômes est difficile à identifier pour les médecins généralistes. Ils attribuent parfois cela au stress, ou à d’autres maux temporaires. Les malades subissent alors une errance diagnostique, pouvant durer plusieurs années. C’est le cas de Morgane, étudiante toulousaine de 25 ans. Son diagnostic a été un grand soulagement : « J'avais enfin la réponse que j’attendais depuis de nombreuses années sur ce qui n’allait pas chez moi. J’avais des symptômes lourds depuis 2016 qui m’empêchaient souvent d’étudier ou de voir mes amis. » Un soulagement qui s’est vite mué en peur pour Pascal, 58 ans et atteint d’une forme progressive (sans poussées) depuis dix ans : « Cette maladie je ne la connaissais que de nom, je l’associais à quelque chose de grave et incurable comme la polio, et je me voyais déjà mort dans un fauteuil. » Aujourd’hui, il est devenu un expert de la SEP et participe à des actions de sensibilisation.
Ces trois patients réclament une meilleure formation des médecins sur le sujet pour faciliter le diagnostic et le traitement des malades. Ils regrettent la méconnaissance de la maladie dans la société, qui peut provoquer des attitudes désobligeantes : « Très souvent les gens m’arrêtent en me disant : “Bah alors ma p'tite dame qu’est-ce qui vous arrive ?” Puis quand je leur explique, j’ai le droit au “Je suis vraiment désolé pour vous”, comme si j’allais mourir demain. Je fais preuve de patience à chaque fois mais ça peut être pesant au quotidien. » Morgane, elle, a fait le choix de ne plus croiser les regards obliques des passants : « Au début j’en avais honte, surtout quand je n’avais pas de diagnostic. Maintenant, je l’ai accepté. Je marche bizarrement mais ça ne doit pas m’empêcher de sortir. »
Vaccin en vue ?
Moderna a annoncé il y a un mois le démarrage d’un essai clinique pour un vaccin à ARN messager contre le virus d'Epstein-Barr, qui aurait un lien de causalité avec la sclérose en plaques. Ce que certains patients récusent, comme Colline, puisque dans son cas elle n’a pas été infectée par le virus. La recherche sera longue et pourrait être prometteuse, mais Morgane préfère rester prudente : « L’avenir nous dira si en faisant ce fameux vaccin on verra beaucoup moins de cas de sclérose en plaques. C’est un espoir pour les autres personnes dans le futur. Mais je ne me fais pas d’illusion, on peut déchanter très vite. »
Rafaël Andraud
Édité par Emma Bougerol