Le journal Libération a publié mardi 4 février une enquête sur la présence d’amiante dans les établissements scolaires français. De nombreux manquements à la loi restent toujours constatés. À Strasbourg, la problématique semble un peu mieux gérée.
L'école maternelle internationale Robert-Schuman à Strasbourg n'a pas répondu à l'enquête menée en 2016 par l'ONS. Photo Nicolas Arzur / CUEJ
Libération relance le dossier noir de l’amiante dans les écoles. Mardi 4 février, le quotidien a publié une cartographie inédite des établissements scolaires français qui contiennent encore de l’amiante, ce matériau dangereux pour la santé, longtemps utilisé comme isolant.
Des données tirées d’une enquête réalisée en 2016 par l’Observatoire national de la sécurité et de l’accessibilité des établissements d’enseignement (ONS). Ce fichier, interne aux services de l'Éducation nationale, était jusqu’ici resté dans les tiroirs de l’Observatoire. Pourtant, il serait le seul à ce jour, selon Libération, à recenser de manière représentative la présence de fibres toxiques dans les établissements scolaires.
Si l’enquête de l’ONS en 2016 n’était pas contraignante pour les établissements - l’Observatoire n’a pas cette prérogative - force est de constater que peu d’écoles strasbourgeoises ont joué le jeu. Seulement 58 des 185 chefs d’établissement ont rempli le questionnaire, selon les données publiées par Libération. De quoi rendre le panorama très parcellaire à l’échelle locale.
Contactés, certains chefs d’établissement bottent aujourd'hui en touche lorsqu’on leur demande pourquoi ils ont boudé l’enquête de l’Observatoire, prétextant un changement de direction depuis 2016. D’autres avancent qu’ils ne possédaient pas toujours d’information sur la présence, ou non, d’amiante dans leur bâtiment.
« Cela montre une méconnaissance du dossier, analyse Cyril Verlingue, enseignant et président de l'association Urgence Amiante Écoles. Pourtant, chaque année, au moins 20 profs et personnels des écoles contractent un mésothéliome pleural [un cancer, ndlr] à cause de l’amiante. Les enseignants et les enfants ont quand même le droit de savoir à quoi ils sont exposés. »
Sur les 58 établissements participant à l’enquête, 26 écoles ont signalé la présence d’amiante dans leurs locaux. Dans le détail, cinq maternelles, quatre écoles élémentaires, neuf collèges et sept lycées sont ainsi concernés.
« Rien d’étonnant, constate une directrice, dont l’établissement est concerné par le matériau toxique. Ces écoles ont été construites avant 1997, date à partir de laquelle l’amiante a été interdite en France. Dès lors, comme 99% des bâtiments érigés avant cette époque, elles aussi en contiennent. »
Des fibres cancérigènes qui se retrouvent dans les faux plafonds, dans les colles des dalles de sol, dans les tuyauteries… « Mais c’est de l’amiante inerte [solide et non-volatile, ndlr], martèle la directrice. Il n’y a donc aucun risque pour la santé des enfants. »
Toutes les données de l’ONS ne sont pas à prendre aux pieds levés : aucune mise à jour des fiches des établissements n’a été réalisée depuis 2016. Résultat, en quatre ans, certains établissements strasbourgeois ont pu connaître des chantiers de désamiantage - sans que l’on ne sache, pour l’heure, combien d’écoles seraient précisément concernées.
« Nous avons depuis changé les dalles et les plafonds, explique par exemple un proche de la direction du lycée Jean-Monnet. Il n’y a donc plus d’amiante dans nos locaux. »
En 2016, le lycée Louis-Couffignal indiquait quant à lui à l’ONS que des travaux de rénovation devaient avoir lieu dans deux bâtiments de l’établissement. Faute de suivi, il est impossible, à partir des données de l’Observatoire, de savoir si ces travaux ont bien eu lieu et s’ils ont permis de supprimer la présence de l’amiante. L’administration du lycée n’était pas joignable au moment du bouclage de cet article.
En se plongeant dans le fichier, on découvre également que huit chefs d’établissement strasbourgeois étaient incapables, en 2016, de déterminer si un diagnostic technique amiante avait bien été réalisé dans leurs locaux. « Je ne suis pas en possession de ces informations », indiquait le directeur de l’école maternelle Niederau à l'ONS. Ou encore : « n’ayant pas les informations nécessaires pour renseigner cette enquête, je vous prie de vous adresser à la mairie », écrivait le chef d’établissement de l’école élémentaire Marguerite-Perey.
Sauf que depuis 2001, la loi rend obligatoire la mise en place d’un diagnostic technique amiante, qui vise à déterminer la présence ou non du matériau toxique et à le localiser précisément. Un document qui doit être mis à jour tous les trois ans, pour vérifier l’état de vétusté. “Cela afin de ne pas faire courir de risques d’exposition lorsque des travaux sont réalisés dans les bâtiments”, explique Cyril Verlingue.
Difficile cependant de savoir si un diagnostic technique amiante a bien été réalisé, aujourd’hui, dans chaque établissement de la ville. “La Région a diligenté il y a quelques années une enquête pour établir un diagnostic d’amiante dans tous les lycées”, veut rassurer une directrice d’un établissement strasbourgeois. “La Ville de Strasbourg vérifie la réalisation des documents techniques amiante dans les établissements recevant du public lors de ses contrôles”, annonce la collectivité sur son site internet.
Mais quand le précieux document existe bel et bien, certains directeurs se retrouvent, aujourd'hui encore, souvent dans l’embarras lorsqu’on demande à consulter le diagnostic amiante, comme le permet pourtant la loi. “Je ne sais pas où il est, regrette une directrice d’une école élémentaire. Peut-être dans le cahier de maintenance… Mais on a déjà tellement de choses à gérer ! S’il fallait en plus s’occuper des documents de maintenance, on ne s’en sortirait pas.”
D’autres responsables d'écoles nous ont confirmé que des affichettes étaient bien placardées dans les couloirs des établissements, pour informer le public qu’une consultation du dossier était possible sur demande.
Reste une dernière question : existe-t-il, à Strasbourg, un document unique et en consultation publique, recensant les données sur la présence d’amiante dans les 185 établissements scolaires ? Contactée, la Ville n’était pas en mesure de nous fournir l’information ni le moindre document au moment du bouclage de cet article.
Au rectorat, on renvoie la responsabilité vers les collectivités locales (communes pour les écoles, départements pour les collèges, région pour les lycées), qui ont la charge de l’entretien des bâtis.
“Le minimum, ça serait d’avoir au moins l’information”, témoigne une parent d’élève devant la grille d’une école maternelle de l’Esplanade. Pour l’heure, ce minimum ne s’acquiert qu’en faisant le tour des établissements, un par un, pour compiler les diagnostics techniques amiante. Si les chefs d’établissement savent encore où ils sont.
Nicolas Arzur