La levée des restrictions concernant la limitation d'import de cigarettes risque de coûter cher aux caisses de l'Etat. A la Direction générale des douanes, les réactions restent discrètes.
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Les taxes perçues sur chaque paquet de cigarette vendu en France représentent une aide financière considérable, menacée aujourd'hui par le compromis obligatoire que doit signer l'Etat au nom de son appartenance à l'Union Européenne.
La libre-circulation des marchandises est l'un des principes phares du traité de Maastricht. Mais si, au nom de ce principe, la France doit cesser d'appliquer les règles de limitation des achats de cartouches, il se pourrait bien que ses finances en sortent perdantes. Car chaque paquet de cigarette acheté à l'étranger est autant d'argent en moins pour l'état. En attendant que la Cour européenne rende son arrêt sur ce cas, le 14 mars, et que le ministère du Budget français planche sur de nouvelles réglementations, l'apport réel des taxes prélevées sur le tabac en France pose question.
80 % de la somme d'un paquet reversée à l'état
Sur un paquet de cigarette classique à 6,10 euros, l'Etat prélève 80 %. Dans le détail, il s'agit d'un euro de TVA et de 3,92 euros de droits de consommation. Les buralistes gagnent 53 centimes, les fournisseurs 0,65 euros. En 2012, ces taxes ont rapporté 11,1 milliards d'euros de droits de consommation à l'Etat, ce qui équivaut à 16 % des recettes prélevées par la douane. De l'argent qui est directement et entièrement reversé dans les caisses d'assurance maladie.
A la Direction générale des douanes, un employé, qui préfère rester anonyme, tempère les sommes colossales amassées grâce aux taxes sur le tabac : « A part boucher une partie du trou de la sécurité sociale, je ne suis pas sûr que nous en sortions si gagnants que ça, puisque les conséquences sanitaires provoquées par la consommation de cigarettes sont autrement plus chères que nos recettes ». Sans chiffres exacts « à disposition », il explique : « Les décès, les assurances, les congés maladies représentent largement plus que les 11,1 milliards prélevés par la douane ».
Plus aussi que les 2 milliards d'euros que perd l'Etat avec le tabac acheté sous le manteau, ou hors-frontières, même si les autorités ont du mal à réellement chiffrer le trafic « hors-réseau ». Ce qui est sûr, c'est qu'ouvrir complètement les frontières et abandonner les restrictions actuelles permettrait de diminuer les organisations souterraines. Au moins sur ce point là, l'Etat en ressortirait gagnant.
« On n'a pas le choix de toutes façons »
Pour le reste, la Direction générale des douanes se montre fataliste. « C'est l'Europe, on n'a pas le choix de toutes façons, ici, on se contente d'appliquer les règles, et on se dit que par rapport aux consommateurs quotidiens en métropole, les fumeurs en voyage restent anecdotiques. » Sous-entendu : ceux qui fument déjà ne fumeront pas davantage, même si les prix des paquets de cigarettes dans les pays voisins restent plus intéressants, et qu'ils pourront, si l'arrêt est appliqué, importer un nombre illimité de cartouches. Des cartouches non-taxées par l'Etat français. Mais à la Direction des douanes, on préfère rester prudent. L'argent amassé par le tabac n'a jamais fait trop bonne image.
Lara Charmeil