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05/02/19
13:56

Facebook à l'âge de raison ?

Quinze ans après son lancement, le 4 février 2004, le réseau social s'est imposé comme un géant économique et médiatique. Malgré les polémiques, sa suprématie en a fait un acteur de poids dans la transmission de l'information et les processus démocratiques.

Avec 2,3 milliards d'utilisateurs mensuels (dont 35 millions en France), soit près du tiers de l'humanité, Facebook est le champion incontesté des réseaux sociaux en ligne. Fondé le 4 février 2004 par une poignée d'élèves de Harvard, « The Facebook » était en premier lieu réservé aux étudiants de l'université. Le réseau s'est ensuite progressivement étendu aux autres établissements universitaires américains et canadiens, avant de s'ouvrir au grand public en 2006. Introduite en bourse en 2012, l'entreprise n'a alors cessé de grandir, faisant de Mark Zuckerberg, son fondateur, le nouveau « golden boy » de la Silicon Valley.

En effet, 15 ans après ses débuts, le réseau social accumule les superlatifs : il a dégagé au quatrième semestre 2018 un chiffre d'affaire de 13,8 milliards de dollars dont 6,9 de bénéfice net. A seulement 34 ans, Mark Zuckerberg est selon Forbes la cinquième fortune mondiale, avec un patrimoine personnel estimé à 71 milliards de dollars. Le modèle économique de l'entreprise californienne repose sur la gestion des données de ses utilisateurs : sa principale source de revenus provient des annonceurs qui, grâce aux informations personnelles, adaptent leurs publicités aux utilisateurs.

Le scandale Cambridge Analytica

Ce modèle explique la stratégie du groupe, qui multiplie les rachats de concurrents pour augmenter sa communauté d'utilisateurs. Après avoir absorbé des réseaux moins emblématiques comme FriendFeed à ses débuts, Facebook réalise de bonnes opérations avec, en 2012, le rachat de la très populaire application de partage de photos Instagram et en 2014 du service de messagerie WhatsApp. L'expansion continue que connaît l'entreprise depuis sa création en a fait l'un des « géants du numérique », aussi bien par son poids économique que par son nombre d'utilisateurs et sa dimension internationale.

Son statut de mastodonte du web lui confère de facto un contrôle des flux d'informations et une influence sur la sphère publique en général. Mais le groupe américain est régulièrement sous le feu des critiques. En 2018, Facebook fait la Une après le scandale Cambridge Analytica. Cette entreprise britannique d'analyse de données, qui vendait ses services à la campagne électorale de Donald Trump en 2016, a frauduleusement utilisé des données d'utilisateurs de Facebook. Ce scandale a valu à Mark Zuckerberg une convocation devant les sénateurs américains pour s'expliquer des dérives auxquelles le réseau peut donner lieu.

« Bulles de filtrage » et fake news

En plus de sa gestion des données, le réseau social a été pointé du doigt pour son algorithme. Le modèle historique de Facebook, appelé EdgeRank et mis en place en 2007, calculait la pertinence des publications pour chaque utilisateur à partir des données personnelles recueillies. Après des évolutions successives, l'algorithme, relativement simpliste au commencement, s'est complexifié et a abandonné le nom d'EdgeRank. Les publications « vedettes » du fil d'actualité étaient alors celles qui généraient le plus d’interactions et qui étaient généralement publiées par des pages de marques, de célébrités, ou de médias, y compris ceux qui faisaient de la désinformation. La prise en compte et le relais de ces informations fausses ou tendancieuses par l'algorithme, et l'influence supposée de ce phénomène dans les résultats d'élections majeures comme la présidentielle américaine de 2016 ou le vote sur le Brexit ont valu à Facebook de nombreuses critiques.

L'algorithme a également été remis en question pour sa capacité à enfermer les usagers du réseau dans des « bulles de filtrage ». Au sein de ces « bulles », les utilisateurs sont peu confrontés à des publications contraires à leurs convictions, et l'algorithme a tendance à privilégier des contenus que l'usager est susceptible d'aimer.

Ces critiques ont amené Facebook à réévaluer son algorithme. Dans une tentative de lutte contre ces fake news, Mark Zuckerberg a ainsi annoncé en janvier 2018 une nouvelle modification de l'algorithme du réseau social. L'objectif de cette modification était de revenir à l'esprit communautaire des débuts en favorisant l'apparition des publications d'amis et de groupes dont l'utilisateur est membre sur le fil d'actualité.

Les médias traditionnels en perte d'audience

S'il y a bien eu des effets bénéfiques, avec une forte baisse de l'audience des pages qui diffusaient des fake news, les points négatifs ne sont pas absents. Une étude récente de la Fondation Jean Jaurès  explique qu'avec ce nouveau modèle, les médias traditionnels ont également fortement perdu leur audience sur le réseau social. À l'heure où la moitié des Français s'informe en priorité via les réseaux sociaux, l'exposition plus faible aux médias classiques est compensée par des contenus d'amis qui partagent souvent les mêmes intérêts et opinions. Ainsi, si les médias diffuseurs de fake news ont fortement perdu en audience, ce qui remplissait en partie l'objectif affiché, le phénomène des « bulles de filtrages », qui joue aussi un rôle dans l'ébauche d'opinions politiques, demeure.

Le lien entre changement d'algorithme et succès viral des « gilets jaunes » sur Internet est direct selon l'étude. Ce recentrage affectif et géographique du fil d'actualité de Facebook est en effet un incroyable moteur pour le mouvement. Dès lors qu'un utilisateur est accepté sur deux à trois groupes de « gilets jaunes », 80% de son fil d'actualité est alors composé de publications issues de ces groupes, l'enfermant dans l'une de ces « bulles » pour lesquelles Facebook était fortement critiqué.

Pierre Griner

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