Le débat a duré toute la nuit à l'Assemblée Nationale. Crédit Photo : Eric Feberberg/AFP
Après 22 heures de débats continus, la séance nocturne sur le projet de loi de mariage homosexuel a été levée lundi matin à 8 heures. L'examen du texte n'a guère avancé, il reste 3 211 amendements (sur un total de 5300) et 12 articles à examiner.
Des députés UMP ont demandé cette nuit à 1h30 de lever la séance. Demande rejetée par le Président de l'Assemblée nationale, Claude Bartolone. Ils ont reproché à la majorité de tenir des séances épuisantes. La majorité ayant refusé d'appliquer le temps programmé - qui écourte la durée des débats -, les discussions se sont éternisées parce que l'opposition, vent debout contre la réforme, a multiplié les amendements, souvent analogues et provocateurs. "La majorité n'a que le mot obstruction à la bouche et oublie ses 10 000 amendements sur la réforme des retraites !", a répondu sur twitter le vice-Président de l'Assemblée nationale, Marc Le Fur, lundi matin après la séance.
Sergio Coronado (Europe Écologie Les Verts) s'est amusé à tweeter toute la nuit. Il a aligné plus d'une centaine de tweets entre minuit et la fin de la séance ce matin pour commenter le débat mais aussi pour se moquer.
Les députés se sont opposés toute la nuit via le site de microblogging. Le départ de Dominique Bertinotti, ministre de la famille, a provoqué des commentaires acerbes. "Il est 4h10 , nous discutons de l'adoption dans le texte sur le mariage et la ministre de la famille est allée dormir", tweete Xavier Breton, député de l'Ain (UMP).
Les "batailles" autour de ce débat via twitter sont le cible de la critique du député UMP Philippe Gosselin. Il a demandé lundi après-midi au président de l'Assemblée nationale "une réflexion de fond" sur l'utilisation des réseaux sociaux, estimant que les tweets survenus depuis le début du débat sur le mariage homosexuel "polluent le travail parlementaire".
La dévolution de nom de famille
Après le vote de l'article 1 ouvrant le mariage aux couples homosexuels, le principal débat a porté sur la dévolution de nom de famille En cas d'absence ou de désaccord entre les deux parents, les deux noms seront donnés à l'enfant dans l'ordre alphabétique. Cet accolement automatique des deux noms des parents concernera tous les couples, homosexuels comme hétérosexuels. Les parents ont actuellement la possibilité de donner un double nom à l'enfant mais, en cas d'absence de choix chez un couple marié, c'est le nom du père qui s'impose. Hervé Mariton, député UMP, dénonce "une révolution masquée".
Philippe Gosselin (UMP) a pour sa part déclaré: "Vous retirez aux Français leur nom de famille mais vous noyez le poisson !", ajoutant: "Il est vrai qu'à 7h00 du matin, le poisson nage en eau trouble".
Débat sur la PMA reporté à l'automne
Dominique Bertinotti a relancé dimanche le débat sur la question de la procréation médicalement assistée (PMA). Interrogé sur ce sujet par Christian Jacob, président du groupe UMP, Dominique Bertinotti a répondu que "la procédure du comité national d'éthique, y compris celle des états généraux, n'est pas incompatible avec le calendrier annoncé par le gouvernement pour cette loi famille".
Jean-Marc Ayrault, actuellement en visite au Cambodge, a déclaré ce matin à Phnom Penh qu'il y aurait bien un projet de loi sur la famille incluant la procréation médicalement assistée (PMA), examiné "avant la fin de l'année", mais Matignon veut attendre l'avis du Conseil d'éthique : "Elle (Mme Bertinotti) ne peut pas dire cela dans la mesure où elle ne connaît pas la date de réponse du CCNE", a affirmé le Premier Ministre. L'UMP s'est immédiatement engouffrée dans la brèche pour dénoncer le "couac" du gouvernement et le "recadrage" de Dominique Bertinotti par Jean-Marc Ayrault.
Les débats se poursuivent depuis 16h00. Le débat sur l'article 2 qui porte sur l'adoption des enfants par des couples homosexuels a repris avant d'être adopté vers 18h00.
Les députés de gauche ont, à l'initiative du président de la commission des lois Jean-Jacques Urvoas (PS), voté lundi pour écourter la discussion sur la dévolution des noms de famille et passer ensuite à l'examen des amendements. Jean-Jacques Urvoas avait demandé à Claude Bartolone la clotûre du débat. 40 députés opposants ont vivement protesté contre cette décision.
Jean-Jacques Urvoas a invité l'opposition à retirer les 3 000 amendements en discussion pour faire avancer le débat et l'adoption de la loi. Le chef de file des députés PS, Bruno Le Roux, a déclaré soutenir la demande du président de la commission des lois. "Je me joins à la demande de M. Urvoas (...) pour que ceux qui nous suivent n'aient pas l'impression que l'Assemblée est une foire", a expliqué le député écologiste Sergio Coronado. Les députés sont passés aux amendements concernant l'article 3 du projet de loi.
Jusqu'au 12 février, les députés de l'Assemblée Nationale n'ont que ce projet de loi sur leur calendrier.
Elisa Heidenreich avec l'AFP