Une friperie solidaire est organisée cette semaine sur le campus de l'Esplanade à Strasbourg par des associations étudiantes. Un événement qui cartonne.
Jules Fischer (à droite) et son ami Jorel chinent. Photo : Manon Boudsocq
« Il y a pas mal de trucs ! » Au milieu des piles de t-shirts, de jeans et de chemises déjà portés, Emilie Lehn et Armand Dupont, deux étudiants de 21 ans, chinent. Profitant d'une pause entre deux cours, ce jeudi sur le campus de l'Esplanade de l'université de Strasbourg, ils fouillent et font des essayages. « Je n'achète que de la seconde main depuis un an », avance la jeune femme. Son camarade aussi. « Je n'ai plus envie d'acheter du neuf, même si je l'ai fait comme tout le monde », abonde-t-il.
Comme eux, plusieurs centaines de jeunes répondent présent à l'initiative de deux associations représentant les étudiants, des mathématiques aux sciences de l'éducation entre le 27 et le 29 septembre au bâtiment le Studium. Elles ont créé une grande friperie solidaire, où tous les vêtements vendus ont été récoltés grâce à des dons.
Contrer la fast fashion
Tous les participants interrogés sont motivés par un objectif : contourner la fast fashion, cette pratique de consommation excessive d'habits neufs qui fait la part belle aux produits peu chers mais de mauvaise qualité, souvent usés en quelques mois. Chaque année, 100 milliards de vêtements sont vendus dans le monde. Ce qui génère une pollution démentielle, en plus des litres d'eau et de produits chimiques nécessaires à leur fabrication. Sans oublier les conséquences sociales pour des milliers de travailleurs à la chaîne, souvent mal payés.
Alors certains acheteurs et acheteuses délaissent les magasins H&M, Zara ou Primark pour des boutiques de seconde main ou des applications de vente entre particuliers comme Vinted, qui rentrent aussi en concurrence avec des associations de solidarité. « Je ne vois aucun intérêt à acheter du neuf », tranche de son côté Charlotte Servais, étudiante en économie et en droit de 19 ans. « J'ai les moyens, mais je ne veux pas dépenser mon argent là-dedans », dit-elle sortant d'un sac, les deux jeans qu'elle s'est offerts pour la somme symbolique de 4 euros.
Des prix imbattables
« Nous avions déjà organisé une friperie solidaire en mars, en partenariat avec l'université. Et ça avait été une énorme surprise », explique Emma Kraft, 21 ans, membre de l'Adem, l'une des trois associations organisatrices. « Ça avait tellement bien marché qu'on nous avait proposé de continuer. » Six mois plus tard, le succès est toujours là. Rien que pour la première journée, 300 personnes ont acheté au moins un article. Il faut dire que les prix sont imbattables : 1 euro le t-shirt, le double pour une paire de chaussures, le triple pour une veste. « Cette friperie est un bon entre-deux entre écologie et aide aux étudiants qui n'ont pas beaucoup d'argent pour s'habiller, poursuit Emma Kraft. Même si nous voyons surtout passer des personnes qui aiment la mode, plus que des gens dans le besoin. »
Valentine Seuther a acheté un sac et des accessoires pour 4 euros. Photo : Milan Derrien
Cet événement s'inscrit dans un contexte global d'évolution de la consommation de produits textiles. L'Institut français de la mode estime que le marché de la seconde main pesait 6 milliards d'euros en 2022. Les grandes marques de prêt-à-porter développent les unes après les autres leur service de réemploi. Et de plus en plus de personnes adoptent ce mode de consommation, comme Jules Fischer, 18 ans, qui vient tout juste de faire sa première rentrée à l'université : « Je viens d'un petit village où il n'y a pas de friperie. À Strasbourg, je découvre. C'est vrai qu'on achète beaucoup de vêtements neufs qu'on ne porte pas beaucoup derrière. »
Valentine Seuther, elle, se rappelle avoir mis du temps avant de franchir le pas : « Il y a trois ans, je n'aimais pas du tout les fripes. J'aime bien la mode mais les vêtements déjà portés, ça ne m'attirait pas. Ce sont les petits prix qui m'ont poussée vers la seconde main. » L'argent récolté par les associations étudiantes au cours de ces trois jours sera réinvesti pour organiser de nouveaux événements de ce type. Et pour les retardataires, la friperie sera ouverte ce vendredi, de 11 heures à 19 heures.
Milan Derrien
Éditeur : Max Donzé