Des extraits de l'avis du Conseil d'Etat sur le projet de loi du mariage pour tous, actuellement débattu à l'assemblée, se montrent assez critiques envers les imprécisions du texte.
Le Conseil d'Etat ne dit pas être contre la loi sur le mariage gay mais émet des réserves. C'est l'information révélée par les quotidiens La Croix et Le Figaro, qui se sont procurés le document de l'avis consultatif du Conseil d'Etat, rendu au gouvernement à l'automne.
Les députés UMP accusaient le gouvernement "de rétention" du document exposant l'avis du Conseil d'Etat sur le mariage pour tous. Dans l'hémicycle, ils réclamaient depuis mercredi que cet avis consultatif soit rendu public. La Garde des Sceaux faisait la sourde-oreille et entretenait ainsi la suspiscion des députés de droite. Les extraits publiés par la presse montrent que le Conseil d'Etat, s'il n'a pas publié d'avis défavorable à la loi, pointe avec sévérité plusieurs difficultés pratiques et techniques.
Dans la nuit du mercredi 6 février, le document du Conseil d'Etat s'est retrouvé au coeur des débats. Montage vidéo issu d'images de l'Assemblée nationale. A.C.
- Problèmes de terminologie
Le Conseil s'inquiète de "la valeur symbolique importante" des termes "mère" et "père", qui disparaitraient du le Code civil. Un amendement de la loi, postérieur à l'avis, devrait permettre de réintégrer ces mots.
- L'adoption, plus complexe sur le papier
Sur l'adoption, le Conseil emploie des mots forts : "Alors que la filiation est un élément essentiel d'identification pour chaque individu sur le plan tant biologique que social et juridique, l'état civil ainsi reconstitué mettra en évidence, par la référence à des parents de même sexe, la fiction juridique sur laquelle repose cette filiation." Comprenez : pour le Conseil, cette "filiation juridique" concerne tous les adoptés mais serait saillante pour les couples homosexuels.
- Ecarter la PMA et la GPA du texte
Concernant la filiation, la haute juridiction administrative observe qu'elle rendra "non seulement inévitable mais encore manifeste l'intervention d'un tiers", en laissant entendre que des problèmes pourraient survenir quant aux revendications de la tierce personne. En fait, l'institution estime que le projet de loi "remet en cause l'élément fondateur" qu'est le mariage et souhaite que les questions de PMA et GPA, "enjeux fondamentaux", soient écartées du débat. Le gouvernement a écouté ces conseils puisque l'ouverture de la PMA aux lesbiennes et légalisation de la GPA (pour les homos comme pour les hétéros) seront discutées dans une loi générale sur la famille à l'automne 2013.
- Pas de paternité juridique pour les couples homos
Autre chose, la présomption de paternité, "inhérente à la procréation au sein d'un couple composé de personnes de sexe différent", ne pourra pas être appliquée à un couple gay. Pour le Conseil, ce constat introduit "une différenciation irréductible" avec les enfants issus d'un couple hétéro. Aujourd'hui, pour les juges, le mari d'une femme qui met au monde un enfant est en effet présumé père de cet enfant et a donc des droits et devoirs légaux sur lui.
- Quid des mariés étrangers ?
Si un gay français se marie avec un gay étranger, ce dernier pourrait "être exposé à des sanctions prénales dans son pays d'origine", craint le Conseil d'Etat. Notamment dans les pays où l'homosexualité n'est pas encore dépénalisée.
- Un impact mal connu
"L'étude d'impact" lancée pour mesurer les conséquences financières, sociales et internationales du projet de loi comporte "des lacunes" selon le Conseil.
Problème, La Croix titre "« Mariage pour tous », les réserves du Conseil d’État" et Le Figaro, "le oui mais du Conseil d'Etat". Les deux journaux, plutôt opposés au projet de loi, ne s'attardent pas dans leur article sur ce que le Conseil d'Etat trouve positif dans ce mariage gay. Et offrent un rendu assez critique tout en assurant que le Conseil d'Etat "ne relève pas de dispositions manifestement contraires à la Constitution" (Le Figaro).
Anna Cuxac