"Il y a besoin d’un renforcement du cadre légal"
D'autres voix, à l'inverse, réclament une régulation plus forte, autant au niveau de la mise sur le marché des IA que de la surveillance des données. Les Verts considèrent que la réglementation est vertueuse pour l'innovation dans cette industrie : "La régulation mène à l'innovation. Avec de nouvelles normes naissent de nouvelles réponses, affirme Petra de Sutter, l’eurodéputée belge. Une législation européenne pourrait être précurseure en matière de standards sur l’intelligence artificielle et pourrait inspirer la Chine et les États-Unis."
Représentant des consommateurs à Bruxelles, Johannes Kleis, directeur de la communication sur le numérique au Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC) détaille : "Le consommateur doit être informé dès qu’une donnée est utilisée, par qui et pourquoi. L’important c’est qu’un consommateur sache vers qui se tourner en cas de problème. C’est pourquoi il y a besoin d’une surveillance et d’un renforcement du cadre légal."
La balle est à présent dans le camp de la Commission. Les eurodéputés souhaitent voter une nouvelle réglementation d’ici à la fin 2020. Ils pourront alors juger si leurs demandes ont été entendues par l’exécutif européen.
Léo Bensimon et Guillaume Carlin
La droite et l’industrie des IA s’opposent à des mesures trop contraignantes
Malgré un consensus sur la nécessité d’instaurer une règle commune, c’est le niveau de régulation qui a été l’un des principaux points de divergence entre les parlementaires. Pour les groupes politiques libéraux et de droite, il est primordial d'éviter un surplus de législation du marché des IA, qui pourrait, selon eux, asphyxier la compétitivité. "L'Europe doit rattraper son retard d'investissement dans cette technologie, estime l’eurodéputé roumain Andrus Ansip (Renew Europe, centre libéral), nous n'avons pas le temps d’appliquer des normes pour réguler l'IA." Il propose que la réglementation varie en fonction des domaines concernés. Elle serait ainsi plus contraignante pour la justice et la médecine mais moins pour le commerce.
Les préoccupations des eurodéputés de droite sont proches de celles exprimées par DigitalEurope, qui représente les entreprises du numérique à Bruxelles. L'un de ses responsables, Jochen Mistiaen appelle ainsi à une "réglementation qui reste flexible". L'association qui porte notamment les intérêts d'Apple, Google, Amazon, Microsoft, Facebook juge toutefois que "le cadre actuel est suffisant. Il faudrait plutôt trouver ce qu’il est possible de faire avec les normes existantes : le règlement général sur la protection des données et la protection générale des consommateurs".
Responsabiliser les constructeurs, surveiller les données
Les parlementaires européens ont souhaité qu’un humain soit toujours responsable des préjudices que pourraient causer les systèmes automatisés. "Nous ne voulons pas que le constructeur dise : 'l’utilisation est à votre propre risque, cet objet n’est plus le mien'", insiste Petra De Sutter. En cas de désaccord avec une décision générée de manière autonome, l’utilisateur devra aussi, selon les députés européens, pouvoir identifier une personne physique ou morale qui en a la charge.
L’auteure de la résolution souligne aussi la nécessité d’utiliser des données de qualité. Sans cela, les citoyens européens risquent de subir les mêmes discriminations que celles observées chez Amazon. Entre 2014 et 2015 le groupe avait mis en place un algorithme, alimenté par des données de CV reçus par l'entreprise, qui classait le fait d’être une femme comme un critère négatif dans le processus de tri des candidatures. Selon les eurodéputés, il est impératif que les données utilisées soient représentatives de la société, issues de sources fiables, de manière à ne pas renforcer les inégalités déjà existantes.
Qui est responsable si une voiture autonome cause un accident ? Pour quelles raisons l’algorithme d’une banque refuse-t-elle un prêt ? Sur quelles données une intelligence artificielle (IA) se fonde-t-elle pour exclure un candidat à l’embauche ? Le développement des IA peut représenter une menace pour la protection des consommateurs. C’est pour cela que le Parlement a largement adopté, mercredi 12 février, une résolution afin de réclamer une meilleure régulation pour les IA.
Un vote qui intervient quelques jours avant la présentation de la stratégie sur l'intelligence artificielle de la Commission, prévue pour le 19 février. "On a voulu être plus rapide, pour que la Commission prenne en compte nos demandes lors de sa réflexion", explique Petra De Sutter (Les Verts), eurodéputée belge et auteure de la résolution.
Une liste de transition
Les Verts ont bien cherché à s'opposer aux projets afin de forcer la Commission européenne, à l’origine de la liste, à revoir sa copie. Mais leur proposition n’a bénéficié du soutien que de 169 eurodéputés, contre 443. La plupart d’entre eux défendent les projets gaziers, en mettant notamment en avant leur rôle de "technologie transitoire". "Un pays comme la Pologne qui doit mettre fin au charbon, a besoin de cette transition. Il serait donc irresponsable d’y renoncer", affirme l’eurodéputée allemande Angelika Niebler (PPE, droite). Une position partagée par Zdzisław Krasnodębski, vice-président de la commission Industrie (ECR, droite souverainiste) : “Il faut aussi s’intéresser aux pays d’Europe dont l’économie ne se porte pas très bien, pour faire preuve de bon sens.” Même si ces choix de PIC ont été approuvés par le Parlement, la Commission affirme avoir entendu les contestations. La nouvelle commissaire européenne à l’énergie, Kadri Simson, a promis de “renforcer la participation des députés lors des étapes clés du processus” et de tenir davantage compte des ambitions du pacte vert européen pour les futurs projets d’infrastructures énergétiques.
Nathan Bocard et Lucie Caillieret
Le choix de la France pour les européennes a été évident pour Sandro Gozi. "C’est un pays que j’aime beaucoup, que je connais bien, dans lequel j’ai étudié et travaillé. J’y ai des liens personnels et politiques très forts."
C’est donc en France, en 22e position sur la liste Renew Europe, du parti La République en marche, qu’il a choisi de briguer un mandat d’eurodéputé. Il attendait depuis mai 2019 le départ des eurodéputés britanniques pour entrer au Parlement. Originaire d’Emilie-Romagne, il est l’un des rares élus dans un pays dont il n’a pas la nationalité.
Au Parlement européen, il travaillera au sein de la commission des affaires constitutionnelles et de la commission du marché intérieur. Sandro Gozi souhaite participer à une réforme institutionnelle de l’Union européenne. Ce qui lui tient à cœur : instaurer des listes transnationales, et non plus nationales, pour les prochaines élections européennes de 2024.
Juliette Fumey
27 eurodéputés ont fait leur rentrée à Strasbourg après l’attribution de sièges libérés par les Britanniques. Parmi les cinq nouveaux eurodéputés élus en France : un Italien, Sandro Gozi.
Une liste sujette à débat
Mais le Trans Adriatic Pipeline est aussi le symbole des controverses qui ont entouré l’adoption de cette liste de PIC, contestée par certains eurodéputés. Pour Marie Toussaint, eurodéputée française (Verts), "c’est un type projet qui sort d’un autre âge". "29 milliards d’euros seraient nécessaires pour construire ces infrastructures gazières, alors qu’en même temps, les fonds sont difficiles à trouver pour financer le Green Deal", affirme-t-elle, en faisant référence au programme écologique porté par la nouvelle Commission von der Leyen. L’eurodéputée française s’appuie sur une étude du cabinet de conseil industriel Artélys : "L’argent qui va être dépensé dans ces projets gaziers est de l’argent inutile. Les infrastructures gazières, déjà aujourd’hui en place sur le territoire, suffisent largement et sont d’ailleurs sous-utilisées. La consommation de gaz de l’UE devrait aussi être amenée à décroître si l’on respecte nos engagements climatiques." Au-delà de son contenu, c’est la méthode de sélection des projets qui pose problème aux yeux de certains. Le député néerlandais Mohammed Chahim (S&D, socio-démocrate), déplore ainsi que les parlementaires ne puissent “qu’accepter ou s’opposer à cette liste dans son intégralité”, sans possibilité de l’amender. “Ce débat aurait pu être évité si la Commission européenne préparait les listes en accord avec le Parlement européen”, renchérit son collègue espagnol Gonzalez Casares, lui aussi membre du groupe S&D.
Il part de la frontière turque pour traverser la Grèce, l’Albanie, puis la mer Adriatique, avant d’atteindre l’Italie. Voilà le trajet, long de 878 kilomètres, que parcourt le Trans Adriatic Pipeline (TAP). Opérationnel dans le courant de l’année 2020 et connecté au Gazoduc transanatolien, il acheminera jusqu’à 16 milliards de mètres cube de gaz par an jusqu’aux sud de l’Europe. Il fait partie de la liste des 151 "Projets d’Intérêt Commun" (PIC) qui ont été approuvés mercredi 12 février par le Parlement européen, à Strasbourg. À ce titre, il pourra bénéficier de procédures administratives accélérées voire de financements européens. Pour obtenir ces avantages, les infrastructures énergétiques doivent respecter plusieurs critères comme l’obligation de participer à la sécurité énergétique d’au moins deux États membres, ou de contribuer à réduire les émissions de CO2.