La zone euro connaît une hausse généralisée de ses prix. Guerre en Ukraine, coût d’emballages, reprise post-Covid… Ces phénomènes expliquent en partie l’inflation de 9,1% dans la zone euro. Face à la crise, retour sur les leviers disponibles pour endiguer cet emballement.
L’année 2022 s’inscrit dans un contexte économique mouvementé. La dépréciation de l’euro face au dollar cumulée à la crise énergétique se répercute directement sur le porte-monnaie des ménages. Cette situation préoccupante mobilise les institutions budgétaires et les gouvernements européens. La Banque centrale européenne (BCE) et les différents États disposent d’une multitude de moyens pour freiner l’inflation. Pour Cuej.Info, Théodore Laurent livre une partie des solutions.
« J’ai vu et vécu tellement d’agressions sexistes ou sexuelles que je n’en ai presque plus de souvenirs. » Clara*, 25 ans, témoigne, presque résignée. La jeune femme quitte la file d’attente interminable devant l’agence commerciale de la Compagnie des transports strasbourgeois (CTS) pour se livrer, « c’est important d’en parler ». À côté, l’association Dis bonjour sale pute tient un stand pour sensibiliser les usagers des transports en commun aux violences sexistes et sexuelles dans les transports. La jeune femme égrène les situations de harcèlement ou d’agression auxquelles elle a assisté et qu’elle a vécues dans les transports en commun, une énumération presque interminable. Des « hommes collants » dans le tramway quand elle était mineure, des « dragueurs lourds » qui insistent pour avoir son numéro, un « mec » qui faisait délibérément le même trajet qu’elle dans l’unique but de la filer, un « type louche » qui la suit en sortant du métro parisien…
« Il y a quelques années, un gars s’est assis à côté de moi dans le tram et a insisté pour avoir mon numéro. À l’époque, c’était presque normal et j’étais timide. Je n’ai pas osé dire non. » Sa timidité l’a aussi parfois empêchée d’agir en tant que témoin. Elle relate une scène qui l’a perturbée, dans le métro lyonnais. Un homme se rapproche alors d’une femme qui semble gênée par son comportement. Il écarte les jambes, lui parle à voix basse, se lève pour lui tourner autour. Elle ne répond pas. « Charpennes – Charles-Hernu », c’est l’arrêt de Clara. Elle quitte la rame la boule au ventre de ne pas avoir su analyser la situation à temps pour intervenir.
Un « sauvetage »
Aujourd’hui, Clara assure qu’elle ne se laisserait plus intimider. D’autant que le harcèlement ne s’est jamais arrêté. « Il y a trois jours, je disais à mon copain que j’étais sûre que je me ferais encore agresser. Le lendemain, je m’abritais de la tempête près du tram Étoile-Bourse. Un homme se colle à moi. Je décide de m’éloigner et d’attendre près de la gare routière. Il me suit encore et me colle. Je m’abrite dans l’entrée des toilettes. Il campe juste devant, à 1 m de moi. Heureusement qu’une femme était à l’intérieur et parlait fort au téléphone, je pense que ça l’a empêché d’entrer... »
Elle se souvient, avec une pointe d’humour, d’un « sauvetage » inopiné. Dans le tramway montpellierain, un homme, la cinquantaine, l’aborde avec véhémence, mais la jeune femme reste sidérée. Une autre passagère, qu’elle connaissait déjà vaguement, s’approche de la scène, prend la main de Clara et lui dit « ça va ma chérie ? On y va ? ». Elle l’éloigne de l’homme qui abandonne sa victime. La tension retombe.
« S’adresser à la victime comme si on la connaissait »
Cette témoin d’une scène de harcèlement a eu les bons réflexes : divertir et dialoguer. Deux des cinq attitudes à adopter dans de telles situations, comme le préconise l’association Dis bonjour sale pute, fondée par Emanouela Todorova. « On est là pour sensibiliser ceux qui ne savent pas que ça arrive et donner les moyens de réagir à ceux qui en sont déjà conscients », développe Manon Schoenberger, co-responsable du pôle graphisme de l’association. Celle-ci avance un chiffre effarant : 100 % des femmes utilisant les transports y ont vécu une agression sexiste ou sexuelle. Sachet de bonbons à la main, elle approche les clients qui prennent leur mal en patience dans la longue file d’attente devant le point de vente CTS.
« Bonjour vous voulez des bonbons ? » Ça ne se refuse pas. « Vous avez un petit moment à m’accorder ? » Quitte à attendre, autant papoter. Manon interroge les personnes sur leur expérience, en tant que victime ou témoin. Ensuite, elle leur confie un « harcèlomètre » : un graphique, mis au point par Dis bonjour sale pute, qui permet de jauger de la qualité du trajet. Il sera bientôt affiché dans tous les bus et tram du réseau CTS.
Reste l’écueil du genre. Dans sa chronique hebdomadaire sur France 3 Alsace, Cyrielle Knoepfel ironise : « Un homme drôle, c’est sexy, une femme drôle… c’est drôle ». Même si les lignes bougent, le métier demeure majoritairement masculin. Les femmes seraient-elles victimes de la vieille antienne leur conférant moins d’humour que leurs homologues masculins ? « Nous avons beaucoup moins confiance en nous de base, alors qu’aux hommes, on apprend depuis tout petit à croire en ce qu’ils font. Monter sur scène m’a pris des plombes, je ne me sentais pas légitime alors qu’autour de moi, mes potes mecs n’hésitaient pas à passer le pas. » A ce soupçon d’autocensure mâtinée d’insécurités (« Des complexes, on en a plein. Sinon on ferait pas ce métier », lance-t-elle sur France 3) ajoutez une pincée d’entre soi : « Il y a aussi l’effet boys-club, conscient ou pas d’ailleurs. Sur les plateaux, les mecs font jouer des mecs et il faut un peu leur rappeler que des filles humoristes, il y en a plein ! ».
Et de plus en plus. Depuis quelques années, la vague de stand-up apparue aux Etats-Unis déferle sur la France, pour le meilleur et pour le pire : « Quand j’ai commencé en 2018, il n’y avait qu’une seule scène à Strasbourg. Aujourd’hui il doit y en avoir une dizaine. J’ai presque l’impression qu’il y en a une nouvelle chaque jour ! Il y a des gens qui se lancent parce qu’ils y croient vraiment, sont passionnés. D’autres surfent sur la mode du stand-up et produisent des choses d’un peu moins bonne qualité », dit-elle. Ses QG, ce sont le Strasbourg Comedy Club, la Péniche Mécanique ou le Blue Note Café. A Paris, elle a joué au Paname Comedy Club et au Café Oscar.
Des chroniques hebdomadaires sur France 3 Alsace
Mais vous pouvez aussi entendre sa voix dans une chronique sur les ondes de Radio Bienvenue Strasbourg, ou chaque vendredi matin sur France 3 Alsace. « A la télé, j’ai un thème et un timing imposé, c’est un exercice très calibré. C'est un bon exercice car le stand-up est un métier où tu as l’impression d’avoir énormément de libertés alors qu’en fait il faut être super organisé et droit. » Si son parcours n’a pas été rectiligne, voilà quelques mois maintenant que l’humoriste est devenue intermittente du spectacle à temps plein. Une forme de stabilité tardive pour celle qui « ne coche aucune case » à 37 ans : ni le mariage, ni la maison, ni le chien...
Ballottée entre Strasbourg et Paris, Cyrielle Knoepfel se forme au théâtre classique, contemporain, et d’improvisation (qu’elle pratique depuis 7 ans) à l’atelier Juliette Moltes implanté dans la capitale. Elle y apprend les grands textes : « C’est pas trop ma came, mais c’est une base géniale pour la diction, le phrasé… » En ce moment, Tartuffe la mobilise. Sans doute la fausse pudeur du héros éponyme rappelle-t-elle à l’humoriste une partie de sa vie de stand-uppeuse. « Sur scène, je parle souvent de sexe, mais sans jamais dire de gros mots. Pourtant, il m’est arrivé que des mecs viennent me dire à la fin ‘Dis donc, c’est vulgaire quand même !’ alors que ce type de réactions n’est jamais arrivé à mes potes humoristes mecs. » Couvrez cette sexualité féminine que l’on ne saurait voir. Le féminisme a encore de beaux jours devant lui. Mais ça, elle « en parle dans [s]on spectacle ».
Louise Llavori
Édité par Quentin Celet
« D’ailleurs, ça, j’en parle dans mon spectacle ! » La phrase, lancée avec verve par Cyrielle Knoepfel, revient souvent au cours de notre rencontre avec l’humoriste strasbourgeoise. C’est qu’évoquer sa vie, pour la trentenaire, c’est aussi évoquer son art. Ses sketchs, bien rodés sur les planches de la capitale alsacienne, sont certifiés AOP, avec des vrais morceaux de vie dedans : « Je parle beaucoup de moi sur scène, du célibat, du couple, de ce que c’est qu’être une femme et aussi du fait de devenir comédienne quand on est plus dans la vingtaine… »
Car Cyrielle Knoepfel a 37 ans. Vingt ans en arrière, le bac en poche, l’alsacienne s’est d’abord dirigée vers un BTS Commerce avant d’enchaîner les jobs dans la banque, la restauration ou encore l’hôtellerie. Puis, en janvier 2020 (« Pile avant le Covid : j’ai eu du nez ») la chenille devient papillon : « Finalement, la pandémie m’a permis de faire le point et j’en suis revenue encore plus motivée pour me lancer vraiment dans le stand-up ».
« On oublie souvent que le métier d'humoriste demande énormément de travail »
Si rien ne la prédestinait à devenir comédienne, elle a passé son enfance puis son adolescence devant les sketchs de Jamel Debbouze, Éric et Ramzy ou Florence Foresti. « Je trouve ça tellement génial de faire rire les gens, ça te confère une sorte de pouvoir : quand je fais marrer mes potes, je suis trop contente ! Et c’est sans doute cliché mais en ce moment, on a tous vraiment besoin de rire. » Aujourd’hui, ses références ont changé : « Je regarde énormément ce qui se fait aux Etats-Unis : Taylor Tomlinson, Ricky Gervais, Whitney Cummings… et ici les boss, c’est Marina Rollman et Yacine Belhousse », sourit-elle, admirative. Elle a d’ailleurs suivi une masterclass avec le dernier pour perfectionner son écriture.
« Car oui, il y a des techniques d’écriture », rappelle la stand-uppeuse. « On oublie souvent que le métier d’humoriste demande énormément de travail, la réalité est assez éloignée des paillettes. » Du travail, une « remise en question permanente »… et beaucoup de courage. Pour la « grande traqueuse » qu’elle admet être, monter sur scène n’a pas toujours été une partie de plaisir : « Au début, chaque scène était une torture, je me demandais ‘Pourquoi je ne suis pas dans mon canapé, pourquoi je ne suis pas dans le public ?’ Et puis plus tu travailles tes textes plus tu les aimes, et plus tu crois en ce que tu dis plus le trac disparaît ! »