Il en avait fait l'un des axes de sa campagne présidentielle. Le 22 janvier 2012, lors de son discours du Bourget, François Hollande part en guerre contre un ennemi d'envergure. « Il n'a pas de nom, pas de visage, pas de parti, il ne présentera jamais sa candidature, tonne le candidat socialiste. Il ne sera donc pas élu et pourtant il gouverne: cet adversaire, c'est le monde de la finance. »
Près d'un an plus tard, la commission des Finances de l'Assemblée nationale a adopté mercredi 6 février le projet de « loi de séparation et de régulation des activités bancaires » du gouvernement. A noter que pas moins de 300 amendements ont été déposés – principalement par des députés de gauche – pour « muscler » le texte. Le même jour, le gouvernement allemand adoptait son équivalent. L'occasion de comparer les deux textes, jugés tous deux tièdes par une partie des gauches française et allemande.
• Préserver la banque universelle : Paris et Berlin ex-aequo
Une banque universelle regroupe toutes les activités d'une banque (crédit, dépôt, spéculation...) en une seule entité. BNP Paribas et la Deutsche Bank en sont les parfaites illustrations. Que ce soit en France ou en Allemagne, ce modèle est protégé par les gouvernements. Il est présenté comme un rempart face à l'imprévisibilité des cycles économiques.
• Deux réformes a minima
Les banques françaises n'auront qu'à isoler dans des filiales spécialement créées à cet effet leurs activités pour comptes propres, c'est-à-dire où la banque gère son propre argent et non pas celui de ses clients. La quasi-totalité des activités spéculatives ne seront pas cantonnées. Insuffisant aux yeux des écologistes qui ont déposé un amendement pour les séparer totalement des activités de dépôt. Sans succès. Quant aux banques allemandes, elles devront isoler leurs activités pour compte propre si et uniquement si la part de leurs activités risquées dépasse 20 % du bilan total ou équivaut à plus de 100 milliards d'euros. Cela ne concernerait que 10 à 12 banques.
• Liikanen enterré des deux côtés du Rhin
La banque universelle est cependant loin de faire l'unanimité, notamment au sein de l'Union européenne. Le rapport Liikanen, du nom du gouverneur de la Banque de Finlande, établissait des recommandations plus strictes. Commandé par la Commission européenne, il propose de cantonner dans une entité séparée une longue liste d'activités financières jugées à risque. Et devait servir de cadre de réflexion en vue de l'élaboration d'une directive européenne. Avec ces projets de loi, bien plus souples, Paris et Berlin l'ignorent ce rapport. La Commission elle-même a pris ses distances avec le texte fin janvier.
• La France cible les paradis fiscaux...
Le texte français obligera les banques à détailler leurs activités à l'étranger, paradis fiscaux inclus. Elles devront publier une liste de leurs activités pays par pays comprenant notamment le nom et la nature d'activité, le produit net bancaire et les effectifs en personne. Une mesure de transparence et de lutte contre les paradis fiscaux qui n'est pas à l'ordre du jour outre-Rhin.
• …Et l'Allemagne menace les banquiers de prison
Berlin a privilégié la méthode forte. Les dirigeants de banques ou des groupes d'assurances qui auraient pris délibérément des risques inconsidérés ayant entraîné des pertes encourront jusqu'à cinq ans d'emprisonnement. Paris n'envisage pas de les envoyer à l'ombre.
Raphaël Badache