Réalisme et abstraction
Valentine Plessy veut retranscrire au mieux l’apparence et les comportements de ses sujets d’étude. “Si j’ai fait plein de croquis des différentes attitudes d’un oiseau, je vais pouvoir choisir quelque chose qui m’a plu, le redétailler et mettre de la couleur.” Une étape durant laquelle elle utilise l’aquarelle ou le crayon.
Éliane Karakaya, elle, ne peint pas la réalité mais son ressenti. “J’ai toujours l’impression de marcher un peu sur le fil de l’abstraction.” Ses tableaux laissent suggérer les formes d’une forêt dont elle est proche, sans complètement les montrer. La peintre fabrique même ses propres couleurs à partir d’éléments récoltés dans les bois. Pour faire du fusain, elle utilise des mûres ou les restes d’un hêtre foudroyé. Mais elle tient à garder secrète la recette de son encre. “Elle a un pouvoir de diffusion assez particulier, elle va un peu où elle veut et je suis le chemin qu’elle prend. C’est vraiment le fil de mon inspiration.”
Tara Abeelack et Louison Fourment
Pour l'opposition, il faut consolider le travail de mémoire
En arrivant au pouvoir en mai 2020, la nouvelle maire EELV Jeanne Barseghian n’a pas désigné de référent au patrimoine mémoriel. Une rupture par rapport à ses prédécesseurs. L’association pouvait jusque-là compter sur un élu dédié, comme le colonel Aziz Meliani, adjoint en charge des anciens combattants et de l’intégration entre 1995 et 2001. Il est resté son interlocuteur privilégié en tant que conseiller municipal à la mémoire et la défense jusqu’à sa retraite en 2020.
Se baigner un matin de novembre dans une eau à 12 degrés? Nous l'avons fait!
Contrairement aux travaux rue Adler, “ce qu’on propose, ce n’est pas une création, c’est une restitution”, souligne Charlène Imbs, l’architecte du patrimoine qui travaille sur ce projet. Des années de diagnostics et de recherches documentaires ont permis de préparer cet ambitieux chantier. Comme les façades et la toiture sont inscrites, les travaux devront respecter les règles de préservation de l’ancien imposées par les Bâtiments de France. Pour les murs, “si on voit que c’est de la brique, on enlève, si c’est du torchis de bonne qualité, on garde”, explique Claude Hiéronimus. Une fois la restauration achevée, les murs se composeront d’un mélange de chaux et de chanvre, un matériau naturel proche de celui d’origine. L’ancien chef d’entreprise ne voit pas ces conditions de construction comme des contraintes, bien au contraire: “Il faut allier la conservation du patrimoine et le style d’habitat d’aujourd’hui.” En revanche, rue Adler, les techniques utilisées sont contemporaines: briques à l’intérieur, béton cellulaire pour calfeutrer les colombages.
Qu’il s’agisse de la restauration rue des Fleurs ou de la rénovation rue Adler, le budget dépasse largement le prix d’une construction classique.
“La forêt de la Robertsau est l’un des milieux les plus intéressants parce que très préservée et très riche”, apprécie Valentine Plessy. Cette illustratrice naturaliste strasbourgeoise va régulièrement chercher dans les 493 hectares de cette réserve naturelle l’objet de ses dessins: héron cendré, mulot, blaireau. Quand il ne fait pas trop froid, elle peut y passer une journée entière, carnet et crayons à la main. “C’est plus des notes que des dessins, c’est pour retenir quelque chose.” Croquis auxquels elle ajoute des annotations parce que son métier suppose “[d’]avoir des connaissances générales sur la faune et la flore”: ces travaux illustrent des propos scientifiques.
Elle n’est pas la seule à utiliser la forêt de la Robertsau pour nourrir son art. Éliane Karakaya, une autre quadragénaire, s’y rend tous les jours, parfois même dès 7 heures du matin, pour s’imprégner des brouillards flottants. C’est principalement là que la peintre de profession puise l’inspiration pour ses tableaux sur les forêts rhénanes.
Croquer la faune et la flore
“C’est ma forêt de cœur", confie l’artiste issue de la Haute école des arts du Rhin (Hear). Elle retourne souvent auprès de trois arbres qui la touchent particulièrement, un très vieux pommier, un peuplier noir, un grand chêne. Ils reviennent dans nombre de ses œuvres: un trait adroit d’encre noire pour le peuplier, une forme brune plus confuse à l’aquarelle pour le chêne, une courbe ocre décidée pour le pommier. Assise sur un banc ou perchée sur un observatoire à oiseaux, Éliane Karakaya s'imprègne le plus possible de “la vitalité que la forêt a en elle, son énergie”. Au crayon, elle croque ce qui l’inspire dans son carnet pour laisser libre cours à son imagination, une fois rentrée à son atelier.
"Là, je vais travailler sur un guide des balades pour Strasbourg. C’est typiquement l’occasion de me balader à la forêt de la Robertsau”, s’enthousiasme Valentine Plessy. Sur place, elle utilise son savoir pour identifier les animaux qu’elle guette. Si je cherche une libellule, je ne vais pas regarder n’importe où, je sais sur quel arbre elle va se poser, ce qu’elle va faire.” Mais elle ne peut pas toujours “travailler en direct”, la forêt de la Robertsau ne recelant pas toutes les espèces que lui demandent de dessiner les revues Salamandre et Terre Sauvage avec lesquelles elle collabore.
La gravière du Blauelsand attire toute l'année des Strasbourgeois qui veulent pratiquer la nature à bras le corps: en été, les naturistes y profitent du soleil, en hiver, les adeptes des bains glacés y bravent le froid.