Malgré les violations répétées des droits de l'homme au Kazakhstan, qu'il déplore, le Parlement européen considère le pays du président à vie Nazarbaïev, comme un partenaire majeur pour l'Union Européenne en Asie centrale.
A main levée, les députés européens réunis jeudi à Strasbourg ont adopté une résolution demandant au Kazakhstan, premier producteur d'uranium au monde, et gros exportateur de pétrole, une l'enquête impartiale sur la mort d'au moins 17 manifestants en décembre, et le respect des libertés de presse, d'opinon et de religion.
Les parlementaires européens demandent la tenue d'une enquête ouverte et objective sur les tueries de Zhanaozen, soulignant la nécessité de faire intervenir les enquêteurs internationaux. Le 16 décembre dernier, jour de la fête de l’indépendance du Kazakhstan, des affrontements entre manifestants et forces de l’ordre ont fait, dans cette ville de l'extrême ouest du pays, 17 morts selon le gouvernement, 60 et près de 200 blessées selon l'opposition. Des ouvriers de l’industrie pétrolière en grève depuis six mois pour dénoncer des salaires trop bas et des licenciements abusifs, avaient organisé une manifestation sur la place principale de le ville. Selon la version officielle, certains des manifestants ont commencé à détruire des stands pour la fête et à incendier des bâtiments proches. La police a répondu en tirant à balles réelles.
479 organisations religieuses interdites
Autre objet d'indignation: la restriction des libertés de presse et d'opinion ainsi que l'absence d'opposition politique. Le chef du parti non-autorisé Alga, Vladimir Kozlov est emprisonné depuis janvier. Il est accusé d'avoir incité à la violence les ouvriers pétroliers grévistes du 16 décembre. Le parti Azat, ainsi que le mouvement socialiste du Kazakhstan, font eux aussi l'objet d'une répression accrue, depuis deux mois, à l'instar des médias indépendants, en particulier les journaux Vzglyad , Golos Republik et Respublika , ainsi que la chaîne de télévision par satellite STAN TV. 125 sites internet sont également bloqués a souligné la députée française Nicole Kiil-Nielsen (Verts) et le pays est désormais "sous surveillance" sur la liste des "ennemis d'internet" établie par Reporters sans frontières.
La situation n'est pas meilleure pour la liberté religieuse. En septembre 2011, les autorités kazakhs ont adopté une loi obligeant tous les groupes religieux à se ré-enregistrer, « interdisant 479 organisations religieuses dont des sectes mais encourageant la persécution des chrétiens », selon le néerlandais Bastiaan Belder (EFD).
Starsbourg prie donc instamment les autorités kazakhes de respecter davantage, à brève échéance, les libertés de réunion, d'association, d'expression et de religion tout en se félicitant de la libération provisoire le 7 mars, après neuf mois d'emprisonnement, de Natalia Sokolova, avocate des syndicats du secteur pétrolier.
Anastasia Sedukhina et David Métreau
Le changement de coprésidence de la France à l’UE est-il le résultat de la victoire de l’Allemagne ?
On peut faire cette lecture là, mais je pense que c’est erroné. C’était très pertinent de prévoir cette union seulement pour les riverains de la Méditerranée. Mais dès le départ il y a eu un manque de concertation avec l’UE, et rien de précis concernant les liens avec l’UE. L’Allemagne a donc eu une réaction logique en voulant être intégrée au processus.
La réussite de l’UpM ne dépend elle pas toujours de l’évolution du conflit Israëlo-palestinien ?
L’UpM peut exister malgré ce conflit si on fait preuve de pragmatisme et qu’on met les moyens pour mener à bien les projets. L’Assemblée parlementaire de l’UpM reste la seule instance ou des représentants arabes et israéliens sont assis côte à côte. On peut réaliser une politique méditerranéenne ambitieuse avec des changements importants dans le processus de dialogue.
Quel est l’impact du printemps arabe sur l’UpM ?
Les révoltes dans le monde arabe ont posé un problème politique majeur pour nous. En politique, les symboles sont très importants. La présence de Moubarak, Kadhafi et consorts à Paris est un symbole dont il sera difficile de se défaire. Encore une fois, l’Union pour la Méditerranée a mal commencé. Aujourd’hui il lui faut retrouver une légitimité dans le monde arabe.
L'UpM en trois questions
> Combien de membres au sein de l'UpM ?
L'UpM regroupe 43 pays : les 27 de l'Union européenne, la Turquie, Israël et les pays arabes riverains de la Méditerranée. Soit un total de 800 millions de personnes.
> Qui est son secrétaire général ?
Il s'agit de Fathallah Sijilmassi. Marocain, il a succédé à l'un de ses compatriotes, Youssef Amrani. Elu mi-février, il est le troisième secrétaire général de l'UpM en l'espace de deux ans.
> Qui pour succéder à l'Egypte à la coprésidence ?
Le Maroc est la Jordanie sont pressentis pour prendre la tête de la rive sud de l'UpM. Amman tient toutefois la corde, bien qu'elle ne soit pas riveraine de la Méditerranée.
Au sommet de Paris en 2008, Nicolas Sarkozy avec Bachar Al-Assad et Hosni Moubarak (DR)
C'était l'un des engagements de campagne du candidat Sarkozy. Le 7 février 2007, lors d'un meeting à Toulon, Nicolas Sarkozy évoque pour la première fois l'idée d'une "Union Méditerranée." L'objectif: établir un partenariat égalitaire entre les pays bordés par la Méditerranée - et uniquement ceux-ci. Un projet auquel ne goûte pas l'Allemagne, qui s'insurge contre cette volonté de couper l'Union européenne en deux. Après d'âpres négociations, un compromis est trouvé entre Paris et Berlin. L'"Union pour la Méditerranée" regroupera finalement tous les pays membres de l'UE. L'institution imaginée par Nicolas Sarkozy est morte-née.
La démocratie oubliée
Qu'importe. L'UpM est lancée en grande pompe à Paris, en juillet 2008, en même temps que le début de la présidence française au Conseil de l'Union. Le tapis rouge élyséen est foulé par les leaders les plus controversés de la région – Kadhafi excepté. Au premier rang d'entre eux : l'Egyptien Hosni Moubarak et le Syrien Bachar al-Assad. Quatre ans plus tard, le premier est jugé par la justice de son pays et encourt une condamnation à mort, le second massacre son peuple...
Le Sommet de Paris est l'occasion d'annoncer une feuille de route pour l'avenir. Des grands projets d'investissement sont annoncés dans les transports, l'éducation et l'environnement. Silence total sur les questions des droits de l'homme ou de démocratie. L'UpM ne poursuit donc qu'un objectif de partenariat économique. L'apparition de la crise financière, qui provoque une diminution des échanges commerciaux Nord-Sud, plombe le projet français.
Paralysée par le conflit israélo-palestinien
Aux difficultés économiques s'ajoute le charbon ardent israélien. Contre les conseils du quai d'Orsay, Nicolas Sarkozy fait tout pour intégrer Israël à l'Union pour la Méditerranée. Malgré l'opposition farouche de la plupart des pays arabes, le président de la République y parvient. Mais le 27 décembre 2008, l'Etat hébreu lance par surprise l'opération "Plomb durci". Trois semaines de bombardements et une offensive terrestre dans la bande de Gaza provoquent un tollé international. Les rares pays du sud de la Méditerranée entretenant des relations diplomatiques avec Israël coupent tout contact. Seulement six mois après le lancement de l'UpM, il devient donc impossible de la faire fonctionner. Exemple de cette inertie: son site internet non mis à jour, et inaccessible aux arabophones et francophones.
Silence coupable
Malgré ce contexte géopolitique délétère, la France annonce par surprise, en mai 2010, la création d'Inframed, un fonds d'investissement qui doit financer les chantiers de l'Union pour la Méditerranée. L'enveloppe allouée s'élève à 385 millions d'euros, Paris visant à terme le milliard d'euros. Cette nouvelle dynamique s'avère n'être qu'un feu de paille, stoppée net par les révoltes arabes. Tout au long du "Printemps arabe", l'UpM brillera par son absence et surtout son silence. Mais que dire lorsque l'on s'est prêté à des concessions récurrentes vis-à-vis des régimes dictatoriaux syrien, égyptien, libyen ou encore tunisien? Comble de l'absurde: la soif démocratique des peuples sud-méditerranéens s'oppose aux intérêts de l'UpM.
Raphaël Badache et Thibaud Métais