Le magazine allemand le Spiegel a révélé, mercredi 5 février, que la Russie pourrait se cacher derrière les dégradations en série de véhicules observées en Allemagne depuis quelques jours. Les Russes n’en seraient pas à leurs premières opérations de manipulations dans les campagnes électorales.
France, Moldavie ou États-Unis, Moscou est sur tous les fronts de la manipulation. Dessin Yanis Drouin
Depuis quelques jours, près de 300 véhicules ont été sabotés dans trois régions d’Allemagne dont celle de Berlin. À chaque fois, un même mode opératoire : les pots d'échappement sont remplis de mousse expansive et des autocollants à l’effigie du ministre vert de l’Économie, Robert Habeck avec le slogan "sois plus vert" sont collés sur les voitures.
La justice allemande a annoncé, mercredi 5 février, enquêter sur ces dégradations en série sans aborder les motifs. La piste de l’ingérence russe, en pleine campagne électorale, a été évoquée par plusieurs médias allemands dont le Spiegel. D'après le magazine allemand, l’un des suspects a reconnu avoir reçu 100 euros par véhicule vandalisé. Il aurait été recruté par un commanditaire russe via un réseau social. Pour l’instant, la piste de l'ingérence russe n’est pas confirmée par les autorités, mais le risque d’une intervention étrangère dans la campagne électorale allemande est à son maximum selon l'office de protection de la Constitution. Si l’implication de la Russie est soupçonnée dans plusieurs affaires comme les tags d’étoiles de David en France en 2024, ses ingérences seraient particulièrement fortes dans les campagnes électorales. On revient sur les derniers soupçons.
Un des derniers cas en date : la campagne présidentielle en Roumanie. En décembre, la Cour constitutionnelle roumaine a annulé les élections présidentielles après le premier tour. D’après des documents diffusés par les autorités roumaines, une campagne "de promotion massive" a eu lieu sur TikTok en faveur du candidat d’extrême droite et prorusse Calin Georgescu. Une enquête menée par le site roumain G4media a révélé que le réseau social chinois a été "inondé" de contenus au sujet du candidat, ce qui a favorisé la hausse rapide de sa popularité. Toujours selon ces rapports officiels, certains comptes à l’origine de ces publications auraient fait par le passé "des messages prorusses, anti-Otan et anti-Ukraine", ce qui témoigne, selon les autorités, d’une potentielle ingérence de la Russie.
Réseaux sociaux, tractation dans les rues ou manifestations, tous les moyens étaient bons pour influencer les élections présidentielles moldaves, le 3 novembre dernier. En décembre, les services secrets moldaves ont révélé que des manipulations russes auraient pu influencer cette campagne et a détaillé les différentes actions.
D’après leur rapport, le service des renseignements russes aurait ouvert un centre de commandement qui recrutait des militants pour convaincre des électeurs d’aller voter pour un certain candidat, en échange d'argent. D’autres personnes auraient réalisé des actes de vandalisme, des manifestations de rue ou des provocations de la police. L'ingérence russe serait également passée par les réseaux sociaux pour faire la promotion du Kremlin.
Moscou n’a pas manqué le rendez-vous des élections américaines à l’automne. Dès le début de la campagne, les soupçons d'ingérence russe se multiplient pour décrédibiliser le ticket démocrate et sa potentielle victoire. Les fausses vidéos de Kamala Harris renversant une adolescente ou d’un homme déchirant les bulletins de vote en faveur de Trump sont fabriquées par des réseaux de désinformation russe.
La chaîne de télévision publique RT, anciennement Russia Today, a été accusée par les autorités judiciaires en septembre d'avoir versé 10 millions de dollars à une entreprise du Tennessee pour réaliser des contenus de désinformation prorusse visant l’élection américaine. Trente-deux autres sites web ont été sanctionnés. Si des soupçons persistent sur d’autres actions, il est peu probable qu’elles soient révélées. Le gouvernement de Donald Trump a annoncé, ce vendredi 7 février, supprimer l’unité du FBI spécialisée dans la lutte contre l'ingérence étrangère.
Lors des élections législatives en juillet, différents rapports, dont un du CNRS rédigé par le chercheur David Chavalarias, ont révélé des ingérences numériques menées par la Russie en faveur du Rassemblement national pour leur permettre de remporter les élections. Par ces campagnes, la Russie favoriserait "l'accession au pouvoir de partis antisystème qui seraient favorables à son régime par tous les moyens officiels et secrets", selon le chercheur. Ils ont diffusé des fausses publicités sur les réseaux sociaux, créé des faux sites d’informations. Ils auraient par exemple fabriqué un faux duplicata du site du parti Renaissance qui proposait aux électeurs des fausses primes en échange de leur vote. L’objectif : décrédibiliser le parti présidentiel et favoriser la victoire du parti d’extrême droite.
Le gouvernement russe a aussi apporté plusieurs fois son soutien à Marine Le Pen sur les réseaux sociaux, ce qui a pu être perçu comme une forme d’ingérence étrangère. Marine Le Pen a démenti tous liens avec la Russie.
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Louise Pointin
Édité par Lucie Campoy