Des deux côtés de l'Atlantique, la lutte contre la maladie d'Alzheimer progresse. Au niveau du diagnostic mais aussi de la guérison, avec une expérience américaine très en vue.
La maladie d'Alzheimer touche environ 880 000 personnes en France, et 36 000 personnes dans le monde ( Crédit photo: Flickr / Ann Gordon / CC BY-SA 2.0 )
Cette semaine, deux avancées majeures dans la lutte contre la maladie d'Alzheimer entretiennent l'espoir des familles touchées : un diagnostic précoce de plus en plus performant en France, et un médicament qui restaure les fonctions cérébrales chez les souris.
A Tours, Toulouse et Caen, une machine fleuron de l'imagerie médicale a passé au crible le cerveau de 50 patients pendant trois ans. Ils ont été répartis en trois groupes : des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer, d'autres non-atteintes et un dernier groupe présentant des troubles légers cognitifs. Cet essai clinique a permis d'observer l'apparition de plaques amyloïdes, ces accumulations extracellulaires impliquées dans des maladies dégénératives comme Alzheimer. Ces plaques apparaissent à l'image grâce à des marqueurs radioactifs.
Objectif : plus de patients traités
La nouveauté ? L'équipe, rattachée à l'Inserm de Tours et menée par Vincent Camus et Denis Guilloteau, a utilisé un nouveau traceur pour la fabrication du marqueur. Le traceur Fluor 18 est doté d'une demi-vie de 2 heures contre 20 min pour le Carbone 11, communément utilisé jusqu'à maintenant. C'est à dire qu'il perd la moitié de sa radioactivité au bout de deux heures : première nationale, ils ont réussi à démontrer qu'il est tout aussi efficace.
Le Fluor 18, tout comme le Carbone 11, sont produits dans un accélérateur de particules. Vincent Camus, psychiatre au Centre régional mémoire ressources sur la maladie d’Alzheimer de Tours, explique ce processus : "Nous fabriquons un médicament marqué par le fluor 18, qui a la particularité de se fixer sur les lésions du cerveau spécifiques à la maladie. Puis nous l'injectons au patient par voie sanguine, juste avant de le mettre dans la caméra pour faire une image de son cerveau."
"L'utilisation du fluor 18 permet donc de produire des médicaments et de les livrer pour des patients à 2-3 heures de voiture, et plus seulement pour ceux à proximité immédiate du cyclotron. C'et une chaîne complexe, mais réalisable, qui peut bénéficier à beaucoup plus de personnes". Le scientifique espère que que cette méthode passe le cap de l'expérimentation et soit appliquée dans tous les hôpitaux équipés.
Déceler les malades jeunes
Pour Dominique Beauchamp, présidente de l'association Alzheimer touraine, cette étude représente un pas de plus vers le diagnostic précoce : "Déceler la maladie le plus tôt possible permet d'intégrer le malade tout de suite dans le circuit de soins : des médicaments pour freiner la maladie mais aussi des méthodes douces comme le sport, la stimulation cognitive, la musique, pour mieux la vivre au quotidien".
Par ailleurs, 30 000 malades français sont âgés de moins de 35 ans. « Ces marqueurs sont également une très bonne chose pour les malades jeunes, pour lesquels il est très facile de se tromper dans le diagnostic », ajoute Dominique Beauchamp. « Désormais quand le marqueur sera négatif, on saura que ce n'est pas forcément Alzheimer, mais que cela peutdes maladies rares de démence dont certaines sont guérissables ».
L'équipe de Tours ne se laisse pas griser et travaille déjà à d'autres projets : "Nous voulons utiliser le Fluor 18 pour comprendre d'autres phases précoces de la maladie, et pas seulement les trous de mémoire. Puis nous aimerions nous emparer d'autres traceurs, pour diagnostiquer les patients qui sont susceptibles d'évoluer plus vite dans leur maladie. Ce serait une chance pour leur offrir un traitement plus adapté".
Des souris et des hommes
La deuxième découverte de la semaine met en scène le Bexarotène, un médicament utilisé contre le cancer depuis 1999. Des chercheurs de Cleveland ont montré qu'il restaurait les fonctions cérébrales normales de souris de laboratoire atteintes de l’équivalent d’Alzheimer après seulement 72 heures. Ces cobayes avaient aussi retrouvé la mémoire et leur sens de l'odorat, la perte de ce sens étant souvent le premier signe de la maladie chez les humains.
Les chercheurs estiment que cette avancée pourrait déboucher sur un traitement pour cette maladie, incurable actuellement. Vincent Camus appelle cependant à la prudence : "Des résultats positifs chez la souris ne garantissent absolument pas l'applicabilité chez l'humain. Nous sommes toujours enthousiastes quand de nouvelles études font avancer la recherche, mais il faut bien se rendre compte qu'entre une découverte chez l'animal et un médicament pour l'homme, le concept est très long et risqué".
Il y a une dizaine d'années, un vaccin contre Alzheimer avait été très efficace sur les souris, mais appliquée à des personnes, il avait provoqué des inflammations cérébrales et même des décès.
Laure Siegel
Une vidéo pour comprendre les mécanismes de la maladie d'Alzheimer