Les Girondins sont les derniers rescapés français en Ligue Europa. Après leurs deux matchs contre Benfica, il n'y aura plus de club hexagonal dans la compétition. Ou pas.
Pourquoi Bordeaux va triompher. Pourquoi les Girondins vont sombrer.
Parce que Bordeaux aime secrètement l'Europa Ligue
« Boring Bordeaux ». La Ligue 1 rigole devant le jeu peu entraînant pratiqué chaque week-end par les Girondins sur les pelouses mal taillées de l'hexagone. Soit. Mais la réciproque est tout aussi vraie. Face à Brest, Sochaux ou Marseille, les Girondins s'ennuient à crever. Si bien qu'ils en oublient parfois de gagner. Mais l'Europe, celle qui les avait jalousement observés triompher il y a deux ans des Bayern, Juventus et autre Olympiakos, celle-là, la bande à Francis Gillot en raffole. A l'époque, les Bordelais avaient d'ailleurs mis toutes leurs forces dans le quart de finale de Ligue des champions contre Lyon. Englué cette saison dans le ventre mou du classement, Bordeaux ne fait même plus semblant. Mais ce soir, dans la lumière de l'Estadio da Luz, Bordeaux prendra son pied, à coup sûr.
Parce qu' « Obra » a la gnaque
C'est à lui que le mythique Football Club des Girondins de Bordeaux doit en partie sa qualif' en huitièmes de finale. Sur la pelouse du Dynamo Kiev, au tour précédent, Obraniak avait marqué le fameux « but à l'extérieur » d'une frappe sublime, ridiculisant au passage l'ex-Marseillais Taye Taiwo. A Lille, dimanche, celui que Gillot aligne désormais en milieu droit, avait peu goûté de voir son offrande gâchée par le maladroit Cheick Diabaté. Depuis le mercato hivernal et la téléportation du magicien Jussie au Qatar, « Obra » n'a pas masqué son agacement d'oeuvrer dans une équipe affaiblie. Dans la presse. Et sur le pré. Que sa colère soit saine. Et son équipe sera reine.
Parce qu'Henrique a les crocs
C'est peu dire que le Brésilien a faim. Au placard depuis une vilaine blessure aux adducteurs contractée en Ukraine, le stoppeur a regardé, impuissant, les attaquants de Ligue 1 pénétrer sa défense dans les grandes largeurs. Revenu dimanche, celui que les fidèles du stade Chaban-Delmas surnomment « le mangeur d'enfants », déclare même, dans Sud Ouest, vouloir davantage communiquer avec son partenaire de l'axe central, entre deux bouchées, pour améliorer un alignement douteux. Nul doute que le géant trouvera les mots pour confesser aux attaquants lisboètes sa gourmandise.
Parce que l'histoire se répète
A l'heure de fouler la pelouse de l'Estadio da luz, le cultivé Francis Gillot serait bien inspiré de jouer les profs d'histoire devant ses ouailles. Ce 22 octobre 1986, en huitièmes de finale (tiens tiens) de la coupe UEFA (l'ancienne Europa Ligue), lors de la seule confrontation entre Benfica et Bordeaux, les Girondins étaient venus arracher le nul dans la capitale portugaise (1-1). Les Tigana, Battiston et Thouvenel de l'époque s'étaient qualifiés au retour (1-0). Doux présage.
Rémy Dodet
Pourquoi les Girondins vont sombrer
Parce que c'est la Ligue Europa.
On commence à le savoir, la Ligue Europa, les clubs français s'en moquent comme de l'an quarante. La dernière équipe à avoir véritablement pris cette compétition à cœur - et par là même à être arrivée jusqu'en finale - c'est le fantasque Olympique de Marseille de 2004.
Cette année, le bilan est tellement catastrophique que Frédéric Thiriez a dû sortir les crocs de derrière sa moustache. Dans une interview de l'Equipe relayée par Newsring, le président de la Ligue de football professionnel y est allé de son remontage de bretelles : « Les clubs français n'ont pas la culture de la victoire qu'ils devraient avoir. Il y a eu une négligence, ils ont manqué d'ambition alors que c'est capital pour notre indice UEFA. Jouer à fond la Ligue Europa est un devoir national. Parce qu'on la joue aussi pour les autres. »
Parce que ce sont des Portugais en coupe d'Europe.
Lyon, puis Monaco, éliminés par Porto de la Ligue des champions 2004. Marseille éliminé par Benfica de la Ligue Europa 2010. Même tarif pour le PSG l'année d'après. La route des clubs français en coupe d'Europe a souvent été coupée par une jambe lusitanienne. La faute à une différence d'implication et peut-être de talent.
Au Portugal, on n'entendrait certainement pas : « L'important c'est le championnat, ce qui vient en plus c'est du bonus ! » Régulièrement, les clubs portugais alignent leur équipe type pour les matchs de compétitions européennes, même un jeudi soir. Si vous ajoutez à cela d'excellents techniciens, des joueurs talentueux et une capacité à renouveler un effectif de qualité, vous comprenez le bilan des clubs portugais en coupe d'Europe : quatre Ligues des champions, une Coupe des coupes, deux Coupes de l'UEFA.
Parce que Benfica est au top
C'est bien simple : aucune défaite, meilleure attaque, deuxième meilleure défense. Cette saison, Benfica domine le championnat portugais et il n'y a que Porto pour soutenir la comparaison. Deux revers en Ligue des Champions et une élimination plus tard, les Lisboètes ont su se ressaisir en Ligue Europa, aux regrets du Bayer Leverkusen. Face au troisième de Bundesliga, victoire 1-0 à l'aller, victoire 2-1 au retour. Merci, adéus !
Mais surtout, les statistiques de Benfica contre les clubs français donnent envie de foncer sur Betclic. En onze confrontations, jamais un club de l'Hexagone n'est revenu avec une victoire de l'Estadio da Luz. Au moins, Francis Gillot saura comment justifier l'élimination.
Parce ce que Cheick Diabaté est Girondin
Au bout de l'ennui, Bordeaux a réussi à se défaire du Dynamo Kiev en 16e de finale. Mais cette qualification n'a pas interrompu sa série de défaites en Ligue 1. Aujourd'hui, le club en est à quatre d'affilée. Mais ce qui est réellement inquiétant pour les Girondins, c'est leur niveau de jeu.
Outre sa défense centrale aussi rapide qu'une voiture sans permis, Bordeaux a un gros problème : une attaque composée, au choix, de Diego Rolan, David Bellion ou Cheick Diabaté. Pourtant buteur à Kiev, le grand attaquant (1,94m) malien est susceptible de ne pas être titulaire jeudi soir. En cela réside peut-être le seul motif d'espoir des Girondins.
Etienne Grelet