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Sur une scène flambant neuve entourée de lourds rideaux noirs, les danseurs de la compagnie Marino Vanna répètent. Cinq corps s’entremêlent au rythme d’une douce musique et de mouvements lents. Ces jeunes artistes sont les premiers à fouler les planches de la nouvelle salle de spectacle la Pokop située au sein de la cité universitaire Paul-Appell à Strasbourg. Invitée par le service universitaire culturel et le dispositif Carte culture, la jeune compagnie, créée à l’été 2020 par Marino Vanna et Marion Fourquet, profite d’une semaine de résidence de création chorégraphique pour peaufiner sa première pièce originale Man’s Madness. Les danseurs inaugureront la nouvelle salle avec une restitution publique de création le 11 février.

« Le troisième jour d’une résidence, c’est souvent le plus dur, on est au milieu du marathon », admet Sandy, la danseuse du quatuor. Comme chaque matin, la petite équipe se retrouve dans ce qui était, il y a encore quelques années, le gymnase Paul-Collomp. Enrobés d’une odeur de peinture fraîche, les danseurs s’échauffent avant une intense après-midi de création. Joël, grand gaillard à la peau noire, enchaîne des mouvements au sol puis esquisse de petits pas de danse. Sa spécialité : le popping. Une danse fondée sur la contraction et la décontraction des muscles au rythme de la musique. Sandy, elle, est étendue par terre, les yeux fermés, et effectue de légers balancements, ses interminables cheveux blonds jonchent le sol. « Mon truc, c’est la danse contemporaine et le cabaret. On a tous des styles et des physiques très différents, mais quand on est ensemble ça fonctionne super bien », sourit la jeune femme. 

Du break dance au classique

La pièce Man’s Madness mêle différents styles, de la danse traditionnelle cambodgienne au break dance en passant par le classique, pour refléter la « folie de l’homme, inspirée par ces deux années de pandémie ». En perpétuelle co-construction depuis un an et demi, chaque interprète participe à l’écriture chorégraphique. « Rien n’est imposé à l’avance par le chorégraphe. Il part d’un mouvement, puis le déconstruit, l’associe à un autre. Il y a une trame commune mais chacun peut apporter sa patte. Chaque jour, on ajoute une ou deux minutes au projet final, le but est d’arriver à cinquante minutes pour la restitution de vendredi », explique Marion Fourquet.

C’est avec ce projet artistique ambitieux que la Pokop accueillera ses premiers spectateurs le 11 février à 19 heures dans ses 200 nouveaux sièges rouges pétants. Une production et une représentation qui s’inscrivent dans le cœur de cible de ce nouveau lieu culturel strasbourgeois qui entend valoriser la jeune création. « L’objectif est de promouvoir l’émergence artistique et l’expérimentation d’artistes ou de compagnies peu connus », appuie Charlotte Arlen, chargée de communication au SUAC, qui co-gère le lieu. Un tremplin pour des jeunes pousses du spectacle vivant mais aussi un moyen de donner accès à la culture aux étudiants grâce à des prix abordables. Comptez 2 euros pour une place étudiante et 8 euros en plein tarif, de quoi donner envie de troquer Netflix pour les planches.

Iris Bronner

La qualité est un critère très souvent oublié de la précarité alimentaire. © Mack Male

« La Chine est un pays totalitaire, donc les autorités arrivent à tout cacher ». Étudiantes et membres de l’organisation Strasbourg For Uyghurs, Melissa et Fairouz sont encore indignées après la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques d’Hiver de Pékin, qui s'est tenue le 4 février. Lors de celle-ci, une skieuse de fond Ouïghoure, Dinigeer Yilamujiang, a été choisie pour allumer la flamme olympique dans le stade du « Nid d’Oiseau » de Pékin. Les deux jeunes femmes dénoncent une mise en scène. « C’est Xi Jinping [Président Chinois, NDLR] qui nous rit au nez. Cette sportive est totalement assimilée à la culture chinoise, elle n’a aucune culture ouïghoure », analyse Fairouz. 

Faire diversion de la crise humanitaire 

Selon l’ONG World Uyghur Congress, cette minorité ethnique musulmane de la région du Xinjiang, en Chine, est persécutée par le gouvernement depuis 2017. Sous prétexte qu’ils représentent une menace terroriste, environ un million de Ouïghours sont détenus dans des camps d’internement, ou camps de « rééducation » selon les termes du Parti Communiste Chinois (PCC). Ceux qui en ressortent témoignent d'endoctrinement politique mais aussi de séparation forcée de leur famille, voire de torture. Résolue à détourner le regard du monde de cette situation régulièrement qualifiée de « génocide », la Chine a donc tenté de se défendre en mettant sa jeune athlète Ouïghoure sur les devants de la scène.

Pour les deux étudiantes, ce geste du PCC reste vide de sens. « C’est très facile de manipuler, souligne Melissa. Les femmes Ouïghoures ont une tenue vestimentaire spécifique. Pendant la cérémonie, ils ont montré la famille de Dinigeer sur un écran, mais pas une femme ne portait le foulard ». Le compte Instagram de l'athlète de 20 ans est, de plus, très soigné. En presque quatre ans, une quinzaine de publications ne montre que du ski et des drapeaux chinois.

Un manque de réaction

Le collectif Strasbourg for Uyghurs déplore la timidité de la réponse de la communauté internationale. « La persécution des Ouïghours se poursuit mais il y a peu d'actions concrètes contre la Chine parce que tout le monde craint des conséquences économiques », explique Fairouz. Une des seules décisions prises par les pays occidentaux face à la crise humanitaire : le boycott diplomatique des JO de Pékin. Une pression purement « symbolique » qu'Emmanuel Macron n’a pas voulu faire, au contraire des Etats-Unis, du Canada et du Royaume-Uni. « C’est que du vent, fustige encore Fairouz. Même si Macron l’avait fait, ça aurait été du vent. Parce que derrière, ils continuent à négocier des accords économiques. »

De son côté, le Comité international olympique (CIO) est resté neutre sur le sujet de la cérémonie. Son porte-parole, Mark Adams, a souligné que Dinigeer Yilamujiang « avait le droit d’être là d’où qu’elle vienne, quel que soit son origine. » Finalement, la Chine ne risque pas encore de sanction similaire à celle reçue par la Russie après son scandale de dopage, c'est-à-dire une exclusion des compétitions. Déception pour Fairouz et Melissa : « Le CIO devrait prendre position sur le sujet en amont du choix du pays ».

Emilio Cruzalegui

Les comptages de l’Eurométropole ont révélé qu’il était emprunté par environ 1400 véhicules et 17 vélos par jour en semaine avant sa fermeture. Des chiffres peu représentatifs, pour l’un comme pour l’autre moyen de transport, car ils ont été réalisés en plein hiver de pandémie, lorsque de nombreux habitants étaient en télétravail et les cycles au garage. « Franchement, c’est bidon, tout ça pour 17 vélos par jour… » déplore néanmoins un entrepreneur du quartier.

Une circulation qui va s’intensifier

Le micro circule, et chacun y va de son commentaire. « Et la pollution que ça engendre les bouchons, vous y avez pensé ? » « Ça va devenir un dépôt d'ordures et un squat de gens pas très conseillés ! » « Les secours, pour venir sauver une vieille dame d’un arrêt cardiaque, ils mettront aussi un quart d’heure de plus ? » 

D'autant que la circulation dans le secteur va s’intensifier : en plus de l’arrivée du tramway en 2026, les quartiers sont en plein développement de part et d’autres du tunnel. Une nouvelle zone d’habitation voit le jour côté Schilick, le quartier Fischer, et la zone d’activité autour du Marché Gare côté Cronenbourg est toujours plus fréquentée. « Ça rime à quoi de mettre une piste cyclable en face du Ikea, vous croyez qu’on peut foutre un canapé sur un porte-bagage ? » s'agace l’entrepreneur.

Lire aussi : Tunnel de Rungis : des opposants à la fermeture ont manifesté devant la mairie

Le ton monte encore d’un cran au premier rang lorsque les solutions envisagées par l’Eurométropole sont présentées. Rouvrir le tunnel aux voitures n’en fait pas partie : elle propose d’améliorer les aménagements autour du passage des Deux-Ponts pour fluidifier le trafic, toutes mobilités confondues. Mais les délais de commande ne permettent pas de les installer immédiatement : « Vous pouvez fermer le tunnel tout de suite mais va vous falloir trois mois pour nous mettre un feu rouge ? » Impossible pour Danielle Dambach de terminer ses phrases sans être interrompue par des représentants de l’association du quartier du Nouvel Abattoir de Cronenbourg (AHQNAC). 

C’est à Béatrice Bulou, vice-présidente de l’EMS chargée de la voirie et l’aménagement de l'espace public, que la maire confie le mot de la fin. Un rappel des solutions proposées qui seront mises en place prochainement : « C’était juste une présentation de votre projet, pas une consultation démocratique », constatent plusieurs riverains. Lorsqu’elle évoque la nouvelle ligne de bus envisagée pour désenclaver l’est du tunnel, présentée par le président de la CTS (également adjoint au maire), Béatrice Boulu est instantanément huée par le premier rang. « Bon, visiblement ils n’en veulent pas de cette ligne, donc ce n’est pas la peine de vous fatiguer à la CTS. Merci beaucoup et bonne soirée à tous. » C’est dans ce dialogue de sourds que la salle se vide, avant que les esprits ne s’échauffent à l’extérieur.

Camille Lowagie

À Kehl, soulagement dans les commerces après la levée des restrictions

09 février 2022

À Kehl, soulagement dans les commerces après la levée des restrictions

En Allemagne, le Bade-Wurtemberg allège ses restrictions contre le Covid. À partir du 9 février, les commerçants ne sont plus tenus de contrôler le passe sanitaire de leurs clients.

« De toute façon, les décisions sont déjà prises donc on n'a rien à dire » : le cri traverse la salle paroissiale de Schiltigheim, sous les applaudissements de l’assemblée. Plus de 150 personnes sont présentes à la réunion publique organisée par la municipalité, à 18 heures ce mardi. Pour la maire, Danielle Dambach, soutenue par l’Eurométropole, il s’agit de poser le bilan de l’expérimentation de fermeture aux véhicules du tunnel de Rungis, qui relie Cronenbourg et Schiltigheim. Dans une salle comble, riverains, usagers, associations et travailleurs se dressent face aux élus, témoignant de l’impact sur leur quotidien. Les débats sont vifs, les opposants massés à l’avant et les adhérents à l’arrière, le tout dans une ambiance de foire aux mécontentements.

« Vous avez interdit la circulation des voitures sans rien demander à personne, vous trouvez ça normal ? lance un habitant du quartier à la maire.  Votre décision était brutale, fallait s’attendre à ce que la réponse soit brutale ! » Danielle Dambach reconnaît l’avoir décidé le 13 décembre sans consultation citoyenne, afin d’assurer « la sécurité de tous ». Quelques mois plus tôt, un accident - pour la mairie, une altercation selon un opposant -, impliquant un conseiller municipal et un chauffard avait précipité sa fermeture aux voitures.

Ouvert depuis 1852 sous les voies ferrées, le tunnel « n’est pas tout à fait conforme » aux normes de sécurité actuelles. Il y fait noir, le passage est si étroit qu’une voiture n’y croise pas un vélo (avec une moyenne de 4,20 mètres de large) et débouche sur un virage. Dans ce boyau que tous reconnaissent très dangereux, piétons, cyclistes et automobilistes devaient coexister.

Trouver une solution immédiate

Élargir le tunnel n’est pas une solution envisagée par la mairie, puisqu’il faudrait des années pour que la SNCF réalise les travaux (si toutefois elle l’accepte), et les riverains ont besoin d’une solution rapide. Les associations cyclistes le défendent : il faut dédier le tunnel aux mobilités douces, pour apaiser la circulation des piétons, des familles en poussettes, des personnes à mobilité réduite et, bien sûr, des vélos. Un cycliste qui emprunte le tunnel quotidiennement atteste que ces usagers « craignent pour leur vie dès qu’ils entendent une voiture s’engouffrer dedans ». Applaudissements au fond de la salle.

Pour les automobilistes, qui doivent maintenant emprunter l’unique autre point de passage entre ces deux quartiers, le tunnel des Deux-Ponts, c’est une autre histoire : « Un enfer, on met jusqu’à vingt minutes de plus pour faire le même trajet », dénonce une riveraine, dont le parcours est allongé de 800 mètres. Ce constat est implacable, même pour l’Eurométropole : le trafic est congestionné aux heures de pointe. Le petit tunnel de Rungis est un raccourci à travers la zone résidentielle pour éviter ce nœud routier.

Dans le centre commercial de Kehl, les affiches se sont accumulées au rythme des mesures sanitaires sur la porte d'un glacier, désert.  © Yasmine Guénard-Monin

Hijabeuses contre Sénat: pourquoi le port du voile en compétition sportive fait débat

09 février 2022

Hijabeuses contre Sénat: pourquoi le port du voile en compétition sportive fait débat

Le collectif des Hijabeuses réclame le droit de porter le foulard lors des tournois de foot, tandis que des parlementaires tentent de réglementer un flou juridique.

La proposition aurait pu passer inaperçue. Mardi, la candidate à la présidentielle Christiane Taubira a annoncé sa volonté d’instaurer un chèque alimentaire de 150 euros à destination des plus précaires. Et inciter par la même occasion à l’achat de produits alimentaires bio, plus durables. Une annonce bienvenue mais largement inaboutie.

Une mesure à l’allure de « premier pas » pour Marie Drique, spécialiste de l’accès à une alimentation digne au sein de l’association Secours Catholique-Caritas. « Ce dispositif montre une prise de conscience des enjeux liés à l’accès à l’alimentation, explique-t-elle à Cuej-info. De plus, le format chèque peut être intéressant sur l'aide d'urgence : on voit qu'il est apprécié par les ménages en difficulté. » En effet, il permet de faire ses courses « comme tout le monde » et de moins recourir aux autres dispositifs comme les distributions alimentaires. « Il ne faut pas oublier que l’alimentation est un sujet intime. De nombreuses personnes peuvent ressentir de la honte à demander de l’aide ».

Si la mesure a le mérite de mettre en lumière un véritable enjeu de société, « attention cependant à la multiplication des aides disparates sans réelle concertation avec les personnes impliquées », souligne Marie Drique. Où les chèques seront-ils valables ? Ces établissements sont-ils à disposition partout sur le territoire ? Quels seront les produits éligibles ? Est-ce qu’ils répondent aux besoins des personnes en situation de précarité, à leurs habitudes et envies alimentaires ? Autant de questions auxquelles la proposition de Christiane Taubira ne répond pas - pour l’instant -, pourtant essentielles pour éradiquer la précarité alimentaire.

S’il est une preuve de confiance envers les ménages en situation de précarité, ce chèque est loin d’être suffisant pour lutter contre un fléau structurel. Ainsi, le Secours-Catholique-Caritas appelle plutôt à une prise en charge globale du problème. « Sans opter pour un chèque fléché aujourd'hui, nous pensons qu'il y a trois grands leviers d’action que nous pensons déterminants : les ressources financières, assurer la disponibilité d'une offre alimentaire durable et accessible physiquement, et l’implication des ménages dans leurs choix alimentaires », détaille Marie Drique.

Rehausser le RSA

En effet, dans son rapport sur l’état de la pauvreté en France en 2020, le Secours Catholique-Caritas plaide pour la mise en place de minimas sociaux plus conséquents, avec une révision du RSA de 500 à 900 euros. Représentant ainsi la moitié du niveau de vie médian des Français, évalué à un peu plus de 1 800 euros. « 50% des personnes que nous avons interrogées pour notre rapport se sentent en incapacité d’agir sur leurs choix alimentaires pour des raisons financières », alerte Marie Drique.

Autre enjeu d’importance et pourtant bien souvent oublié des débats politiques : la question d’une alimentation saine et durable. « On pense souvent à la quantité lorsque l’on parle de la précarité alimentaire et on omet de mentionner la qualité et surtout le lien social derrière nos manières de nous alimenter », rappelle Marie Drique. Selon le rapport du Secours Catholique-Caritas, « plus le revenu faiblit, plus on risque d’être victime de maladies ‘alimentaires’ : on retrouve une plus forte prévalence de maladies chroniques (hypertension artérielle, diabète, etc.), de surpoids et d’obésité parmi les populations défavorisées ». Aussi, 82% des personnes ayant reçu une aide d'urgence de l'association en 2020 se disaient préoccupées des effets de leur alimentation - souvent low-cost - sur leur santé.

L’alimentation durable, grande oubliée de la précarité

D’autre part, à l’heure du réchauffement climatique, l’enjeu environnemental de l’alimentation est extrêmement fort. « Il faut une approche globale : comment peut-on mettre en place un système plus durable pour les écosystèmes et les populations ? » Sans surprise, cela passe par une véritable transition alimentaire et agricole et un meilleur maillage territorial des offres alimentaires de qualité.

Enfin, dernier levier d’action : l’implication des personnes dans leurs choix alimentaires, qui tient à la dignité citoyenne. « Il y a un enjeu social très fort à ne pas nier la capacité des personnes en situation de précarité à prendre leurs propres décisions. Nous tenons à faire de l’éducation populaire pour former à la prise de parole et redonner confiance aux personnes qui ont souvent une image dégradée d’elles-mêmes. » Partir de l’expérience des personnes concernées, pour changer efficacement les choses. « Il faut une appropriation collective des enjeux alimentaires, main dans la main avec les premiers intéressés. Ils représentent les acteurs essentiels de la lutte contre la précarité. »

Eléonore Disdero

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