Cet ouvrage ingénieux et ce savoir-faire artisanal sont voués à disparaître au profit d’une structure automatisée, un barrage à clapets contrôlé à distance par ordinateur. Un aménagement plus sécurisé et qui nécessite moins de main-d'œuvre. Le chantier, qui doit débuter en avril ou mai 2022, bénéficie d’un budget prévisionnel de trois millions d’euros.
“Allier la conservation du patrimoine et le style d’habitat d’aujourd’hui”
Face à l’essor de constructions modernes en béton et en acier, une bâtisse fait de la résistance. Au 2, rue des Fleurs, à deux pas du Conseil de l’Europe, se trouve la plus vieille habitation à colombages de la Robertsau. Érigée en 1686 par Hans Hahn, boucher et adjoint au maire, elle a été inscrite aux bâtiments historiques en 1984. “Je suis un descendant direct de la personne qui a construit la maison”, s’enorgueillit Claude Hieronimus, l’actuel propriétaire. Retraité de l’informatique, il a pris la décision de restaurer son bien en 2017. Le chantier devrait débuter au printemps 2022.
Un savoir-faire en voie de disparition
Passionné, Joël Dimblé connaît tous les secrets du fonctionnement de l’ouvrage, qui se situe au nord du pont Zaepfel, juste derrière la Cour européenne des Droits de l’Homme. Le principe est simple: des aiguilles en bois abaissées dans l’Ill régulent son niveau et son débit, leur nombre variable permettant à un volume d’eau plus ou moins important de quitter la ville. Un travail réalisé entièrement à la main, chaque jour, par les agents de VNF. L’avantage de ce système est sa précision: “Vous pouvez régler le niveau de l’eau au millimètre près”, développe Joël Dimblé. Il présente cependant un inconvénient: l’effort physique à fournir et le niveau de savoir-faire à acquérir. Joël Dimblé, lui, le maîtrise sur le bout des doigts. Tout juste après s’être aventuré sur le barrage pour retirer trois mètres d’aiguilles, soit 15 pièces, il explique qu’il "faut vraiment tirer d’un coup. Si on s’arrête, l’aiguille va être prise dans le courant et vous tirer vers l’avant”. D’où un équipement adéquat, composé d’un harnais de sécurité et d’un gilet de sauvetage en cas de chute. “Je ne sais pas si c’est à cause de ça que j’ai mal au dos”, sourit le barragiste.
Jacques Knecht a 18 ans quand il est incorporé de force dans la Wehrmacht avec son frère René. Originaires d’une famille de jardiniers installée à la Robertsau, ils sont rapidement séparés. Jacques entend parler de la Résistance et rejoint les Forces françaises de l’intérieur entre avril et juillet 1944. Lors de la bataille de Cheylard où il commande une trentaine de déserteurs de l’armée allemande, il est blessé et capturé, avant d’être fusillé le 21 février 1945.
Depuis juin 2020, les frères Knecht sont honorés par l’inscription de leur nom sur une plaque commémorative. Cette stèle installée au cimetière Saint-Louis, le plus vieux de Strasbourg, rend hommage aux 103 habitants de la Robertsau morts pour la France depuis 1939. Qu’ils soient soldats, civils ou Malgré-nous, il y a eu une “nécessité de les identifier pour lutter contre l’oubli”, insiste Jean Chuberre, président de comité local de l’association du Souvenir français.