Grace aux Jeux Paralympiques de Tokyo, les yeux du monde sont rivés sur le handisport. Faute de qualification, le basket en fauteuil français n’a pu profiter de cette mise en valeur.
Chez les hommes de la famille de Samir, les relations sont compliquées. Petit, il raconte être battu par son frère et son père. Adolescent, il menace ses proches de mort et est condamné à 18 mois de prison, dont quelques mois sous les écrous. Il n'a plus de droit d'approcher le domicile familial strasbourgeois. Il part pour Nancy, où il dort dans la rue ou dans des halls d'immeuble.
Les relations avec son frère sont particulièrement difficiles. « Entre mes 12 et mes 16 ans, notre relation s'est dégradée. Avant, on faisait des choses ensemble, on allait manger dehors … maintenant les liens sont brisés, il n'y a plus rien à faire. » Il ne lui parle presque plus. Leurs seules interactions sont violentes.
Il y a quelques mois, Samir décide tout de même de revenir chez sa famille. « Je n'avais nulle part où dormir. J'avais honte d'être à la rue à 21 ans. » Retourner auprès de ses parents et de son frère tenait du désastre assuré. Au début, pourtant, la cohabitation se déroule sans problème. Mais, dans la nuit du 4 au 5 septembre, il rentre fortement alcoolisé. Il s'énerve contre sa mère. Son grand frère, de 11 ans son aîné, serait intervenu, le frappant à coups de poings. Samir raconte sortir de chez lui, torse nu, « sans claquettes, sans rien », béquille à la main – il était blessé aux pieds.
Une voisine dit avoir vu le jeune homme tambouriner à la porte avec sa béquille, avant de tenir son frère au cou, frapper sa mère et proférer des menaces de mort à l'encontre de toute sa famille. « Et j'ai fait des pompes et un salto aussi. Vous vous rendez compte de ce que vous racontez monsieur ? » demande Samir au président, qui n'apprécie pas l'attaque : « Vous frisez l'outrage, là. »
La réinsertion plutôt que la prison
Ni le prévenu ni son avocat ne nient les faits. Mais Samir ne veut pas retourner derrière les barreaux : « J'en ai rien à foutre de la prison, mais ça aide pas à se réinsérer … Là, j'ai quelqu'un dans ma tête. Quelqu'un qui n'est pas de ma famille. » Il pense à sa petite amie. Enceinte d'un mois, ils pensent garder l'enfant. Samir veut trouver un travail et passer son permis de conduire, trouver une situation stable. « J'ai compris qu'il fallait faire un choix, soit rester adolescent dans sa tête, soit être responsable … » Le Strasbourgeois ajoute : « Ça faisait 2 ou 3 mois que j'étais à fond, j'avais ma formation pour la fibre optique, j'avais un CDI sûr. »
Tout le long de l'audience, il s'emporte, coupe la parole, insulte son frère. Quand il se calme, il trouve d'autres mots. Il veut « travailler sur lui ». Juste avant le délibéré, il demande une dernière fois « une main tendue » aux juges. « Je ferai les choses bien. La seule main que j'ai vue dans ma vie, c'est quand on m'a accordé ma semi-liberté », dit-il, en référence à sa dernière peine. « Je ne veux aucune vengeance. Promis. » Malgré la récidive, le tribunal l'entend : il est condamné à 4 mois de prison ferme, mais qui sera aménagée sous forme de semi-liberté. « C'est votre fameuse main tendue. Mais, peu importe comment, dormez ailleurs que chez votre famille. »
Emma Bougerol
Les basketteurs français et françaises étaient parmi les vedettes des Jeux Olympiques de Tokyo cet été. Les femmes ont décroché le titre de championnes olympiques quand les hommes ont été récompensés d’une médaille d’argent. Lors des Jeux Paralympiques, la situation était bien différente. Aucune des équipes de basket en fauteuil roulant, masculine ou féminine, n’était présente pour cette compétition, faute de qualification.
À Strasbourg, les associations de handisport ressentent cette même disparité. Au niveau amateur, les sportifs en situation de handicap pâtissent d’un manque de visibilité et de soutien. Membre de l’équipe féminine de France de basket en fauteuil pendant les années 2000, Cennet Eryurt dirige à présent l'AS Tours de Roues Énergie Strasbourg. « On a fait autant d’heures que les professionnels, mais à titre lucratif, on n’était pas valorisé. » Elle le reconnait volontiers : le public a un regard de plus en plus positif et curieux sur le handisport. Mais le gouffre avec leurs confrères valides reste immense. « Certes, on a l’aide de la municipalité mais si on veut que le regard public soit au niveau de la SIG [club de basket professionnel de Strasbourg], on a besoin de plus ». Cennet Eryurt pointe également du doigt le manque de médiatisation comme un souci majeur. « Il y a deux clubs de basket en fauteuil à Strasbourg mais ils ne sont pas valorisés, juge-t-elle. Les journalistes ne s’intéressent qu’à la SIG ».
Des charges à assumer
Pour ce type de club sportif, des aides publiques de l’Eurométropole et la région Grand Est sont essentiels. Ces clubs fonctionnent aussi largement à partir de l’investissement de bénévoles. Leur situation financière peut donc vite devenir précaire. Voilà 10 ans que Denis Artz est membre de l’ASHPA (Association Strasbourg handisport passion aventure). Dix ans que cette dernière a toujours été en quête de subventions. Pour l’instant, le budget est équilibré. Mais organiser des déplacements pour les compétitions, parfois sur de longues distances, a un coût. Un seul fauteuil de basket peut par ailleurs revenir à 6 000 euros, voire le double pour un fauteuil sur mesure. « Il faudrait des partenaires privés mais c’est difficile de toucher des entreprises qui veulent être sponsors », déplore Denis Artz.
Les Jeux de Paris en 2024 pourront-ils changer la donne ? Les associations de handisport rêvent d’un regain d’intérêt. « Je l’espère en tout cas », souffle Cennet Eryurt. De son côté, Denis Artz se méfie d’un seul impact à court terme. « On pourra peut-être bénéficier d’aides supplémentaires mais elles pourraient s’effondrer dans la foulée. »
Emilio Cruzalegui
Le président brésilien vient de prendre un décret pour limiter la modération des réseaux sociaux. Très actif depuis ses débuts sur les réseaux et friand de fausses informations, Jair Bolsonaro est accusé par ses détracteurs d'encourager la désinformation, moins d'un an avant les élections.
Le chef d'Etat brésilien aux sept millions de followers sur Twitter et aux quinze millions d'abonnés sur Facebook, Jair Bolsonaro, veut s'attaquer à « la censure » des réseaux sociaux. Face à « la suppression arbitraire et injustifiée de comptes, profils et contenus par les fournisseurs », l'exécutif brésilien aimerait assouplir les règles de modération de ces plateformes. Le décret pris le 6 septembre ne précise pas comment le gouvernement entend contraindre ces géants du numérique.
Du haut de ses 66 ans, Jair Bolsonaro, est loin d'être un millénial mais il est un habitué des réseaux sociaux. Lors de sa campagne en 2018, l'ancien militaire et député a réussi à rassembler des millions d'électeurs par ce biais. Fausses informations, déclarations démagogiques ou insultantes se mélangent aux annonces officielles. Une utilisation des réseaux semblable à celle de Donald Trump. Et tout comme l'ancien président américain, Jair Bolsonaro s'est aussi frotté aux modérations de ces plateformes. En mars 2020, en pleine pandémie, qu'il qualifie de « grippette », il partage des photos et vidéos de lui dans un bain de foule grouillant en train de serrer des mains et d'embrasser ses partisans. Twitter supprime deux de ses tweets, contraires aux consignes de santé publique mises en place. Sur Youtube, c'est une quinzaine de vidéos qui seront supprimées, dont une dans laquelle il compare le Covid-19 au sida.
Qu'il l'utilise pour minimiser la pandémie ou évincer ses détracteurs, les fausses informations représentent un véritable outil politique de « Bolsomito ». Il en vient même a bloqué 176 comptes de journalistes et membres du Parlement en août. Dernièrement, c'est le système électoral par voie électronique qu'il remet en cause sur son compte Twitter. Un moyen de légitimer un potentiel futur échec aux élections présidentielles d'octobre 2022.
Dans ce nouveau décret, le gouvernement entend mettre en place la notion de « juste motif » pour justifier la suppression de contenus ou la suspension de comptes d'utilisateurs. « Son objectif [celui du chef de l’Etat] n’est pas de protéger la liberté d’expression, ce qu’il veut, c’est empêcher que la désinformation et le discours de haine que ses partisans et lui disséminent continuent à être retirés des plates-formes », a réagi Alessandro Molon, député d’opposition et rapporteur du texte encadrant la pratique d’Internet au Brésil.
À l'approche de l'échéance présidentielle, Jair Bolsonaro voit sa cote de popularité dégringoler depuis plusieurs mois. En cause, une gestion calamiteuse de la crise sanitaire avec près de 600 000 morts au Brésil et une crise économique inévitable. Grâce à cette disposition, le président sortant espère user, en toute liberté, de ses outils favoris pour reconquérir les Brésiliens : la démagogie et les fake news.
Iris Bronner