L'ancien parfumeur de la maison Guerlain est accusé d'injure raciale par des associations anti-racistes. Les deux parties se sont affontées jeudi au tribunal correctionnel de Paris.
Vêtu d'un costume marron clair, Jean-Jacques Guerlain, petit-fils du créateur de la marque s'est présenté jeudi après-midi, appuyé sur des béquilles, devant le juge de la 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris. Il était jugé pour injure raciale.
Le 15 octobre 2010, sur le plateau du Journal Télévisé de 13h sur France 2, Jean-Jacques Guerlain avait déclaré à Elise Lucet : "Pour une fois, je me suis à travailler comme un nègre. Je ne sais pas si les négres ont toujours tellement travaillé, mais bon..." Malgré des excuses exprimées aussitôt, les associations SOS racisme, le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples (Mrap) et Noir et Fier ont porté plainte.
Vacances en Afrique
Guerlain a qualifié lui-même devant la Cour, jeudi, ses propos d'"imbécilités". "J'ai voulu faire rigoler la journaliste et je le regrette" a-t-il ajouté. "Je suis tout sauf raciste", a martelé l'homme de 75 ans, qui a raconté à l'audience ses premières rencontres avec les Noirs américains qui lui ont fait "découvrir à la Libération le chewing-gum et le Coca-Cola". "Je ne me sens pas du tout coupable, bien au contraire. Je passais la moitié de mon temps en Côte d'Ivoire, au Sénégal et en (...) Guinée-Bissau" pour prélever la matière première nécessaire aux parfums."
Sur le banc de la partie civile, les associations qui ont brocardé son "racisme jovial", dénonçant un racisme ordinaire. "La première partie de ma phrase est une phrase que j'ai entendue toute ma jeunesse quand je travaillais dans le jardin de mon grand-père. Je suis d'une autre génération", s'est justifié le prévenu.
Le scepticisme du procureur
Il a ensuite présenté ses excuses. Ce à quoi lui a répondu le procureur Alexandre Auber : "Je n'ai pas de raison de douter de la sincérité de ces regrets, mais il est incontestable que ces propos, "injurieux et racistes", ont constitué "un trouble à l'ordre public".
Dans les jours suivant ces propos, une centaine de personnes avait en effet manifesté devant la boutique Guerlain des Champs-Elysées et des appels au boycott avaient été lancés. La direction de la marque de luxe a condamné les propos, rappelant que Jean-Jacques Guerlain n'était plus actionnaire, ni salarié de l'entreprise. Elle s'est même par la suite engagée à ne plus faire appel à l'expertise de celui qui avait été un des grands "nez" de la maison et à soutenir des actions de mécénat contre le racisme, afin de revaloriser son image commerciale.
Mathilde Bournique avec AFP