Laurent et Vanessa ont essuyé 62 refus d'installation sur un terrain depuis qu'ils se sont lancés dans leur projet il y a deux ans © Eiman Cazé
Le choix de l’illégalité
Désespéré, Laurent se déclare être prêt "à aller sur le prochain terrain où le propriétaire sera d’accord, même sans l’autorisation de la mairie" quand Vanessa envisage "d’écrire une lettre à la préfecture" pour faire connaître leur situation. "On pense que notre cause est juste et on a l’impression d’avoir tout fait, d’avoir épuisé toutes nos cartouches", résume l’artisan.
Ce choix de l’illégalité, Lars Herbillon, l’a déjà fait depuis plusieurs mois. Il vit aujourd’hui sur une parcelle agricole, aux confins d’une commune dont le maire ignore sa présence et tente de garder son optimisme : "Ça me fait pas peur je trouverai une solution le temps voulu. Je suis flexible, s’il me faut quitter l’Alsace, alors je le ferai."
Pour le jeune homme de 20 ans, cette situation s’explique par la volonté des mairies "d’éviter les précédents juridiques". S’ils acceptent une tiny house, "ils font une exception au plan local d’urbanisme et ne seront plus en mesure de dire non aux autres", explique-il. Et de pointer un problème de génération : "Souvent, les maires ne sont pas les plus jeunes, donc ce ne sont pas les plus tournés vers l’avenir. Les tiny, pour eux c’est l’inconnu, donc ça leur fait peur."
Sur le parvis de leur bâtisse en bois, entreposée à Pfaffenhoffen, où le couple de quadragénaires loue une maison, Laurent raconte d’une voix dépitée son chemin de croix : "On a eu 62 propositions, 62 propriétaires qui étaient d’accord pour nous prêter leur terrain. Pourtant, à chaque fois, la commune a refusé." Avec deux tiny houses (une pour eux et une pour leurs trois enfants) et une forte envie de rester en Alsace "pour rester en contact avec la famille proche", les possibilités sont assez restreintes.
62 propositions, 62 refus
Laurent Fenin, artisan indépendant et sa compagne Vanessa, esthéticienne, peuvent en témoigner. Le couple vit un véritable enfer administratif depuis qu’ils se sont lancés, il y a deux ans, dans un projet de tiny house. À la suite de la crise de 2008, l’entreprise industrielle du mari est liquidée et la famille est forcée de vendre jusqu’à ses meubles. Avec les 13 000 euros qu’ils ont réussi à amasser, auxquels se rajoute une aide familiale, Vanessa et Laurent ont fait le choix de tout recommencer à zéro, en mode minimaliste.
Une législation restrictive
Tous les adeptes du minimalisme, à l’image de Lars Herbillon, s’accordent pour affirmer : "Le seul écueil au mode de vie tiny, ce n’est pas le fait de construire, mais bien de trouver un terrain."
Si le concept vend une vie de liberté, il faut tout de même respecter la législation, qui depuis 2014 et la loi ALUR, donne une existence juridique aux habitats alternatifs. Elle impose de respecter une limite de superficie de 20 m² et de faire en sorte que l’habitation conserve ses moyens de mobilité au risque d’être assujettie au permis de construire. Surtout, il est impossible de s’établir plus de trois mois sur un terrain sans avoir l’accord du maire de la commune, un graal particulièrement dur à obtenir pour les tinystes.
Un marché en expansion
Le phénomène est encore trop récent pour avoir des chiffres précis mais une chose est sûre, ces micro-maisons séduisent de plus en plus. Aujourd’hui, il ne suffit plus d’être un artisan né pour en avoir une. Pour un prix moyen oscillant autour de 40 000 euros, il est possible de faire appel à un professionnel.
Si cette activité s’est essentiellement développée dans l’ouest et le sud de la France, certaines entreprises alsaciennes ont en fait leur spécialité, comme le menuisier MTI, situé à Hettenschlag, dans le Haut-Rhin : "Depuis 2005, je faisais des maisons avec une ossature en bois. Il y a deux ans, j’ai vu que l’engouement pour les tiny houses était en train de prendre de l’ampleur, alors je me suis dit ‘pourquoi je ne pourrais pas en construire de plus petites’", raconte le patron.
S’il déclare arriver à en vivre aujourd’hui, la concurrence reste dure dans ce petit secteur : "Il y a de plus en plus de demandes, mais le marché est encore en train de se créer. On voit beaucoup de particuliers qui construisent eux-mêmes et qui revendent ensuite."
Plancher-les-Mines, le vide au bas de La Planche
A Plancher-les-Mines (1 000 habitants), dernière commune avant l’arrivée, l’oasis que représentait Mélisey s’éloigne à mesure que les bosses casse-pattes s’enchainent. Retour dans un village typique d’une région désindustrialisée, où l’usine désaffectée continue de rappeler l’ancien temps toujours plus lointain. Les volets du café-restaurant sont baissés ; on parle de ce lieu au passé. “Nous avons des gîtes qui sont bien sollicités”, tente de rassurer Sylvie Hosette, 2e adjointe au maire. Difficile pourtant de parler de réelle dynamique, quand les quelques commerces encore debout dénotent au milieu des vitrines défraîchies et des panneaux « à vendre ». Danielle, la boulangère, déplore le temps que prend le tourisme à se mettre en place. “Nous sommes un peu déçus mais peu, c’est toujours mieux que rien, rappelle-t-elle comme une évidence, avant de détailler son propos. Le souci, c’est que tout a été lancé rapidement en 2012 (première arrivée du Tour à La Planche des Belles Filles), sans que nous ayions forcément la capacité d’accueil nécessaire. Maintenant, on commence à pouvoir mieux gérer.”
David Darloy et Arthur Massot
La Planche des Belles Filles : décryptage d'une montée déjà mythique