Karin Ridell, spécialiste des pays scandinaves, analyse pour CUEJ.Info la victoire historique de la droite et de l’extrême droite aux législatives.
Karin Ridell, directrice du département des Études scandinaves et responsable de la licence LLCER en Études Nord-européennes a répondu à nos questions. Photo Cuej.Info / Charlotte Thïede
La bascule est historique. Jamais un gouvernement suédois ne s’était appuyé au parlement sur les extrémistes des Démocrates de Suède, vainqueurs des élections législatives avec 20,6 % des voix, prenant ainsi le rang de deuxième parti du pays. La droite et l’extrême droite alliées ont remporté 176 sièges, contre 173 pour la gauche sortante, au pouvoir depuis huit ans. « Nous allons remettre de l’ordre en Suède ! », a réagi le chef des modérés Ulf Kristersson. Karin Ridell, directrice du département des Études scandinaves et responsable de la licence LLCER en Études Nord-Européenne de Strasbourg analyse ces résultats.
Comment les Suédois ont-ils réagi à ces résultats historiques ?
La réaction fut différente de celle observée en France lors de l’élection présidentielle de 2002, qui avait vu accéder au second tour Jacques Chirac et Jean-Marie Le Pen. Ce n’est pas dans notre tradition de manifester. En revanche, il y a beaucoup d'inquiétudes pour l’avenir du pays. Les leaders des Verts ont vivement réagi sur les réseaux sociaux. Pour le moment, les Suédois sont dans l’optique de voir ce que cela va donner. Mais une chose est sûre, on est tous un peu bouleversés face à ces résultats.
En 2010, les Démocrates de Suède ont obtenu moins de 6 % des voix et sont entrés au Parlement. En moins de 12 ans, ils sont devenus le deuxième parti du pays. Qu’est-ce qui explique cette progression ?
Il y a plusieurs facteurs. Cela ressemble à ce qu’il se passe en France et plus largement le point de bascule a été 2015. Les discours autour de la crise migratoire et de l’intégration ont alors pris une certaine ampleur. Le parti de gauche social-démocrate suédois était un important mouvement politique au XXe siècle. Il a permis de mettre en place des réformes plus égalitaires pour un modèle scandinave harmonieux. Mais à la fin du XXe, la crise des années 90 et la tendance à la libéralisation de la société ont fait évoluer le modèle. Il y a eu beaucoup de coupes budgétaires et les gens ont souffert. En y ajoutant la crise migratoire et la délinquance, les idées xénophobes et anti-Union européenne ont proliféré.
Les partis de droite et d’extrême droite vont-ils avoir des difficultés pour former un gouvernement ?
Cela ne va pas être facile pour le chef du parti conservateur Ulf Kristersson de former un gouvernement, car il a besoin des Libéraux mais aussi des Démocrates de Suède. Ces derniers sont en très forte position et espèrent des postes. Tous les partis du bloc de droite vont devoir se mettre d’accord sur un modèle politique commun. Le leader des Démocrates de Suède, Jimmi Åkesson et son équipe ont travaillé sur l’image du parti pour le dédiaboliser. Ils se sont victimisés pour se mettre dans une position « personne ne veut travailler à nos côtés ». Je ne suis pas certaine que l’extrême droite puisse obtenir des portefeuilles au sein du gouvernement. Par contre, elle va se positionner en soutien du bloc de droite comme les partis populaires en Finlande ou au Danemark.
L’UE, dont la présidence sera assurée par la Suède en janvier prochain, doit-elle s’en inquiéter ?
Les Démocrates de Suède sont les seuls à s’opposer à l’Europe. Les trois autres partis de droite traditionnelle (Modérés, Chrétiens-démocrates et Libéraux) sont globalement europhiles. Et c’est ça qui va poser problème.
Charlotte Thiede
Édité par Luca Salvatore