Eddy Chlang, délégué syndical CGT, compte parmi les 992 salariés (sur 1857) du groupe Alinéa, licenciés pour motif économique. Ce mardi marque son dernier jour de service au magasin de Noyelles-Godault, dans le Pas-de-Calais. Il a accepté de nous expliquer comment l’enseigne française d’ameublement, placée en liquidation judiciaire depuis mai dernier, a été reprise par ses propres actionnaires, la famille Mulliez.
Dans quel état d’esprit vous trouvez-vous aujourd’hui, au lendemain de la décision du tribunal de commerce de Marseille ?
L’offre a été validée sans aucun problème au tribunal. C’est déplorable mais personne n’a été surpris. Alinéa est une société qui perd de l’argent depuis des dizaines d’années [Pendant le confinement, l’entreprise a vu son chiffre d’affaires baisser entre 100 et 120 millions d'euros, NDLR]. On se faisait renflouer chaque année par les actionnaires donc on savait que ça n’allait pas très bien. Ce qui nous met en colère, c’est que le groupe prenne la Covid comme prétexte pour pouvoir fermer plus vite. C’est cette fameuse ordonnance du président Macron qui permet, jusqu’à fin 2020, à des dirigeants d’entreprise ayant déposé le bilan de racheter leur propre enseigne. Ça a été mis en place pour lutter contre le chômage et c’est tout l’inverse qui s’est produit chez Alinéa.
Selon vous, ce dénouement était-il la "seule alternative possible", comme l’a dit le tribunal ?
Il n'y avait qu'une seule offre : celle du PDG Alexis Mulliez. Par contre ce qu’on déplore, c’est qu’il n’y ait que neuf magasins de repris sur 26 alors qu’ils auraient pu en mettre plus dans la balance. L’entreprise est possédée à 85 % par l’Association familiale Mulliez, qui brasse 32 milliards d’euros et par Alexis Mulliez, la sixième fortune de France, pour les 15 % restants. Ils pouvaient faire plus, mais bon, nous n’avons pas eu la justice avec nous.
Quel bilan tirer de la mobilisation des salariés ? Va-t-elle se poursuivre ?
On sort d’une procédure de négociation de quatre mois. Au début, l’employeur ne proposait aucune indemnité, il n’y avait aucune obligation de donner et il n’en avait pas envie. Ensuite, ils nous ont accordé une indemnité de 1500 euros par salarié, ce qui est ridicule. Puis au bout de quatre mois, on a réussi à négocier la même somme mais par année d’ancienneté. C’est un peu plus correct mais c’est toujours insuffisant. On nous propose aussi des reclassements [Essentiellement dans les autres enseignes du groupe : Décathlon, Auchan, Boulanger, Leroy-Merlin… NDLR] mais inadaptés par rapport aux postes occupés aujourd’hui par les salariés d’Alinéa, notamment car trop éloignés.
Propos recueillis par Enzo Dubesset