À la sortie de son chalet, Arnaud et Nathalie s’essaient justement aux raquettes avec leurs enfants, Délia, 9 ans, et Elias, 6 ans. "Nous avions réservé en septembre… On est un peu déçus de ne pas skier mais c'est quand même sympathique", déclarent-ils. Comme eux, Hervé et Florence ne s’imaginaient pas renoncer à leur séjour annuel à la montagne. Skis de fond aux pieds, ils reviennent de leur excursion du jour à un rythme modéré. "Nous n’avons pas pris de cours alors, on a du mal", sourit Hervé. "C’est dur", confirme son fils cadet Pierre, 9 ans, guère enchanté par l’expérience. Florence est plus enthousiaste : "J'aime beaucoup ! C'est moins traumatisant, plus reposant, on est plus proche de la nature." Christophe, 51 ans et son fils Hugo, 19 ans, sont eux "prêts à tout" pour faire du ski alpin. Ils sont montés en raquette en haut des pistes juste pour le plaisir de la redescente. "Je voulais voir ce que j'avais dans le ventre", avoue Christophe en rangeant ses skis dans sa voiture. Pari gagné, mais ce sera la seule expérience : la piste est trop mauvaise.
Les parkings sont bondés, la neige domine le décor. Un tableau naturel pour une mi-février dans les Vosges alsaciennes. Mais en regardant de plus près, un détail détonne. Si le bas des pistes grouille de monde, plus le profil s’élève, moins les skieurs sont nombreux. En cause : les remontées mécaniques sont à l’arrêt depuis le début de la saison, sans perspectives de réouverture. "Ça fait forcément mal de les voir ainsi", confirme Arnaud, loueur de ski à la station du Lac Blanc (Orbey, Haut-Rhin). Comme tout le secteur du ski alpin, il a été contraint d'adapter son activité. Désormais, les raquettes, luges et autres skis de fond ont remplacé les skis alpins.
Une pièce chauffée, un kit d’hygiène, et du gel, des masques et une prise de température à l’entrée, Covid oblige. Florian Schoettel, cadre opérationnel dans le Grand Est de la Protection civile, est satisfait de ce dispositif mis en place, permettant “d'offrir une petite semaine de répit" aux sans domicile fixe. “Rien de bien sorcier”, reconnaît-il, simplement la “mise en place d’une zone d’accueil, de réfection et de secours au cas ou”, dont la Protection civile est chargée de s’occuper en journée, et la Croix rouge la nuit.
"Retour à la rue"
Sous sa veste orange fluo, masque sur le nez et entre deux coups de téléphone, il explique avoir eu pour instruction de lever le camp dès mercredi matin. L’annonce par la préfecture, ce mercredi 17 février, de la rétrogradation du "plan grand froid" du niveau 2 au niveau 1, faute à des températures qui dépassent les 10 degrés en journée, sonne par la même occasion la fin de ce centre d’hébergement d’urgence éphémère. Et les associations n’ont pas leur mot à dire.
"Retour à la rue", résume Vochi, cinquantenaire au fort accent des pays de l’Est de l’Europe, qui raconte avoir quitté la Tchétchénie pour la France en 2004. "Ici, c’était pas trop mal, mais après, je ne sais pas ce que je vais faire. J’appelle le 115 tous les jours, et à chaque fois ils me disent qu’il n’y a plus de place. On m’a parlé d’une solution pour moi le 3 mars. Et pendant 20 jours je dors et je mange où ? On est traités comme des animaux", peste celui qui passe son troisième hiver consécutif dehors.
Peur du lendemain
Tous appréhendent la fin de cette semaine au chaud. "Avant de venir ici j’ai passé quelques jours à l’hôtel, explique Raed, un Irakien de 47 ans, arrivé en France en 2017. La seule chose que je sais, c’est que je dois aller à la préfecture pour déposer un dossier, et ensuite, je ne sais pas où je vais aller." "On vit au jour le jour. Je ne sais pas ce que demain me réserve", renchérit Fousseni.
Déambulant dans les rues de Strasbourg ce mardi soir, à la recherche de sans-abri qui auraient refusé une place d’hébergement par peur souvent de la collectivité, une petite équipe de maraudeurs confie elle sa préoccupation. S’ils assurent ces derniers jours avoir constaté une baisse du nombre de sans domicile fixe, "tous ceux qui le souhaitaient ont trouvé une place d’hébergement", ils s’inquiètent de la fermeture à venir du gymnase et des autres endroits où des places en urgence avaient été trouvées : "Derrière, il n’y a pas de solution. Dans quelques jours il y aura plus de monde à la rue. Ça nous fait de la peine et on est assez frustrés."
Difficile cependant pour les maraudeurs d’évaluer le nombre de personnes qui dorment dehors à Strasbourg. En mars 2020, les bénévoles de la Nuit de la solidarité avaient eux recensé 265 sans-abri dans la capitale Alsacienne, tout en reconnaissant que leur décompte n’était probablement pas exhaustif.
Julien Lecot