BILLET. "Si je m’étais appelé Moussa Darmanin (…), sans doute n’aurais-je pas été ministre de l’Intérieur". Décidément, l’ex-ministre de l’Intérieur adepte des petites phrases polémiques tient à faire parler de lui jusqu’à son dernier jour à l’hôtel de Beauvau.
Séquence émotion ce lundi 23 septembre sur le perron de la place Beauvau lors de la passation de pouvoir du ministre de l’Intérieur démissionnaire à son successeur, Bruno Retailleau : Gérald Darmanin évoque ses racines. "Je m'appelle Gérald Moussa Jean Darmanin. Mon père, à la maternité de Valenciennes, voulait écrire 'Moussa Darmanin', du nom de mon grand-père, tirailleur algérien qui avait servi la France (...) Il est assez évident si nous sommes honnêtes, que si je m’étais appelé Moussa Darmanin, je n’aurais pas été élu maire et député et sans doute n’aurais-je pas été ministre de l’Intérieur."
Gérald Darmanin, porte-parole français des difficultés d’intégration des immigrés ? Libération ne manque pas d’ironiser sur sa "découverte du racisme le jour de son départ du ministère de l’Intérieur". On rappelle que ce fidèle de Nicolas Sarkozy est aussi l’instigateur de la loi "asile et immigration", votée en décembre 2023, saluée par le Rassemblement national et en partie retoquée par le Conseil Constitutionnel.
Jordan Bardella ne s’est pas privé de retourner le stigmate : "Il serait intéressant que Gérald Darmanin explicite ses propos. Qui considère-t-il comme raciste : les habitants de Tourcoing, les membres de l'institution policière, les Français en général ? Cette déclaration est une injure à la France qui lui a tout donné et qui donne leur chance à tous ceux qui la respectent", écrit-il, sur X.
À l’autre bord du spectre politique, le député LFI Raphaël Arnault ironise au contraire sur la proximité idéologique entre l’ex-ministre et l'extrême droite : "Ah non là vraiment j'étais pas prêt. Après avoir servi de rampe de lancement au RN c'est maintenant qu'il découvre qu'il y a du racisme en France ? Il s'est fâché avec Emmanuel Macron ? On est en droit d'avoir de plus amples explications".
En tout cas, volontairement ou pas, la polémique suscitée par cette petite phrase a le mérite de faire relancer le débat sur le racisme systémique en France.
Ersilia Soudais, députée LFI s'est également exprimée, toujours sur X : "Si vous vous étiez appelé Moussa, vous n'auriez peut-être pas cautionné le meurtre de Nahel", en référence au décès du jeune Nahel Merzouk, 17 ans, tué par un policier après un refus d'obtempérer à Nanterre, le 27 juin 2023. L’affaire avait suscité de vives réactions, interrogeant les violences policières à l’encontre des immigrés sur fond de racisme.
Thomas Ménagé, député RN interrogé sur BFM TV, dénonce un discours communautariste : "Gérald Darmanin insinue que les électeurs de sa circonscription sont racistes. Il tient le même discours de la France insoumise. C’est quoi la prochaine étape ? Il va dire que la police tue ? En France, on peut, quelque soit son origine, gravir les échelons. C’est très dangereux de mettre dans la tête des français qu’il y aurait une différence de traitement en fonction de l’origine sociale en France".
Les commentateurs s’interrogent sur la stratégie politique à l’œuvre derrière cette déclaration. L’ex-ministre de l’Intérieur chercherait-t-il à maquiller ses distances avec le très conservateur Bruno Retailleau, dont le programme consiste à "rétablir l’ordre, rétablir l’ordre et encore rétablir l’ordre" ? Ce dernier ne s’est pas risqué au commentaire.
Écrit par Lilou Bourgeois
Édité par Liza Hervy-Marquer