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Costume bleu marine et moustache blanche taillée à la Brassens, le style élégant de Muhammad tranche avec son histoire familiale douloureuse. La Nakba, il l’a vécue en fil rouge toute sa vie. Le quasi octogénaire est arrivé en Jordanie en 1948, à 2 ans, avec son père et son frère. Après des années dans une terrible précarité, leur sort s’est amélioré petit à petit. « Sans l’aide de l’Office de secours de l’ONU pour les réfugiés de Palestine, nous n’aurions pas survécu, raconte-t-il. Ils nous ont fourni des écoles et de l’aide alimentaire. »

Malgré la mort tragique de son frère, emporté par la rougeole, ­Muhammad et son père ont continué leur reconstruction. Ils ont tous les deux été naturalisés Jordaniens comme tous les Palestiniens de Cisjordanie arrivés lors de la Nakba. Malgré son âge, il a encore l’espoir de revenir sur ses terres palestiniennes. « Je pourrais habiter dans une tente ou même un petit nid », rigole-t-il. En attendant, il tient à transmettre son amour de la Palestine à toute sa descendance. « Je leur apprends à aimer notre terre au quotidien, en paix. Mais je ne suis pas dupe. Je leur raconte aussi les douleurs et les souffrances endurées par notre peuple. Ils doivent comprendre que nous avons perdu notre terre ! » 

Jean Lebreton

Muhammad Abedabho, 78 ans, a vécu la Nakba : « J’apprends à mes descendants à aimer notre terre au quotidien, en paix »

En tant que Gazaoui, Jamal n’a pas été naturalisé comme le sont la plupart des Cisjordaniens en Jordanie. © Jean Lebreton

Ces pannes obligent les habitants à adapter leur consommation en piochant dans leur réserve. Pour les plus petites fuites, charge à Mohamed Sammer de les réparer avec les moyens du bord. Quand ce n’est pas possible, il contacte le gouvernement « mais le problème, c’est que ça met souvent du temps », déplore-t-il.

Jamal s’assoit pour discuter avec Yassine, son voisin octogénaire. Il a quitté il y a dix ans la bande de Gaza, laissant sa mère, ses frères et ses oncles. L’homme de 30 ans s’est installé près de l’artère principale du camp de Jabal Al-Hussein, pour vendre quelques antiquités. « De la camelote », ­ironise Yassine. En tant que Gazaoui, Jamal n’a pas été naturalisé comme le sont la plupart des Cisjordaniens en Jordanie.

Il n’a pas le droit de posséder un commerce. Dans sa main, une pièce à l’effigie du roi Hussein. « Tout ce que je possède est dans cette poche. À part ça et Dieu, je n’ai rien. » Le vendeur est aussi contraint de renouveler son laissez-passer tous les deux ans. « Les Cisjordaniens peuvent aller à l’étranger. Nous, nous avons l’interdiction de voyager, sauf autorisation spéciale. Le monde entier ne nous voit que comme des réfugiés... Mais nous voulons être bien plus considérés. »

Jean Lebreton

Jamal, 30 ans, vendeur originaire de Gaza : « À part cette pièce et Dieu, je n'ai rien »

Arrivé d’Égypte où l’eau est bien moins rare, le gardien a dû adapter ses gestes. Éponge à la main, il se contente par exemple d’un seau pour laver quatre voitures en hiver. Et six en été. Parfois, même le « jour de l’eau », les cuves ne sont pas réapprovisionnées. « En fin d’année dernière, il y a eu un acte de sabotage dans les conduits qui relient le sud du pays à la capitale », se souvient-il.

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Nassim Al-Laham s'est installé dans le camp de Jabal Al-Hussein en 1967, il avait 3 ans. © Jean Lebreton

« Aqaba a tout ce qu’il faut : le soleil, la mer et le désert. La ville fait partie du triangle d’or avec le Wadi Rum et Petra. Notre objectif était qu’Aqaba devienne une plaque tournante mondiale », relate Fares Ajlouni, directeur du tourisme à l’Aseza. Cette vision est devenue réalité : la population d’Aqaba est passée de 88 000 habitants, au début du siècle, à plus de 240 000 aujourd’hui.

Un hôtel à moitié vide

En 2001, Aqaba a inauguré une zone économique spéciale pour « attirer des investisseurs et des touristes », indique-t-il. Pas de droits de douane, pas d’impôts sur le revenu pour les entreprises de transit et d’exportation, les exemptions fiscales et douanières sont nombreuses. Depuis cette création, le volume total des investissements s’élève à environ 26 milliards de JOD (34 milliards d’euros), principalement pour des projets touristiques et d’infrastructures.

Nassim Al-Laham, 60 ans, restaurateur dans un camp de réfugiés : « Je n’oublierai pas ma terre et ma patrie »

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