Après l'acte de vandalisme sur La Liberté guidant le peuple de Delacroix au Louvre-Lens jeudi, les questions sur la sécurité des musées se posent à nouveau. Ces dégradations ne sont pas rares, et les établissements ont du mal à y faire face. Le commandant Guy Tubiana, conseiller sûreté des musées de France, était ce vendredi en déplacement à Lens pour évaluer la situation. Pour lui, le risque zéro n'existe pas et il est quasiment impossible de régler le problème.
Cuej.info : Comment éviter le vandalisme contre les œuvres d'art dans les musées ?
Guy Tubiana : Je vais être franc. On essaie au maximum de s'en prémunir, mais le risque zéro n'existe pas. C'est parfois imparable. A un moment donné, l'essence même d'un musée est de laisser libre accès aux œuvres. Les gens doivent pouvoir s'approcher des tableaux pour les admirer. Il faut accepter cette règle et agir en conséquence. Mais quand quelqu'un décide de sortir un objet pour délibérément dégrader une œuvre, on ne peut pas toujours l'empêcher.
Quels sont les systèmes actuels mis en place pour éviter ce type d'actions ?
C'est un mélange de matériel et d'humain. On met d'abord des barrières de mise à distance pour tenir un minimum les gens éloignés des œuvres. Les salles sont la plupart du temps sous vidéosurveillance. Et puis, il y a des agents de sécurité chargés de surveiller le comportement des visiteurs. C'était le cas au Louvre-Lens, mais cela n'a pas empêché le vandalisme.
Il n'y a donc pas eu de dysfonctionnement ?
Non, en aucun cas. La personne a été filmée, il n'y pas eu de problème de ce côté-là. Quand elle a franchi la barrière de mise à distance, l'agent de sécurité de la salle est intervenu. Mais il n'était pas non plus collé au tableau. On ne peut pas mettre une personne sur chaque œuvre. Il faut aussi saluer l'action de visiteurs qui sont eux-mêmes intervenus.
Peut-on aller plus loin dans les dispositifs de sécurité ?
C'est une question récurrente depuis jeudi. On parle évidemment d'une protection en verre, d'un vitrage. Mais personnellement je ne préconise que très rarement ce genre de chose. On sort de l'esprit d'un musée.. On l'a fait sur la Joconde, mais ce tableau a une histoire particulière au niveau des vols. Mettre un verre sur une œuvre pose aussi le problème de sa conservation à cause de l'humidité. C'est loin d'être simple. Et sur un tableau comme la Joconde, ça va, mais sur une pièce de la taille de La Liberté guidant le peuple c'est quasiment impossible. Le tableau ne supporterait pas le poids du verre, il faudrait le mettre par terre.
Est-ce qu'un signal sonore s'active lorsque quelqu'un franchit la barrière de mise à distance ?
Les radars-bip existent, mais ne sont pas toujours utilisés. On les met seulement en place quand les moyens humains manquent. Dans une salle où les tableaux sont nombreux, on peut l'envisager. A Lens, ce n'était pas le cas, l'agent de sécurité a agi aussi rapidement qu'il a pu.
Peut-on envisager le remplacement de certaines œuvres par des copies ?
Non, je ne pense pas. Quel intérêt auraient les gens à venir voir une fausse pièce ? Les copies fonctionnent dans le cas de Lascaux II, parce que l'original n'est pas accessible. Mais le public ne comprendrait pas qu'on garde un tableau en coulisse et qu'on présente une copie. Et ne pas avertir les visiteurs serait de la pure malhonnêteté. Si le risque est trop élevé, soit on surprotège avec du verre comme la Joconde, soit on enlève tout simplement l'œuvre.
La sécurité va-t-elle être renforcée au Louvre-Lens ?
Non, rien ne va changer. Comme il n'y a eu aucun dysfonctionnement, il n'y pas de raison de faire quoi que ce soit différemment. On ne peut de toute façon pas faire grand-chose de plus. Comme je le disais, si l'œuvre est trop menacée, on l'enlèvera.
Propos recueillis par Thibaud Métais