Une communication difficile
Au 1er étage du numéro 54, Monique peine à ouvrir la porte. Son déambulateur ne facilite pas la tâche tant le vestibule est étroit. Installée à la Canardière depuis 1988, elle déplore le départ de ses voisins. "On était depuis longtemps ensemble, c’est terrible." Mais Monique se montre optimiste. Elle pense qu'In’li lui attribuera un appartement aménagé, avec ascenseur, dans le quartier. Mieux encore : "On nous a promis d’avoir le même loyer avec la même superficie."
C’est pourtant loin d’être certain. Abdelkarim Ramdane, élu référent du quartier de la Meinau, affirme que la collectivité veut conserver les mêmes tarifs. "Mais on n'est pas le bailleur, on fait un travail avec lui pour essayer de reloger à la Canardière", ajoute t-il. Eric Chenderowsky reconnaît qu’une hausse des loyers aura bien lieu, mais qu’elle sera contrebalancée par une baisse des charges. Chauffage plus performant, logements mieux isolés : la collectivité promet que ces améliorations devraient alléger les factures des futurs locataires.
Lya Roisin--Pillot et Angellina Thieblemont
Créé en 2012, le cimetière public musulman situé dans le quartier de la Meinau ne cesse de s’agrandir. D’abord contraintes par la pandémie de Covid-19 puis par choix, de plus en plus de familles décident d’y inhumer leurs proches.
Prévus en 2025, les travaux doivent permettre de créer une piste bidirectionnelle de 3 à 3,5 mètres de largeur côté est en supprimant l’une des voies de circulation. La bande unidirectionnelle en direction d'Illkirch sera conservée. Avec une enveloppe de 5,7 millions d’euros de l’EMS et 520 000 euros de la Ville dédiée aux travaux de l’avenue de Colmar à la route de l'Hôpital, l'objectif affiché est de réduire le trafic, la vitesse des voitures et de favoriser les déplacements à vélo.
Des aménagements qui interrogent
Le projet est plutôt bien accueilli par les usagers. Pourtant le fait que les vélos se croisent sur la piste bidirectionnelle interroge. "Je ne suis pas trop pour les zones de contact, je trouve que c'est accidentogène", confie Nicolas, facteur à bicyclette depuis plus de quinze ans.
"Puisque la bande cyclable est dangereuse, les vélos se déportent sur le trottoir et là, ça devient gênant pour les piétons, surtout avec une poussette", regrette Agathe, une riveraine qui a l’habitude de promener sa fille dans le quartier.
"C’est une certitude, je ne roule pas avec des enfants sur l’avenue de Colmar. Les familles choisissent systématiquement de faire un détour", témoigne Somhack Limphakdy de l’association Strasbourg à vélo.
"Mes amis qui habitent à la Krutenau et qui veulent se rendre à Illkirch prennent le tram. Ils aimeraient venir à vélo mais c’est trop dangereux", renchérit Florian, alias J’trace à Stras.
Pour réduire l'exposition des cyclistes, la Ville et l’Eurométropole de Strasbourg mènent un projet de réaménagement. Inscrit dans le plan vélo 2022-2026, il prévoit de sécuriser les itinéraires cyclables des grands axes sud de Strasbourg, dont l’avenue de Colmar.
À 300 mètres de là, huit ans plus tôt, une cycliste s’est légèrement déportée pour éviter une camionnette mal stationnée. Au même moment, un camion benne a empiété sur la bande cyclable. La jeune femme de 25 ans a été happée sous les roues du poids lourd. Elle est décédée des suites de l’accident.
Avec plus de 19 000 voitures par jour en 2023 selon les chiffres de l’Eurométropole de Strasbourg (EMS), l’avenue de Colmar est particulièrement anxiogène pour les cyclistes. Première épreuve : circuler sur des bandes cyclables qui ne respectent pas les normes.
Selon le ministère de la Transition écologique et conformément aux recommandations du Cerema (Centre d'études et d'expertise sur les risques, la mobilité et l’aménagement), la largeur minimale d’une bande est de 1,5 mètre hors marquage. Un espace tampon de 0,5 mètre doit être prévu en cas de stationnement.
"J’ai compté 0,85 mètre de largeur", alerte Florian, jeune diplômé en urbanisme et détenteur du compte J’trace à Stras cumulant plus de 1 600 abonnés sur X (anciennement Twitter). Justement, sur l'avenue de Colmar, les places de parking jouxtent les voies cyclables. "Avec toutes les voitures garées, c'est tellement étroit que si l'une d'entre elles ouvre une portière, c'est dangereux", souligne Étienne, habitant du quartier Villas, son casque vissé sur la tête.
Des freins à l’usage du vélo
Moniteur à l’auto-école Class’Conduite implantée dans le quartier, Thierry n'emmène plus ses élèves sur cette artère pour des raisons sécuritaires. "C’est plus une avenue de formule 1 qu’autre chose !", lance-t-il. Les comportements risqués impactent tous les types d’usagers.
Le tram bondé s’apprête à quitter la station Émile-Mathis. Caché par la rame, Pascal retire l’antivol de sa monture accrochée aux rambardes métalliques. Ce mercredi après-midi sur l’avenue de Colmar, les moteurs vrombissent et la plupart des voitures dépassent nettement la limitation des 50 km/h. "Le problème, c’est les stationnements en double file et les camions qui mordent la ligne", avertit le cycliste en haussant la voix pour couvrir le bruit du trafic.