Malgré la volonté de l’Éducation nationale de généraliser la « mise à l’écart » des téléphones en 2025, seuls 9% des collèges ont sauté le pas.
Stocker plusieurs centaines de smartphones pendant les heures de cours peut être un dilemme pour certains collèges.
Photo : Laura Perrusson
Le premier réflexe de ces élèves à la sortie du collège ? Sortir leur portable de leur sac et le rallumer. Dans cet établissement strasbourgeois, le règlement intérieur s’est durci en cette rentrée 2025. Chaque collégien est tenu d’éteindre son téléphone et de le laisser dans son sac à dos. Les modes avion ou silencieux ne sont pas tolérés. Toute infraction entraîne la confiscation immédiate de l’appareil pour la journée. Ce mercredi 17 septembre, après quatre heures de privation, les élèves peuvent enfin le dégainer sans risque.
Le dispositif « Portable en pause », voulu par la ministre de l’éducation démissionnaire, Élisabeth Borne, prévoyait de contraindre les élèves à laisser leur téléphone dans des casiers ou des pochettes avant les cours. Cet établissement ne l’a pas encore mis en place. Et il est loin d’être le seul. Selon une enquête du syndicat des personnels de direction de l’Éducation nationale, le SNPDEN, diffusée le 12 septembre, 91% des collèges ne l’ont pas appliqué à la rentrée.
Pas de dotation spécifique
Au collège du Bastberg, à Bouxwiller (Bas-Rhin), comme dans l’établissement strasbourgeois, les élèves doivent éteindre et ranger leur téléphone. Une règle déjà inscrite dans le règlement intérieur mais dont « l’application stricte » ne date que de la rentrée. La principale, Christelle Chevalier, veille à le rappeler chaque matin devant le portail. « On n’a aucun matériel pour mettre les portables à l’écart, dit-elle à cuej.info, donc rien ne change pour nous. Je demande juste aux élèves s’ils l’ont bien éteint et dans le sac. »
Selon une circulaire diffusée par le ministère de l’Éducation en juillet 2025, la mise en œuvre de ce dispositif de bannissement des téléphones et appareils connectés devrait pourtant être effective « avant la fin de l’année civile 2025 ». Pour autant, aucune dotation spécifique n’a été débloquée pour ce faire. « Le budget de l’établissement ne permet pas cet investissement. Des discussions sont en cours avec la Collectivité européenne d’Alsace pour choisir un système et le mettre en place », explique Christelle Chevalier.
Une mesure « difficilement applicable »
Le ministère de l’Éducation nationale laisse aussi « à la discrétion » des collèges les modalités de mise à l’écart. Mais la demande « semble difficilement applicable » pour 43% des répondants de l’enquête du SNPDEN. Au collège de Bouxwiller, par exemple, impossible de stocker les téléphones de 480 élèves. « Des casiers en plus, ça ne me fait pas rêver. On n’a déjà plus de place », déplore Christelle Chevalier. Si besoin, la principale envisage plutôt d’instaurer un système de pochettes anti-ondes. Avant les cours, l’élève y scelle son téléphone. La pochette ne peut alors s’ouvrir qu’avec une base magnétique, placée à la sortie de l’établissement.
Christelle Chevalier ne s’inquiète pas, en tout cas, de la réaction des élèves vis-à-vis du durcissement des règles. « Ça chemine doucement. Le matin, je vois de plus en plus d’élèves qui n’apportent même plus leur smartphone, plutôt que de veiller à l’éteindre. » Reste à convaincre les parents. « Certains installent des applications de géolocalisation sur les portables de leurs enfants et ne veulent pas qu’ils soient éteints. »
À Strasbourg, Ibrahim*, père d’un élève de 3e, abonde : « Moi, j’autoriserais le portable, si j’avais le choix, pour qu’on puisse appeler notre enfant en cas de besoin. Si on doit l’informer de quelque chose, par exemple. » Quant aux collégiens, il y a ceux qui respectent les règles et les autres. Quinze jours après la rentrée, Manon* risque l’exclusion temporaire. Elle a été surprise, à deux reprises, en train de prendre des photos dans l’enceinte de son collège strasbourgeois.
* Les prénoms ont été modifiés.
Laura Perrusson
Édité par Maud Karst