En Allemagne, le Bade-Wurtemberg allège ses restrictions contre le Covid. À partir du 9 février, les commerçants ne sont plus tenus de contrôler le pass sanitaire de leurs clients.
Dans le centre commercial de Kehl, les affiches se sont accumulées au rythme des mesures sanitaires sur la porte d'un glacier, désert. © Yasmine Guénard-Monin
Debout derrière son comptoir entre les valises et les ceintures, son masque retroussé sur le menton le temps d’une pause déjeuner express, Luigi est seul dans sa boutique, qui donne pourtant sur la rue principale de Kehl. Quand on lui demande ce qu’il pense de l’assouplissement des mesures sanitaires dans le Bade-Wurtemberg, sa réponse est sans appel : « Das Beste ! », « le meilleur ». Le maroquinier soutient qu’il a perdu 60% de sa clientèle depuis décembre et l’entrée en vigueur, pour les commerces de détail, de la règle des 3G (« geimpft, genesen, getestet », pour « vacciné, guéri, testé »), qui imposait aux clients de présenter une preuve de vaccination ou de guérison ou un test négatif au Covid-19.
Le 8 février, à la surprise générale, le gouvernement de ce Land du sud-ouest de l’Allemagne, frontalier de la France, a annoncé la levée des restrictions d’accès aux commerces de détail dès le lendemain. La raison : malgré l’incidence élevée du Covid-19 dans la région (1 540 sur sept jours mardi 8 février), les services de soins intensifs ne sont plus saturés grâce à la prédominance du variant Omicron, qui, couplé à la vaccination, provoquerait moins de formes graves. D’autres allégements ont été décidés, comme l’augmentation des jauges pour les manifestations publiques et la fin des tests obligatoires dans les écoles pour les enseignants et élèves vaccinés. L’accès aux cafés et restaurants reste, en revanche, réservé aux seuls vaccinés.
À Kehl, les commerçants sont unanimes : la fin de la règle des 3G est « un soulagement pour tout le monde ». Du maroquinier à une vendeuse de glaces, tous témoignent d’une baisse drastique de la fréquentation et du chiffre d’affaires depuis qu’ils doivent scanner le passe sanitaire des clients à l’entrée de leur boutique. Et espèrent des relations apaisées avec leur clientèle.
Traité d'Arschloch
« Gardez vos distances », « Masque obligatoire », « Ici 3G »… Les portes vitrées des boutiques sont recouvertes d’affichettes, ratifiées à la main au gré de l’évolution des règles, qui informent d’une réglementation parfois obsolète. La complexité des règles, leur modification selon les taux d’incidence et des listes d’exemptions longues comme le bras ont compliqué la tâche des commerçants. Certains endroits étant exemptés des 3G, comme les supermarchés, les traiteurs ou même un copy shop, au motif qu’il disposait d’une boîte postale, les commerçants de détail ont souvent dû refuser l’entrée à des personnes surprises et mécontentes.
« Beaucoup de clients sont devenus agressifs, raconte Karolina, vendeuse dans une boutique de prêt-à-porter. Nous, les employés, avons été plusieurs fois agressés verbalement par des clients. Ils ont dirigé contre nous leur colère envers le gouvernement. » Luigi corrobore : « Un client m’a même traité de trou du cul ! » (« Arschloch » en V.O.). En Allemagne, 74% de la population est totalement vaccinée, ce qui la place au 15e rang des pays européens. Chaque lundi soir, des dizaines de milliers de personnes, toujours plus nombreuses et plus énervées, battent le pavé pour protester contre les mesures sanitaires.
Désormais, pour faire du shopping à Kehl, seul un masque FFP2 est nécessaire. Vaccinés ou non, les clients du centre commercial s’en réjouissent. Luigi aussi, qui garde quelques masques sous son comptoir pour ne pas avoir à fermer sa porte aux acheteurs, surtout français, qui n’en auraient pas.
Yasmine Guénard-Monin