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Des initiatives peu concluantes

 

Durant l’été 2019, la mairie a vainement essayé de rassembler les commerçants de Schiltigheim, lors d’une réunion pour “dynamiser l’activité touristique”. Le directeur de l’hôtel Le Forum, à l’entrée sud de la ville, se rappelle que peu de monde a répondu présent”. Pire, les commerçants s’accordent à dire “qu’il n’y a pas de visiteurs à Schiltigheim“. C’est le cas d‘Éric Ivens, nouveau propriétaire du Cheval Blanc, un restaurant situé dans la vieille ville. “Sur un mois, le nombre de touristes représente environ 2% de ma clientèle”, affirme-t-il. Les commerçants réussissent à faire tourner leurs entreprises uniquement avec la clientèle locale.

Va-et-vient municipal

Pendant la dernière décennie, les anciennes brasseries de la ville et les anciens sites industriels comme Quiri (froid artificiel) ou Caddie (chariots de supermarché) ont surtout été des bâtiments à l’abandon qui ternissaient l’image de la ville. Avec la multiplication des friches entre 2006 et 2013, les projets immobiliers ont fleuri, parfois au grand dam des habitants. C’est le cas des sept tours de sept étages, prévues en 2009 sur le terrain France Télécom. La forte mobilisation citoyenne aura finalement raison du projet. 

En 2011, un projet de zone d’aménagement concerté (ZAC), couvrant 11,8 hectares de friches industrielles, veut tenter d’harmoniser la réhabilitation du secteur. Mais l’équipe municipale suivante et son maire Jean-Marie Kutner (UDI) préfèrent finalement négocier au cas par cas avec les promoteurs immobiliers. “Bien que ce soit plus difficile à mettre en place, [la ZAC] aurait permis une gestion coordonnée du développement urbain”, explique Louisa Krause, présidente de l’association Col’Schick, qui lutte pour un urbanisme de qualité et cohérent à Schiltigheim. 

Plusieurs projets sont enfin mis sur les rails à partir de 2015. Dès 2018, les friches France Télécom et Quiri laissent la place aux nouveaux lotissements Quartz et Urban Side. Une urbanisation rapide qui ne fait pas l’unanimité. “Il y a eu un passage en force de Kutner, il a accordé un maximum de constructibilité”, souligne Louisa Krause à propos du projet Quartz. Un ensemble que Patrick Maciejewski estime “trop dense : il y a pratiquement 300 logements sur un hectare.” 

Aujourd'hui, le rythme des projets ralentit. Mais il faut désormais régler le manque de places de stationnement. Sur le quartier Fischer par exemple, en plus des 610 logements annoncés, sont aussi prévus une école, une librairie, et un cinéma MK2. “Tout ça sur un site de 5,5 hectares. Il est où le stationnement dans tout ça ? Parce qu’il n’y aura pas assez de parking”, critique Louisa Krause.

Le CMCO, un voisin incontournable

Le CMCO, un voisin incontournable

Le Merlenchanteur, un exemple de réussite

 

Mélanie, propriétaire de la maison d’hôte Le Merlenchanteur, dans le vieux Schilick, avait déjà pour ambition de “montrer l’histoire de l’Alsace”, quand elle s’est installée voilà seize ans. Les touristes viennent loger chez elle pour vivre une immersion dans une maison typique à colombages. Même si la majorité de ses clients choisissent son gîte pour sa proximité avec Strasbourg, Mélanie a à cœur de faire découvrir Schiltigheim : “Quand les gens arrivent, je les envoie manger à Storig, au Cheval Blanc et au marché couvert des Halles du Scilt. La ville a une très belle offre de cuisine alsacienne. Et les plats sont bien meilleurs qu’à Strasbourg.”

Développer le tourisme a aussi un coût. En témoigne la fermeture en juin dernier du Pixel Museum, seul musée de la ville, qui, malgré ses 75 000 visiteurs en trois ans, ne parvenait plus à rétablir son équilibre financier sans l'aide de la municipalité. L’inclusion de Schiltigheim dans l’Eurométropole l’empêche de profiter de certains financements de l’État. Notamment au titre du projet “Action cœur de ville”, mis en place en 2017 pour les villes moyennes ayant un potentiel d’attractivité touristique. Alain Kristofel, en charge du projet pour la ville de Haguenau, explique : “Schiltigheim n’aurait pas pu proposer sa candidature. Elle n’est pas indépendante de l’Eurométropole sur les problématiques de transport, de travail et d’habitation.”

Développer le tourisme a aussi un coût. En témoigne la fermeture en juin dernier du Pixel Museum, seul musée de la ville, qui, malgré ses 75 000 visiteurs en trois ans, ne parvenait plus à rétablir son équilibre financier sans l'aide de la municipalité. L’inclusion de Schiltigheim dans l’Eurométropole l’empêche de profiter de certains financements de l’État. Notamment au titre du projet “Action cœur de ville”, mis en place en 2017 pour les villes moyennes ayant un potentiel d’attractivité touristique. Alain Kristofel, en charge du projet pour la ville de Haguenau, explique : “Schiltigheim n’aurait pas pu proposer sa candidature. Elle n’est pas indépendante de l’Eurométropole sur les problématiques de transport, de travail et d’habitation.”

“Nous essayons de faire de Schiltigheim une ville touristique. Elle a d’énormes atouts et du potentiel indépendamment de Strasbourg, s’exclame Éric Elkouby, employé au service du tourisme à la mairie de Schiltigheim. Son poste, créé il y a deux ans, atteste d’une apparente volonté de développer l’attractivité de la ville.

 

Pour l’heure, l’ancien député, accompagné de l’adjointe chargée du tourisme et du patrimoine, Andrée Buchmann, essaie d’organiser des projets pour attirer de potentiels touristes. Leur première initiative a été de réhabiliter l’ancienne Ferme Linck. Tous les week-ends, elle ouvre ses portes pour une exposition permanente sur le passé industriel de la ville. En deux ans, le site a attiré environ 600 visiteurs. Un démarrage timide, mais “sans avoir fait de publicité”, précise Danielle Dambach, la maire de Schiltigheim.

Autrefois désignée comme “La cité des brasseurs”, Schiltigheim a vu ses cinq usines fermer les unes après les autres. Heineken, seule survivante, règne en colosse à l’entrée de la ville. La petite brasserie artisanale Storig, créée par un restaurateur strasbourgeois en 2005, contribue à perpétuer la tradition brassicole. Grâce à sa cuisine typiquement alsacienne et à ses visites guidées, elle réussit à attirer des amateurs de bière des villes alentour. Mais la brasserie, comme d’autres restaurants schilikois, peut aussi compter sur les sessions plénières du Parlement européen pour remplir ses tables. Un tourisme dit “corporate”, qui regroupe ponctuellement des groupes d’eurodéputés.

S'affranchir du tout logement

Lancés en 2018, les travaux sur le quartier Fischer s’étaleront au moins jusqu’en 2024. Mais les premiers logements et le groupe scolaire Simone-Veil devraient être livrés dès 2021. “Il y aura des accessions à la propriété pour des familles, des logements sociaux, une résidence intergénérationnelle, essentiellement pour des seniors, avec une crèche au rez-de-chaussée”, explique Philippe Kindo, directeur régional du promoteur Cogedim. 

Au rayon des friches, il reste encore l’ancienne brasserie Schutzenberger dont les projets sont au point mort depuis le décès de l’héritière en 2016. Mais cela n’empêche pas la mairie de penser à la reconversion. “Pourquoi pas créer un centre de balnéothérapie ou encore un musée de la bière car il n’y a aucun lieu sur notre territoire [de l’Eurométropole] dévolu à la bière”, imagine Andrée Buchmann. 

Après une période de construction tous azimuts sur ses anciens sites industriels, Schiltigheim essaye de trouver sa propre voie. En plus de mettre un frein au tout-logement, la conservation de son patrimoine pourrait même devenir un atout considérable pour le rayonnement de la ville, avec le développement du tourisme brassicole.

 Géraud Bouvrot et Nils Sabin

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